Comptes rendus

Robert, Marc-André, Dans la caméra de l’abbé Proulx. La société agricole et rurale de Duplessis (Québec, Septentrion, 2013), 311 p.[Record]

  • Maude Roux-Pratte

…more information

  • Maude Roux-Pratte
    Historienne

Marc-André Robert nous présente Maurice Proulx, un personnage méconnu et pourtant l’un des pionniers du cinéma québécois, puisqu’il a fait ses premiers films comme cinéaste amateur dans les années 1920 et 1930. Proulx réalise entre autres le premier long métrage dit documentaire au Québec, En pays neuf (1937). Il s’agit également de la première oeuvre d’ici à être sonorisée. Jusqu’au début des années 1970, l’abbé Proulx signe une cinquantaine de films qui abordent la société rurale québécoise, qu’ils traitent d’éducation, de progrès scientifiques, de religion ou d’attraits touristiques. L’auteur s’intéresse plus particulièrement aux 24 courts métrages d’information gouvernementale parus entre 1945 et 1960. À la lumière de ces productions et des diverses sources consultées (correspondance, entrevues, notes), Robert considère que la vision de la ruralité québécoise montrée dans les films de Proulx est d’abord sa vision personnelle, bien qu’elle soit teintée du point de vue de ses collaborateurs et même si ce cinéma sert de publicité à l’Union nationale (p. 12-13). En effet, Duplessis était le principal employeur de Maurice Proulx, qui travaillait alors pour le service de ciné-photographie provincial (SCP). Robert pense que les films étudiés ne sont pas pour autant des films de « propagande », du moins dans la définition contemporaine de celle-ci (p. 213). Nous avons affaire à un réalisateur qui vient d’une famille d’agriculteurs depuis plusieurs générations et qui a lui-même un doctorat en agronomie, d’où un intérêt pour les transformations de la société rurale et les avancées scientifiques et techniques qui peuvent faciliter le travail des ruraux (chapitre 1). Il y a donc une « concomitance » entre les sujets de prédilection de Proulx et le programme politique de l’Union nationale, qui compte avant tout sur cet électorat rural pour conserver le pouvoir (p. 213). Selon l’auteur, nous pouvons parler d’une propagande qui est davantage en aval, c’est-à-dire dans l’utilisation que le gouvernement a pu faire des réalisations de Proulx, qu’en amont, au moment de la fabrication du film (p. 217). Afin de mieux cerner la vision qu’avait le cinéaste québécois du monde rural, Robert opte pour une analyse thématique. Trois aspects ont attiré son attention : la question économique, la culture et la société rurale. Cette structure fait en sorte que les mêmes films sont abordés dans différents chapitres. La répétition est parfois agaçante mais somme toute, l’auteur arrive à faire ressortir des exemples qui nous montrent diverses facettes d’une production cinématographique. Chaque partie commence par une mise en contexte historique et se poursuit avec les titres de la filmographie de Proulx qui s’y rapportent. Dans le chapitre 2, Robert note que la société d’après-guerre subit une transformation importante de son économie agricole. Il y a plus d’emplois dans le secteur manufacturier et moins de travailleurs sur les fermes, ce qui rend nécessaire la mécanisation de l’outillage agricole, entre autres pour le défrichage et l’épierrement. Proulx considère que la rentabilité du cultivateur passe par cette machinerie (p. 69-70). En montrant ces progrès, les films de Proulx se mettent « au diapason des discours et slogans de l’Union nationale » (p. 56), puisque le parti se vante de favoriser la modernisation de l’agriculture, notamment grâce à la loi sur le crédit agricole (1936) et à l’Office de l’électrification rurale (1945). De même, la construction de routes et de ponts étant un enjeu électoral, Proulx est appelé à faire des films sur le sujet. Ces courts métrages montrent une fois de plus un grand pragmatisme (p. 85). L’accent est mis sur le développement régional parce que les routes sont précieuses d’abord aux habitants des régions, les alliés de l’Union nationale. Dans le chapitre 3, Robert …