Note critique

Nature et Culture dans les parcs nationauxReconnaître les liens[Record]

  • Roch Samson

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  • Roch Samson
    Service du patrimoine culturel
    Centre de services du Québec
    Parcs Canada

La structure et l’organisation de Parcs Canada sont édifiées sur une séparation de la nature et de la culture. Cela se manifeste notamment par les directions distinctes des parcs nationaux et des lieux historiques nationaux. Du point de vue professionnel, cette distinction se reflète par l’emploi de spécialistes des sciences naturelles, d’une part, et de spécialistes des sciences humaines, d’autre part. Toutefois, une pratique bien ancrée de la pluridisciplinarité au sein de l’Agence fait se côtoyer les professionnels de tous horizons. Mais le fait que biologistes, écologistes, géographes, historiens, archéologues, anthropologues, ethnologues et muséologues soient réunis dans l’atteinte de mêmes objectifs, lors de la création d’un parc national par exemple, n’entraîne pas nécessairement le partage des mêmes perspectives et problématiques sur le plan de la recherche. On ne s’étonnera pas de voir là un reflet de la réalité du milieu universitaire où un même objet d’étude entraîne une multiplicité de champs disciplinaires. Mais comme dans ce milieu, de plus en plus de professionnels de la recherche et de la mise en valeur témoignent d’une insatisfaction et d’un inconfort à penser la nature et la culture comme des entités séparées. On peut, en effet, observer, notamment dans les parcs du nord du pays, un souci de penser ensemble la nature et la culture, et ce, malgré le fait que la structure dualiste de Parcs Canada ne soit pas contestée. On comprend davantage, au sein de l’Agence, que la séparation de la nature et de la culture constitue un dualisme dépassé. Nous verrons ici que Parcs Canada est sans doute à l’aube d’un changement important dans la manière de concevoir la présence et la mémoire de l’homme dans les parcs nationaux. Il ne s’agit pas seulement de raconter l’histoire de l’homme dans la nature parallèlement à une histoire de la nature. Il s’agit plutôt de penser ensemble la culture et la nature dans la compréhension de la réalité et de l’évolution des territoires, paysages, écosystèmes qui caractérisent les parcs nationaux. L’objectif à atteindre est double : faire servir cette vision unifiée à l’atteinte de l’intégrité écologique des parcs nationaux, et réintégrer la dimension humaine dans la nature. La persistance d’une pensée et d’une structure dualistes au sein de Parcs Canada est directement tributaire de cette discrimination entre la nature et la culture qui trouve des assises encore solides dans les milieux universitaires. Nombreux sont les scientifiques de la nature qui résistent toujours à incorporer la dimension culturelle dans leur objet d’étude ; pour eux l’homme demeure un facteur perturbant ne méritant souvent que le statut de variable dans leurs modèles. Cette tendance est encore fort bien représentée à Parcs Canada. La notion de culture, et donc d’histoire, est difficilement conciliable avec des modèles écosystémiques qui recherchent un équilibre naturel sans la présence de l’homme. Tout se passe comme si la mission environnementale « n’était concevable que dans le cadre d’une stratégie qui n’implique que des données scientifiques sur la nature ». Pourtant, du haut de leurs tribunes spécialisées, des experts en écologie ont fait le constat frustrant que l’accumulation de plus en plus grande d’informations scientifiques ne contribuait pas de façon significative à l’amélioration de l’environnement ou de la condition humaine : « Lots of data but not much of knowledge », a-t-on entendu lors du congrès mondial de l’Union internationale de la conservation de la nature tenu à Montréal en 1996. L’exclusion de l’homme de la nature est en fait une vision de l’esprit, car « la nature présuppose toujours la culture, qui en constitue le cadre d’analyse et d’interprétation ». De nombreux scientifiques ont du mal à accepter que leur …

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