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Introduction

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) rassemble trois institutions vouées à l’enrichissement du savoir et de la culture de tous les Québécois. La Bibliothèque nationale acquiert, traite et conserve l’ensemble de l’édition québécoise. Les Archives nationales assurent la conservation d’archives publiques et privées et en facilitent l’accès pour la population. La Grande Bibliothèque, située au coeur de Montréal, est l’un des 12 édifices où BAnQ accueille le public et représente un lieu de rendez-vous culturel permettant un accès libre et gratuit à la plus grande collection de livres et de documents en français en Amérique.

Depuis son ouverture, la Grande Bibliothèque propose des services accessibles et spécialisés aux personnes vivant avec une déficience physique ou perceptuelle, grâce à l’équipe des services adaptés. Jusqu’à présent, l’offre d’activités et de services aux personnes présentant une déficience intellectuelle n’avait pas été conçue de manière formelle. Au début de l’année 2019, BAnQ a créé un poste de chargée de projets pour l’adaptation d’activités destinées à cette clientèle, dans le but d’analyser et de revoir les services proposés à la Grande Bibliothèque afin de les rendre plus accessibles.

La création de ce poste découle de la publication du plan d’action gouvernemental en culture 2018-2023 qui accompagne la politique culturelle du Québec, Partout, la culture (Ministère de la Culture et des Communications, 2018). En tant qu’organisme public, BAnQ veut améliorer ses services spécialisés pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle afin d’accroître leur participation sociale, notamment en ce qui a trait à la vie culturelle, et de contribuer ainsi à leur épanouissement. L’institution prévoit ainsi une série d’actions en favorisant l’accès, la participation et la contribution de divers groupes ciblés par le plan d’action à ses diverses activités afin de contribuer à améliorer leurs compétences en littératie. Ces moyens sont mis en place pour favoriser l’inclusion sociale. Par ailleurs, cette initiative s’inscrit parmi les objectifs stratégiques de BAnQ, dans une volonté de contribuer à rehausser le niveau de littératie de publics cibles identifiés comme étant les groupes suivants : personnes à faible revenu, aînés, Autochtones, nouveaux arrivants, personnes handicapées.

Autant le ministère de la Culture et des Communications que BAnQ mettent la littératie des personnes vivant avec une déficience intellectuelle au coeur de leurs préoccupations. Cet article présente les moyens et la réflexion mis en avant par BAnQ pour répondre aux exigences et aux besoins de ce public.

Qu’est-ce que la déficience intellectuelle ?

La déficience intellectuelle est caractérisée par des incapacités sur le plan intellectuel (résolution de problème, jugement, planification, raisonnement, abstraction, compréhension, apprentissage) et sur le plan des habiletés, par exemple lorsque la personne rencontre des difficultés dans l’accomplissement des tâches de la vie quotidienne en raison de limitations cognitives. La déficience intellectuelle n’est pas une maladie. Il s’agit d’un état permanent qui se manifeste durant la période de développement de l’enfant. Selon l’Association de Montréal pour la déficience intellectuelle (AMDI), « [a]u Québec, 66 000 personnes, soit 1 % de la population, déclarent avoir une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme » (AMDI, s. d.).

Au cours des dernières années, on a constaté une évolution des termes utilisés pour désigner l’état des personnes vivant avec des incapacités cognitives dans les milieux d’intervention spécialisés en déficience intellectuelle et en troubles du spectre de l’autisme afin de favoriser une approche moins stigmatisante. Les termes à privilégier sont « personnes présentant une déficience intellectuelle », « personnes vivant avec une déficience intellectuelle » ou encore « personnes ayant une déficience intellectuelle ». Le choix des mots utilisés est très important, car il permet d’humaniser ces personnes et surtout de ne pas les traiter en victimes.

Chaque personne vivant avec une déficience intellectuelle est unique. Il s’agit d’un groupe hétérogène dont les membres se différencient par leurs caractéristiques individuelles. Les personnes qui le composent se divisent en différentes catégories allant d’une déficience légère à profonde : « 88 % des personnes ayant une déficience intellectuelle présentent une déficience légère » (Martin, 2012, p. 140). D’ailleurs, d’autres incapacités et déficiences d’origines diverses peuvent s’associer au diagnostic de déficience intellectuelle. Il faut tenir compte de la diversité des réalités vécues par ces individus et leur entourage. La déficience intellectuelle se caractérise par des limitations et des lenteurs cognitives. Les niveaux de compréhension et d’habiletés sont multiples et variés. Il est important de comprendre les spécificités et de s’adapter à cette clientèle qui peut avoir des difficultés à communiquer et à interagir selon les normes sociales. Toutefois, l’ensemble de ces personnes ont des besoins et des attentes similaires à ceux de l’ensemble de la population. Malgré les croyances populaires et les préjugés, ces personnes peuvent apprendre selon leurs capacités et à leur propre rythme, l’encadrement et l’accompagnement nécessaires à leur épanouissement variant d’une à l’autre.

La documentaliste Sophie Janik (1994, p. 145) propose une définition éclairante sur le sujet :

Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont limitées dans leur capacité d’apprendre et de comprendre. Elles sont lentes : à la lenteur intellectuelle s’ajoute la lenteur d’exécution accompagnée parfois de troubles de coordination motrice. Ces personnes ont certains problèmes de jugement, de mémorisation et de concentration. Elles peuvent soit se concentrer et s’occuper longtemps d’une chose ou d’une activité, soit sauter d’une chose à l’autre. Leurs capacités de raisonnement et d’abstraction sont limitées. Elles ont de la difficulté à déterminer les similarités et les différences entre les objets et les situations. Si elles ne perçoivent pas l’ensemble d’une situation et éprouvent de la difficulté à associer les idées, elles possèdent [le] sens du détail très poussé. La capacité d’appliquer les connaissances acquises à une nouvelle situation peut leur faire défaut.

Les personnes vivant avec un handicap rencontrent différents obstacles tout au long de leur vie. Au Québec, la création de la politique À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité (Office des personnes handicapées du Québec [OPHQ], 2009) vise à apporter des changements significatifs auprès des personnes ayant un handicap visible ou invisible. Cette politique stipule que les personnes handicapées ont le droit d’accéder à l’éducation, à l’emploi et à l’information équitablement. Cette politique sert à défendre, à justifier et à appuyer les actions qui privilégient ces groupes.

Les différences qui caractérisent les personnes ayant une déficience intellectuelle ne doivent pas constituer un obstacle à leur inclusion et à leur implication. Ces individus ont les mêmes droits que l’ensemble de la population et ils partagent les mêmes aspirations. Il ne faut pas les confiner à un rôle stéréotypé. Les bibliothèques se doivent d’être en mesure de s’adapter à leurs besoins et de les aider à s’y sentir bien, comme dans un second chez-soi. Ces établissements doivent explorer et expérimenter de nouvelles approches pour assurer un meilleur service auprès de cette population. Ces personnes peuvent repousser leurs limites en découvrant, par le biais de la bibliothèque, des livres et d’autres ressources. Il est possible de créer les conditions nécessaires à l’appropriation des lieux par les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle de façon à ce qu’elles soient amenées à exercer davantage de contrôle sur leur vie et sur leur quotidien.

L’accueil des personnes vivant avec une déficience intellectuelle dans les bibliothèques

Les bibliothèques sont des espaces physiques et virtuels. Il s’agit de lieux sécuritaires et accueillants qui mettent à la disposition de tous des objets culturels allant du roman à la partition musicale, en passant par les jeux vidéo. On veut y abolir les barrières et y accompagner les individus dans diverses sphères de leur vie. Les bibliothèques s’inscrivent comme le prolongement de la société. Ce sont des institutions qui transmettent et partagent le savoir en accueillant une diversité de publics entre leurs murs.

D’ailleurs, il est important de mentionner que le personnel des bibliothèques ne connaît pas la situation des usagers présentant des comportements atypiques. Les apparences étant parfois trompeuses, il leur faut répondre aux usagers sans savoir s’ils vivent avec une déficience intellectuelle ou non, ni quelle est cette déficience s’il y en a une. Le personnel doit être en mesure de s’adapter au rythme de chacun et faire preuve de patience. En tout temps, il faut proscrire les pratiques discriminatoires devant un comportement qui ne correspond pas à la norme. L’employé doit être respectueux, et respecter ses propres limites. Ce n’est pas l’individu qu’il faut corriger, mais bien le comportement. Un comportement qui ne respecte pas les règlements se doit d’être interdit. On pourra opter pour une documentation simple qui utilise des pictogrammes ou un texte simplifié pour expliquer les règlements de la bibliothèque aux personnes dont les habiletés de lecture sont restreintes.

La littérature portant sur les services offerts dans les bibliothèques aux personnes ayant un handicap propose des conseils et des outils qui peuvent être utiles dans l’accueil de ce public. Elle met l’accent sur la formation et la sensibilisation du personnel, qui peut se sentir démuni devant des comportements atypiques. Former spécifiquement le personnel sur l’accueil des personnes ayant une déficience intellectuelle est une initiative qui a pour but de démystifier cette clientèle et de briser les préjugés, souvent source de méconnaissance. La sensibilisation et la préparation des employés sont cruciales pour bien accueillir ces individus qui peuvent avoir des difficultés avec les interactions sociales. Des organismes qui soutiennent l’accessibilité universelle comme AlterGo offrent des séances de formation, des activités et des ateliers de sensibilisation à divers milieux. Le site web de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ, 2017) comporte un éventail d’outils et de services pour mieux accueillir les personnes handicapées. On y trouve un dépliant présentant les actions à privilégier selon les catégories de handicap, et même des coordonnées pour avoir du soutien (OPHQ, 2017).

L’employé et l’usager, indépendamment de leur statut, sont deux parties qui établissent une relation de confiance basée sur le respect mutuel. Les éléments qui assurent un bon accueil sont universels. Celui-ci se caractérise par des gestes simples, comme un sourire. On peut avoir tendance à traiter les personnes vivant avec une déficience intellectuelle comme des enfants en raison de leurs comportements et attitudes, mais ce n’est pas approprié.

Quels sont les besoins des personnes ayant une déficience intellectuelle ?

Pour améliorer l’accès aux services des bibliothèques, l’une des responsabilités de leur personnel, il est primordial d’adapter la communication avec l’usager en s’exprimant avec des termes simples, clairs et directs. Il importe d’éviter le jargon spécialisé et les formulations abstraites en s’assurant que la personne a bien compris, en parlant tranquillement et en répétant si cela semble nécessaire. L’employé doit s’assurer d’avoir bien compris la demande initiale tout en acceptant les personnes qui ne cadrent pas dans les normes.

Est-ce que les personnes vivant avec une déficience intellectuelle utilisent les services des bibliothèques ? La variété des collections accessibles permet de stimuler leur curiosité et leur donne l’occasion d’utiliser plusieurs objets culturels. Si certains individus peuvent démontrer des réticences envers les bibliothèques, leur avis peut changer lorsqu’ils découvrent la richesse des collections. Les films, livres audio, jeux vidéo et bandes dessinées, par exemple, permettent d’attirer l’usager qui n’est pas intéressé par la lecture. Certaines bibliothèques, par exemple la Grande Bibliothèque à Montréal, mettent à la disposition des clientèles ayant des difficultés d’apprentissage des collections pour tous. Ces collections s’adressent autant aux individus en francisation ou en alphabétisation, qu’à ceux qui éprouvent des troubles d’apprentissages. Elles rassemblent des ouvrages classés par sujet qui ont pour objectif de stimuler l’apprentissage de la lecture. Il serait intéressant de s’interroger sur ce type de collection et ses effets selon les clientèles. Livre et lecture, en Bretagne, se penche sur les publics qui rencontrent des difficultés avec les livres et autres textes (Loquet, 2017). Le concept « Facile à lire », développé en Bretagne en s’inspirant des pays scandinaves, (Loquet, 2017) met à la disposition de tous des espaces destinés à mettre en valeur des ouvrages simples en les disposant de face. Ces lieux et le mobilier qui y est installé permettent au public de bouquiner et de découvrir des textes variés correspondant à des niveaux de compréhension de base, comme le mentionne Christine Loquet : « l’essentiel de la démarche est ici de désacraliser le livre, de le rendre accessible et sympathique » (2017, p. 105).

Il existe des moyens pour simplifier le repérage des ouvrages. Par exemple, l’affiche sur la classification Dewey simplifiée, créée par le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (s. d.) et disponible dans les bibliothèques du réseau de la Ville de Montréal, est un outil de vulgarisation qui permet de faciliter le repérage grâce à l’utilisation de pictogrammes.

En franchissant le seuil de la bibliothèque, une personne qui vit avec une déficience intellectuelle peut être intimidée par la signalisation. Certaines initiatives permettent de faciliter l’accueil et la visite des lieux. À la Grande Bibliothèque, par exemple, le personnel a créé des guides visuels pour accompagner les usagers autistes et les personnes qui ont besoin d’un certain encadrement (voir figure 1). Ces guides visuels s’adressent aussi à leurs parents, enseignants ou accompagnateurs. Il s’agit d’un outil qui permet de réaliser un premier contact avec un lieu inconnu. Ces guides en langage simplifié et imagé permettent de prendre connaissance des lieux et des services offerts tout en indiquant les moments les plus calmes pour aller à la Grande Bibliothèque. Ils sont disponibles sur le site web de BAnQ (s. d.) ; sur place, on peut aussi en obtenir un exemplaire imprimé. Pour sa part, la bibliothèque Guy-Bélisle de la Ville de Saint-Eustache propose une visite virtuelle du bâtiment (Ville de Saint-Eustache, 2020). Celle-ci offre l’occasion d’un premier contact avec les lieux, ce qui permet de diminuer l’anxiété devant l’inconnu et de se familiariser avec les espaces physiques.

Figure 1

Guides pour usagers autistes

Guides pour usagers autistes
BAnQ, 2019

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Créer et bonifier des activités : pourquoi et comment ?

S’interroger et se questionner sur les services déjà offerts dans les bibliothèques aux personnes ayant une déficience intellectuelle constitue une occasion d’améliorer les services destinés à l’ensemble de la population. La bibliothèque se veut un lieu inclusif. Il est donc essentiel de veiller à ce que les gens, peu importe leurs besoins, aient accès au même éventail de services que les autres. Puisque les bibliothèques sont un vecteur de changement, la réflexion sur les usages des bibliothèques doit à l’avenir inclure les publics marginalisés. Les bibliothèques doivent, par exemple, s’engager à adapter et à créer des activités permettant à chacun de développer ses habiletés selon ses capacités.

Bonifier les activités existantes dans les bibliothèques et concevoir des activités sur mesure favorise l’autonomie, l’épanouissement et l’amélioration de la situation des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. La bibliothèque se doit de contribuer à rehausser la littératie de ce groupe. Des études sur la littératie démontrent que

le croisement entre le handicap et la littératie montre l’importance de considérer l’accessibilité à l’information afin de favoriser la compréhension et le traitement de l’information par les personnes vivant avec un handicap, mais aussi par toutes les personnes vivant avec des compétences réduites en littératie,

d’après la professeure associée et cotitulaire de la Chaire interdisciplinaire de recherche en littératie et inclusion, Julie Ruel (Ruel et al., 2016, p. 4). Les activités de littératie offertes par la bibliothèque peuvent se décliner autour de la médiation documentaire et numérique. Les collections et le personnel qui assure les services aux usagers sont des outils essentiels qui améliorent le quotidien et qui brisent l’isolement tout en facilitant la découverte.

Accompagner les personnes vivant avec une déficience intellectuelle dans leurs apprentissages afin de favoriser l’autonomisation selon leur rythme et leurs capacités engage les bibliothèques à s’assurer de poser des gestes concrets pour améliorer la participation de ces personnes à la vie en société. La réflexion à ce sujet permet de prendre conscience du besoin d’activités concrètes pour favoriser l’autonomie et le développement d’habiletés, et de déterminer quels sont les obstacles qui peuvent freiner la participation des personnes ayant une déficience intellectuelle. Les activités doivent être adaptées au rythme des participants, concrètes et utiles dans leur quotidien. Comme l’utilisation des technologies pourrait faciliter la vie et améliorer la confiance en soi de ces personnes, il serait intéressant de construire une formation axée sur les déplacements grâce à des applications. Par exemple, une brève initiation à Google Maps pourrait grandement faciliter l’utilisation des transports lors des déplacements des personnes ayant une déficience intellectuelle. Il est intéressant d’ajouter qu’en juillet 2019, dans le cadre du programme de subventions à l’expérimentation de l’OPHQ, la Chaire de recherche en déficience intellectuelle et troubles de comportement de l’Université du Québec à Montréal a entrepris un projet de recherche sur le transport en commun pour les personnes ayant une déficience intellectuelle dans le but de favoriser leur autonomie (OPHQ, 2019).

Le programme de formation à l’utilisation des technologies FU-T, financé par l’OPHQ, a été réalisé en collaboration avec l’organisme à but non lucratif Regroupement pour la Trisomie 21 (RT21) et l’Université du Québec à Trois-Rivières (Simonato et al., 2019). Il a pour objectif de favoriser l’apprentissage et l’utilisation de l’iPad par les personnes vivant avec la trisomie 21. Comme le mentionnent les auteurs du document, ce programme peut être adapté à un éventail d’autres types de clientèles. Le document contient des fiches d’activités et propose des stratégies d’animation pour inspirer les intervenants dans la réalisation de celles-ci. On y trouve aussi quelques suggestions d’applications et sites web pertinents pour développer l’inclusion numérique.

Dans l’élaboration et la réalisation d’activités auprès de clientèles nécessitant un encadrement et un accompagnement, le bibliothécaire ou le formateur optera pour une approche qui favorise les tâches simples et répétitives. En soutenant les participants dans leur développement et l’acquisition de connaissances selon leurs capacités, il les implique dans les activités pour s’adapter à leur rythme en se souciant de simplifier les contenus. Les intervenants qui travaillent au quotidien auprès de ces clientèles peuvent aider le personnel responsable de la formation à déterminer la matière à présenter. Il est aussi nécessaire d’adapter la formation selon le degré de la déficience intellectuelle (légère, moyenne, sévère) des participants.

La contribution et la générosité des organismes qui visent à démystifier et à mieux faire connaître la déficience intellectuelle sont essentielles à l’adaptation des activités pour les participants faisant partie des publics cibles. Sans l’aide et l’expertise de ces organismes, les bibliothèques auraient de la difficulté à tisser des liens avec ce public et à élaborer des activités et des projets. Ces organisations sont indispensables pour connaître les attentes, les besoins et les obstacles de ces personnes marginalisées. Les bibliothèques et ces organismes partagent des valeurs communes comme l’inclusion, la participation citoyenne, l’éducation et l’autonomisation. Enfin, il ne faudra pas oublier l’aide des milieux scolaires qui reçoivent les jeunes ayant une déficience intellectuelle. Ces milieux peuvent aider les bibliothèques à accueillir les groupes en s’occupant de la logistique et en assurant la présence d’accompagnateurs. Il est crucial de tisser et d’entretenir des liens avec ces milieux pour trouver des moyens de faciliter la cohabitation entre les divers publics.

Des initiatives ailleurs

Il est important de favoriser le développement des compétences en littératie selon les capacités et le rythme de chacun, dans le but d’augmenter la participation citoyenne. Il existe diverses initiatives destinées aux personnes ayant une déficience intellectuelle, telles que les clubs de lecture de l’organisme Next Chapter Book Club (s. d.), dont l’objectif est de leur faire découvrir des textes courts et accessibles. Au Québec, la bibliothèque de Beloeil a mis sur pied un club de lecture qui s’adresse au même public. À la Grande Bibliothèque, une animation littéraire autour de la bande dessinée a permis de faire découvrir des ouvrages à des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle et de discuter de certains thèmes[1]. Utiliser les images des bandes dessinées permet de stimuler l’imagination et la créativité grâce à des interactions entre les participants. Dans un contexte de médiation, l’improvisation offre un lieu propice à l’échange entre les participants et le bibliothécaire.

Depuis 2014, le programme AnyAbility des bibliothèques publiques du réseau Anythink, dans le Colorado, a permis à des adultes handicapés d’établir des liens avec leur communauté ((McGowan, Martinez et Marcilla, 2018). Ce programme, guidé par les valeurs et la philosophie de l’institution (McGowan, Martinez et Marcilla, 2018, p. 351), a permis au personnel de la bibliothèque d’être plus à l’aise dans ses interactions avec ce public. Créer des occasions pour les employés de mieux connaître cette clientèle entraîne un changement dans les perceptions et les attitudes. Une fois par mois, les bibliothèques organisent des activités destinées aux adultes handicapés, comme une heure du conte au cours de laquelle ils peuvent réaliser des projets artistiques. Ces activités mensuelles sont aussi un lieu de rencontre entre les participants. Au Canada, la bibliothèque publique de Caledon, en Ontario, offre un programme similaire en collaboration avec un organisme communautaire (Simeon, Duffy et Maw, 2017). Ce programme, appelé Library Living, a lieu chaque mois autour d’un thème qui permet de réunir des adultes ayant une déficience intellectuelle.

Des bibliothèques prêtent des trousses sensorielles qui permettent d’améliorer la concentration, de développer des habiletés motrices et d’améliorer la compréhension autant des adultes que des enfants. Les trousses contiennent des casse-têtes, des jeux et même des coquilles antibruit. À la bibliothèque publique de Calgary, des trousses sont conçues pour être utilisées sur place (T. Budd, conversation par courriel, 10 septembre 2019).

Le programme Biblio-Aidants de l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ) offre de la documentation pour les familles et l’entourage des personnes ayant une déficience intellectuelle (Biblio-Aidants, 2020). Les dépliants comportent des listes d’organismes et d’ouvrages spécialisés ainsi que des recommandations sur de nombreux sujets concernant la santé physique et mentale comme le cancer et la maladie d’Alzheimer. Ces cahiers offerts dans les bibliothèques participantes du Québec contiennent une multitude de ressources accessibles, sélectionnées selon des critères bibliothéconomiques. Ce projet pourra inspirer diverses déclinaisons comme la création de trousses contenant une sélection d’ouvrages de fiction et documentaires destinés tant aux adultes qu’aux enfants représentant divers handicaps, dans le but de sensibiliser la population aux différences. Ces trousses pourraient aider à créer un dialogue auprès des personnes méconnaissant les divers handicaps.

Par ailleurs, le site web de la Ville de Montréal est accessible en deux versions (Ville de Montréal, 2020). L’une de ces versions est en langage simplifié et facile à lire, et l’autre en orthographe alternative. Ce site web permet de mettre en valeur les services offerts par la Ville de Montréal à diverses clientèles rencontrant des problèmes de littératie et d’alphabétisation. En France, le projet Pictomédia utilise des pictogrammes pour faciliter la communication avec diverses clientèles, dont les usagers ayant des déficiences intellectuelles, ainsi que pour favoriser leur autonomie (Muzumdar, 2009).

Ces nombreuses initiatives sont inspirantes et permettent de prendre conscience des efforts réalisés pour inclure cette population au sein de la société.

Conclusion

Accueillir tous les publics tout en faisant la promotion du vivre-ensemble est au coeur de la mission des bibliothèques. Faciliter l’accueil et l’inclusion des personnes ayant une déficience intellectuelle s’avère bénéfique pour la collectivité puisque les moyens utilisés profitent aussi à d’autres groupes. Par exemple, l’utilisation de pictogrammes pour la signalisation permet aux usagers qui ne parlent pas français ou qui ont des difficultés en lecture de s’orienter facilement.

L’adaptation d’activités pour les personnes ayant une déficience intellectuelle est un mandat fort stimulant. Le projet lancé à la Grande Bibliothèque il y a quelques mois vise à favoriser la participation citoyenne de tous. Sa réalisation contribuera à démystifier les réalités des personnes présentant une déficience intellectuelle. De nombreuses initiatives ont été lancées pour cette clientèle, et il importe de les faire connaître.

Les bibliothèques sont des alliées dans l’intégration des personnes marginalisées. Vouloir rendre les bibliothèques accessibles et non discriminatoires demande aux bibliothécaires et à leurs collègues de s’investir auprès de la communauté par des services inclusifs.