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Introduction

Au moment de la création de l’ABPQ, rappelons que la pensée gestionnaire à l’égard du développement des Bibliothèques publiques du Québec (BPQ) était en pleine effervescence à la suite de l’adoption du Plan Vaugeois[1] mis de l’avant en 1980. Ce plan visait notamment la création de nouvelles bibliothèques, l’embauche de bibliothécaires professionnels, la mise à niveau des espaces, une augmentation du nombre de bibliothèques à l’échelle du Québec, une majoration des dépenses par personne jugées insuffisantes et un rehaussement des collections (Laforce 2008). Des mesures qui ont été considérées à l’époque comme un véritable coup de fouet de nature à faire des BPQ un acteur principal pour favoriser l’accessibilité à la culture dans le cadre de l’adoption par le ministère de la Culture (MAC) d’une nouvelle politique du livre et de la lecture qui sera mise en vigueur en 1981. Un exposé des enjeux et des défis auxquels l’Association a toujours été confrontée depuis sa création permettra au lecteur de mieux comprendre la raison d’être d’un tel regroupement associatif voué à la promotion des BPA.

C’est en décrivant sa mission, ses valeurs et en présentant les nombreux dispositifs déployés par l’ABPQ depuis 35 ans que l’on comprendra mieux le rôle joué par cette association dans le développement d’un véritable réseau de bibliothèques publiques au Québec. Les principales réalisations de l’Association à titre d’acteur social du changement seront mises en valeur dans le cadre d’un processus de politisation de la culture à la suite de la création du ministère de la Culture (MAC) en 1961.

Le milieu des bibliothèques publiques du Québec : quelques éléments de définitions

Mentionnons que trois types de bibliothèques font l’objet d’un encadrement législatif de la part du ministère de la Culture et des Communications (MCC). La loi du MCC (chapitre M-17) détermine les fonctions et les pouvoirs des Bibliothèques publiques autonomes (BPA), ceux des Centres régionaux de services aux bibliothèques publiques (CRSBP) et de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Cette loi indique clairement que les bibliothèques publiques autonomes relèvent des municipalités à qui appartiennent la responsabilité d’établir les règles de fonctionnement et de gestion. Ce cadre législatif souligne que le ou la ministre doit consulter les municipalités et les milieux des bibliothèques et du livre pour définir leurs besoins et établir des moyens visant à soutenir l’établissement de bibliothèques publiques et le développement de leurs activités.

L’ABPQ est une association qui représente uniquement les intérêts des BPA. Par conséquent, pour les fins de cet article portant sur les impacts du rôle de l’ABPQ sur l’évolution des bibliothèques publiques, les interventions des deux autres types de bibliothèques ne seront pas prises en compte. Bibliothèque et Archives nationales du Québec est une société d’État vouée à l’acquisition, à la conservation et à la diffusion du patrimoine documentaire publié, archivistique et filmique. Cette institution nationale assure en outre la gestion des programmes d’aide financière en matière d’archives et assume la responsabilité du dépôt légal des documents publiés et des films. Les Centres régionaux de services aux bibliothèques publiques (CRSBP), quant à eux, desservent des bibliothèques affiliées rattachées à des municipalités de moins de 5 000 habitants qui misent principalement sur des bénévoles pour assurer leur fonctionnement. Au Québec, on retrouve 11 centres régionaux de services aux bibliothèques publiques (aussi connus sous le nom de Réseau BIBLIO). Les CRSBP ont le mandat d’offrir des services, des ressources, des formations et une infrastructure technologique aux bibliothèques affiliées de leur territoire. Ce faisant, ils favorisent l’établissement, le maintien et le développement des bibliothèques dans les municipalités moins populeuses[2].

À propos de l’ABPQ

L’ABPQ a été fondée le 26 avril 1984 à Anjou. Elle était connue à cette époque sous l’appellation Association des directeurs de bibliothèques publiques du Québec (ADIBIPUQ). Notons ici qu’en 1995, pour éviter d’être avant tout perçue comme un regroupement de directeurs de bibliothèques ou d’officiers municipaux voués à la défense d’intérêts professionnels, l’Association change de nom pour devenir les Bibliothèques publiques du Québec (BPQ) et adopte une nouvelle facture visuelle. En 2012, l’Association modifie à nouveau son nom et devient alors l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ). Au moment de sa fondation en 1984, ses objectifs étaient alors de regrouper les directeurs des bibliothèques publiques du Québec, de favoriser la mise en commun des expertises, de concerter les efforts des directeurs à la poursuite des objectifs communs et de promouvoir efficacement les intérêts des bibliothèques publiques auprès des divers intervenants du milieu. L’ABPQ représente 165 municipalités et corporations membres, pour un total de plus de 305 bibliothèques desservies, couvrant ainsi plus de 80 % de la population québécoise. L’ABPQ regroupe les acteurs en position d’autorité oeuvrant dans les BPA du Québec dans le but d’en assurer leur développement, leur positionnement stratégique et leur rayonnement. Cette association fait la promotion de ses services auprès de la population. Par sa présence au sein de plusieurs instances, elle s’assure d’une bonne compréhension du rôle de la bibliothèque dans une société moderne. Pour ce faire, elle sensibilise les acteurs des différents ordres gouvernementaux à l’importance de la présence d’un service de bibliothèque publique qui donne au citoyen un accès démocratique au savoir, à la connaissance et à la culture.

La raison d’être de l’ABPQ : rôles et enjeux

Le rôle des associations comme l’ABPQ dans le développement d’un service offert à des collectivités locales ne peut être compris sans faire référence à l’implication des acteurs du milieu (Moussaouim & Megherbi 2014). Depuis sa création, l’ABPQ a joué un rôle d’acteur social de premier plan dans le processus de développement des BPA. Ses interventions se sont multipliées afin de promouvoir les intérêts de ses membres à titre d’interlocutrice privilégiée des BPA auprès des pouvoirs publics suivants : le MCC qui a la responsabilité de consulter les municipalités et les milieux des bibliothèques, ainsi que les administrations municipales qui doivent déterminer les règles de fonctionnement et de gestion de leurs bibliothèques publiques. Mais pourquoi est-il aussi important pour la société québécoise que le développement d’un service public comme celui des BPA soit en partie soutenu par une association qui se porte à la défense des intérêts de ses membres ? Pour le comprendre, il s’avère nécessaire de mettre en perspective les relations entre la mission des BPA et ses activités en tenant compte des enjeux qui sont susceptibles d’en freiner l’évolution. Cette considération nous permettra de cadrer la mission et les interventions de l’ABPQ à partir d’une dynamique d’acteurs impliqués dans un processus de contestations culturelles interpellant les pouvoirs publics, tel qu’évoqué par Schaller (2007). Ce phénomène de contestations culturelles caractérise le milieu des bibliothèques depuis l’adoption de l’Acte donnant le pouvoir aux corporations de cité, ville et village d’aider au maintien de bibliothèques publiques, une loi adoptée par le gouvernement Mercier en 1890. Nous savons que, en raison de convictions religieuses principalement, cette loi a été critiquée de manière virulente par le clergé et par les conservateurs provinciaux de l’époque qui, en prenant le pouvoir en 1892, ont tôt fait de couper les subventions prévues par cette législation[3].

Le problème majeur entourant l’évolution des bibliothèques publiques du Québec demeure depuis cette époque celui de la reconnaissance formelle par les pouvoirs publics de son importance pour une société démocratique basée sur les valeurs suivantes : la liberté intellectuelle, l’accès à la connaissance, l’information et l’autoapprentissage des citoyens. Ces valeurs sont celles que défend le Manifeste de l’UNESCO pour la bibliothèque publique qui proclame sa confiance envers les bibliothèques publiques en tant que forces vives au service de l’éducation, de la culture et de l’information, et en tant qu’instruments essentiels du développement de la paix et du progrès spirituel par son action sur l’esprit des hommes et des femmes[4]. Au cours des dernières années, dans le cadre de la révolution numérique et de l’émergence des médias sociaux, le fondement des BPQ a à nouveau fait l’objet de questionnements à propos de sa pertinence dans l’espace public en raison de la dématérialisation des collections qu’elles abritent au moment où les ressources informationnelles sont de plus en plus accessibles en ligne en tout temps et en tout lieu.

Étant donné que le mode de financement des BPA repose principalement sur l’investissement public, l’ABPQ est naturellement appelée à se porter constamment à la défense des intérêts de ses membres, surtout aux moments où les gouvernements en place cherchent à adopter de nouvelles mesures destinées à soutenir le développement des BPA à l’aide de différents programmes offerts aux municipalités.

Le tableau suivant illustre les principaux enjeux auxquels sont toujours confrontées les bibliothèques publiques québécoises[5] :

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C’est donc dans ce contexte que l’ABPQ a toujours été appelée à jouer un rôle stratégique à titre d’acteur social dans le processus d’évolution d’un service public de bibliothèques soumis à plusieurs formes de contestations culturelles depuis leur implantation au sein de la société québécoise à la fin du XIXe siècle.

L’émergence de l’ABPQ : aspects historiques et contextuels

Au moment de sa création en 1984, plusieurs membres fondateurs de l’ADIBIPUQ étaient déjà membres d’associations professionnelles générales comme l’Association des bibliothécaires du Québec-Library Association (ABQLA) et l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED), qui était dotée jusqu’au début des années 1980 d’une section des bibliothèques publiques (Lajeunesse 2008). Plusieurs de ces membres étaient actifs au sein des regroupements régionaux existants. Lajeunesse rappelle que les directeurs des bibliothèques publiques du Québec se sont dotés en 1984 de leur propre association pour assurer une meilleure représentation de leurs intérêts auprès des instances gouvernementales et pour promouvoir le développement de la lecture publique. De plus, cet auteur mentionne que la mission de l’ABPQ au moment de sa fondation en 1984 consistait à regrouper les directeurs des bibliothèques publiques du Québec, à favoriser la mise en commun des expertises, à concerter les efforts des directeurs à la poursuite des objectifs et à promouvoir efficacement les intérêts des bibliothèques publiques auprès des divers intervenants du milieu.

Par ailleurs, il importe de souligner le rôle qu’a joué la Conférence des directeurs des bibliothèques de l’île de Montréal (CDPBIM) au moment des étapes précédant l’incorporation de l’ADIBIPUQ. En 1983, la CDPBIM a réalisé une vaste consultation auprès de tous les responsables de bibliothèques publiques du Québec, sans oublier les regroupements régionaux. Cette consultation a donné lieu à la mise sur pied d’un comité provisoire en octobre 1983. Ce comité s’est vu confier la responsabilité de définir les modalités entourant la création d’une nouvelle association regroupant les bibliothèques publiques du Québec. Les responsables des bibliothèques publiques du Québec réunis à Anjou le 4 juin 1984 lors d’une assemblée générale spéciale se sont prononcés majoritairement en faveur de la création d’une nouvelle association après avoir discuté des orientations et des fondements juridiques de cette nouvelle entité, tels que présentés par les membres du comité provisoire. Le premier conseil d’administration était composé des membres suivants : Marie-Louise Simon, présidente, Michèle Lamoureux, vice-présidente, Guy Desjardins, secrétaire-trésorier, Denis Boyer, Florian Dubois, Pierre L’Hérault et Yves Ouimet, observateurs.

Le rôle des regroupements régionaux dans l’émergence de l’ABPQ

Dans un article de la revue Documentation et bibliothèques entièrement consacrée aux bibliothèques publiques du Québec, Boisvert (1993) souligne l’importance des Regroupements régionaux à titre de pilier de la création de l’ADIBIPUQ en 1984. L’auteur évoque le fait que chaque regroupement cherche à favoriser les intérêts des bibliothèques publiques du territoire en réalisant des activités de promotion et de concertation des services offerts par les municipalités. Le dynamisme de ces regroupements aura permis de réaliser des activités conjointes d’envergure et de démontrer les avantages du partage des ressources et de la mutualisation des services. Les réalisations des regroupements auront servi principalement a permis de développer de manière exemplaire le sens de l’entraide et de la coopération au sein des bibliothèques situées en région.

En complément d’information par rapport à l’importance des regroupements régionaux dans cette dynamique de la vie associative, il est à noter qu’un comité du regroupement des régions a été créé lors de l’assemblée générale annuelle de l’ADIBIPUQ en 1992. Ce comité a eu pour effet de favoriser une plus grande concertation entre l’ABPQ et les regroupements régionaux. Au moment de la création de l’Association en 1984, quatre regroupements régionaux existaient déjà formellement : Montréal (1977-2003), Laval-Laurentides-Lanaudière (1977), Outaouais (1980), Saguenay–Lac-Saint-Jean (1981). Par la suite, sept autres regroupements seront fondés : Abitibi-Témiscamingue (1985), Côte-Nord (1987), Mauricie–Bois-Francs (1985), Montérégie (1985), Capitale nationale-Chaudière-Appalaches (1984), Estrie (1990), Bas-Saint-Laurent (1986).

Des vides à combler

La création de l’ADIBIPUQ est venue combler un vide engendré par le fait que la structure organisationnelle de l’ASTED du début des années 1980 ne répondait plus aux besoins de représentation auprès des pouvoirs publics et ni aux attentes des responsables de bibliothèques publiques du Québec, qui étaient alors regroupés au sein de la seule instance associative vouée à la défense de leurs intérêts, celle de la section des bibliothèques publiques de l’ASTED.

La création de l’ADIBIPUQ aura permis par ailleurs de combler un vide engendré par le démantèlement de deux services relevant du MCC et voués au développement des BPQ : le Service des bibliothèques et la Direction des bibliothèques publiques (Laflamme & Moreau 1993).

Un courant de pensée propice à l’émergence de l’ABPQ

La mission de l’ABPQ s’est réalisée selon une trajectoire inscrite dans un processus de décentralisation du pouvoir entre l’État central, les autres ordres de gouvernement, les municipalités, les milieux professionnels et associatifs et les citoyens. Cette dynamique d’acteurs qui a pris forme à partir des années 1970 a évolué par la suite sous l’effet du modèle de la démocratie culturelle qui lui a succédé au début des années 1990. L’adoption des politiques culturelles depuis la création du MAC en 1960 se caractérise par la décentralisation de la culture au sein de la société québécoise. C’est dans ce contexte que l’ADIBIPUQ a vu le jour en 1984. Cet environnement aura favorisé une nouvelle distribution des pouvoirs au bénéfice des collectivités locales appelées à définir la vision de développement de leurs bibliothèques publiques. Les systèmes de soutien à la culture passent alors de plus en plus par tout un réseau d’organismes-conseils et d’agences autonomes qui ont été appelés à collaborer étroitement avec le milieu associatif plus près des citoyens et dont la force d’organisation était reconnue (Santerre 1999). L’État accepte de plus en plus que les responsabilités en matière d’adoption de politiques et de programmes culturels soient partagées et inspirées par le modèle de la démocratie culturelle qui repose sur des matrices cognitives et normatives, des croyances communes aux acteurs publics, fruits d’interactions sociales (Surel 2000).

Ces mouvements de décentralisation des pouvoirs et de démocratisation de la culture ont donc permis aux associations comme l’ABPQ de jouer un rôle actif dans l’adoption de politiques culturelles au Québec, et plus particulièrement dans l’adoption des programmes d’aide au soutien et au développement des BPA. En annexe, le tableau intitulé « Les actions de l’ABPQ de 1985 à 2017 » illustre la manière dont l’ABPQ a pris place dans ce mouvement de décentralisation des pouvoirs au profit des bibliothèques desservant des collectivités locales.

La production d’idées et leurs mises en application à l’aide de programmes de soutien de la part du MCC ont pris forme dans le cadre de forums, de colloques, de dépôts de mémoires et de publications d’études. Ces lieux d’échanges et de diffusion des préoccupations des membres de l’ABPQ s’inscrivaient parfaitement dans une dynamique d’acteurs évoluant dans des interactions sociales.

L’approche de l’ABPQ

Essentiellement, l’ABPQ depuis sa création a adopté une approche pragmatique axée sur la résolution de problèmes communs qui aura permis d’obtenir des succès remarquables en matière de démocratisation de la culture. Pour ce faire, tous les acteurs impliqués au sein de l’ABPQ depuis 1984 ont développé une relation d’interdépendance reposant sur l’adoption d’un cadre commun de référence à caractère évolutif avec la capacité de trouver des solutions pour assurer le développement d’un véritable réseau de BPQ. Les préoccupations de l’ABPQ ont toujours été en phase avec la réalité de ses membres et des citoyens desservis (Lachapelle 2010). L’importance pour les acteurs impliqués dans un cadre collaboratif ou coopératif d’adopter un cadre commun de référence ou de normes reconnues par tous, d’établir un consensus au sein de l’organisation sur les objectifs poursuivis et de fusionner les contributions individuelles dans la réalisation des activités a été soulignée (Piquet 2009).

« Que nous le voulions ou non, nous ne saurions imaginer le développement efficace et cohérent d’un réseau de bibliothèques publiques à l’échelle du Québec, sans une coopération consentie volontairement ou imposée à chacune d’entre elles[6]. »

La mission de L’ABPQ : un cadre évolutif

La mission de l’ABPQ a évolué au cours des années, bien qu’aujourd’hui ses fondements demeurent les mêmes que ceux adoptés par les membres fondateurs en 1984. Au moment de sa création, l’ADIBIPUQ regroupait des directeurs de bibliothèques municipales dites autonomes et des administrateurs des bibliothèques centrales de prêt (BCP) nommées quelques années plus tard Centres régionaux de services aux bibliothèques publiques (CRSBP). Ces derniers se sont dotés en 1985 d’une structure de coopération, le Regroupement des bibliothèques centrales de prêt, faisant en sorte qu’à partir de ce moment, les administrateurs des BCP ont cessé d’être représentés par l’ADIBIPUQ afin d’assurer le développement structuré de leur propre réseau.

Dès le départ, la principale préoccupation des membres de l’ADIBIPUQ était de créer une table de concertation de niveau national regroupant toutes les bibliothèques publiques du Québec de manière à exercer un leadership reconnu. Cette concertation aura permis de promouvoir les intérêts des BPA auprès des divers paliers de gouvernement et d’assurer le développement harmonieux des services offerts sur l’ensemble du territoire québécois.

La nécessité d’actualiser la mission de l’Association a toujours représenté une préoccupation de la part des membres afin d’adapter sa finalité à l’évolution de la société et des besoins des citoyens desservis. La mission s’est par conséquent élargie progressivement à de nouvelles dimensions tout en respectant le Manifeste de l’UNESCO[7] sur la bibliothèque publique principalement axé sur les principes de l’accessibilité. Ainsi, au fil des ans, de nouvelles voix se sont fait entendre en vue d’intégrer à la mission de l’association des dimensions autres que celles touchant la notion de loisir et de divertissement. Progressivement, l’Association a donc intégré dans son discours de nouveaux concepts comme ceux de la culture, de l’éducation, du soutien aux personnes souffrant de problèmes particuliers, des transformations engendrées par les technologies numériques, du marketing, de la littératie, de l’alphabétisation, de l’intégration des nouveaux arrivants, de la lutte contre la fracture numérique, et depuis peu, celui de la « bibliothèque troisième lieu ».

Des interventions, des réalisations et des représentations de l’ABPQ ayant favorisé l’évolution des BPA

Les interventions de l’ABPQ se sont multipliées au cours des années. Le tableau présenté en annexe regroupe les activités et les réalisations de l’ABPQ selon un parcours thématique établi à partir des pistes d’actions suivantes : représentations, tenue de forums et de colloques, promotion et mise en valeur des services ainsi que les programmes offerts aux membres. Les actions sont présentées par ordre chronologique à l’intérieur de chacun de ces grands thèmes.

L’ABPQ a rédigé, dans le cadre de ses activités et représentations, différents documents, études, rapports, mémoires et un périodique (la revue Défi) servant à orienter sa vision et ses prises de position. Comme le prévoit le cadre juridique du MCC, ces interventions étaient principalement destinées à définir les besoins de l’association en matière d’adoption de programmes gouvernementaux visant à soutenir l’établissement de bibliothèques publiques et le développement de leurs activités dans le cadre de processus de consultation auxquels doit se livrer ce ministère auprès des milieux des bibliothèques et du livre.

De nombreuses représentations établies dans un cadre collaboratif

Comme il est mentionné dans son Plan stratégique 2012-2017, l’ABPQ, par sa présence au sein de plusieurs instances, s’assure d’une bonne compréhension du rôle de la bibliothèque dans une société moderne. À cette fin, elle sensibilise les acteurs des différents ordres gouvernementaux à l’importance de la présence d’un service de bibliothèque qui donne au citoyen un accès démocratique au savoir, à la connaissance et à la culture. Voici donc un aperçu des principales représentations auprès de diverses instances avec qui l’ABPQ collabore étroitement :

Une autre source de fierté pour l’ABPQ : l’établissement d’une merveilleuse complicité entre bibliothécaires et architectes

Dans un numéro spécial de la revue Documentation et bibliothèques[8] paru en 2014 et entièrement consacré à cette merveilleuse complicité entre les architectes et les bibliothécaires, nous retrouvons des données fort intéressantes sur l’impact des efforts accomplis par les acteurs de l’ABPQ impliqués dans la métamorphose des bibliothèques publiques du Québec depuis 1980. La mise à niveau de ces espaces dédiés aux bibliothèques publiques a nécessité des investissements majeurs de la part des administrations provinciales et municipales. Un rattrapage qui mérite très certainement d’être souligné. Mentionnons que les éditeurs de la revue Documentation et bibliothèques ont souligné l’importance de la contribution de la revue Défi en lien avec des projets de rénovation, d’agrandissement et de construction de bibliothèques publiques autonomes. Deux numéros spéciaux de Défi et des articles portant sur ce sujet ont été publiés entre 1989 et 1996.

Évolution des facteurs de croissance des BPA entre 1985 et 2015 : 30 ans de croissance remarquable

Les indicateurs pour lesquels on remarque une progression notable entre 1985 et 2015 sont les suivants :

  • Une croissance de 54,2 % de la population desservie faisant en sorte que 84,2 % de celle-ci était desservie en 2015 par une BPA ;

  • Le nombre de livres par habitant se situait à 2,60 en 2015 alors qu’il n’était qu’à 1,8 en 1985. Un retard considérable a ainsi été comblé ;

  • Le nombre de ressources électroniques a littéralement explosé entre 2007 et 2015. Ces ressources sont diversifiées et certaines ont supplanté des documents sous forme de support papier comme les publications en série imprimées ;

  • Après avoir connu une augmentation de 82,5 % entre 1985 et 2015, le nombre d’usagers a légèrement fléchi entre 2007 et 2015, en baisse de 3 %. Cependant, le nombre d’entrées à la bibliothèque a, quant à lui, connu une croissance de 26 %, un indicateur de la popularité de ces architectures de la connaissance auprès des citoyens qui fréquentent de plus en plus ces espaces pour accéder aux diverses sources du savoir offertes gratuitement sur place ;

  • Les données précisant le nombre d’employés (ETC) permettent de constater une forte augmentation qui est de l’ordre de 161 %. Le nombre de bibliothécaires enregistre une hausse importante de 110 %. Celle-ci n’est toutefois pas encore suffisante pour atteindre la norme du 1 bibliothécaire par tranche de 10 000 habitants, une norme reconnue et atteinte dans la majorité des provinces canadiennes ;

  • Les prêts de documents entre 1985 et 2015 ont fortement augmenté, soit une hausse de 124 %, tandis que ceux enregistrés entre 2007 et 2015 ont connu une croissance beaucoup moins marquée sans doute sous l’effet des visites virtuelles et de l’accès à distance aux nombreuses ressources électroniques offertes depuis le milieu des années 1990 qui ont quant à elles bondi de 267 % (phénomène similaire à la tendance observée dans le milieu des bibliothèques de l’enseignement supérieur au Québec). Par ailleurs, les demandes de PEB connaissent une forte croissance en pourcentage, traduisant ainsi une pratique axée sur le partage des ressources et la mutualisation des services ;

  • Le nombre d’activités d’animation et de participants a plus que doublé entre 2007 et 2015. Les activités d’animation offertes en 2015 ont rejoint 1 317 354 participants. La programmation de ces activités d’animation s’inscrit parfaitement dans la mission des BPA comme l’illustre le Service des bibliothèques de la ville de Montréal : « Maillon clé de la chaîne de transmission des savoirs, les bibliothèques n’ont de cesse de promouvoir la lecture par l’entremise de programmes d’animation pour tous les âges. Les programmes d’alphabétisation, les clubs de lecture, l’aide aux devoirs ne sont que quelques-unes de ces activités qui vous sont offertes. Les bibliothèques organisent également des expositions, des conférences et des rencontres de toutes sortes[9] » ;

  • Les contributions municipales, principale source de revenus pour les BPA, ont augmenté de 478 % au cours des 30 dernières années. Les subventions régulières en provenance du MCC, destinées principalement à soutenir le développement des collections, enregistrent une hausse modérée de 35 % entre 1985 et 2015. Quant aux autres sources de revenus, correspondant à la tarification, aux pénalités, aux locations de best-sellers et autres, elles ont bondi de 622 % entre 1985 et 2015. Concernant la tarification, il s’avère important de mentionner qu’en 2017, elle est devenue une exception puisque le MCC a fait de la gratuité un critère d’admissibilité à son programme de soutien au développement des collections. Les dépenses consacrées au personnel représentant tout près de 60 % des dépenses totales des BPA ont augmenté de 379 % entre 1985 et 2015, comparativement à 44 % entre 2007 et 2015 ;

  • La hausse des dépenses totales de fonctionnement est de 333 % en 30 ans. Le niveau des dépenses publiques par habitant a considérablement augmenté au Québec depuis le début des années 1980. Nous pouvons ici évoquer une situation de rattrapage par rapport aux normes établies et aux niveaux de développement observés dans les autres provinces canadiennes : une étude commandée en 1985 par l’Association des directeurs de bibliothèques publiques du Québec a permis de constater que, sur la majorité des points analysés, le Québec occupait l’avant-dernier rang au Canada par rapport au développement des bibliothèques publiques[10]. Il ne faut pas perdre de vue le fait que le nombre de bibliothèques municipales autonomes au Québec est passé d’une vingtaine en 1960 à 156 en 1992[11] ;

  • Nous constatons que les municipalités québécoises, desservant tous les types de bibliothèques, ont consacré des sommes très importantes en matière de dépenses d’investissements dédiés à la réalisation de projets de rénovation, d’agrandissement ou de construction de bibliothèques entre 2007 et 2015 :

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Selon les dernières données disponibles, les dépenses totales consacrées aux BPA sont de l’ordre de 294,2 M $, soit une hausse de 333 % entre 1985 et 2015. Depuis 30 ans, nous remarquons qu’une part considérable de la croissance des dépenses de fonctionnement des bibliothèques publiques autonomes du Québec résulte d’une augmentation significative des dépenses réalisées par les municipalités.

Conclusion

Après avoir souligné les aspects historiques de l’évolution de l’ABPQ, présenté les actions et les interventions en lien avec la mission de cette association, ainsi que les principaux indicateurs de croissance ayant marqué l’évolution des BPA depuis 35 ans, il convient de reconnaître que l’ABPQ a joué un rôle important dans la détermination des politiques publiques qui ont permis un accroissement significatif des dépenses de fonctionnement des BPQ depuis le début des années 1980. Il faut donner à l’APBQ le crédit de son implication et de ses engagements dans les formes discursives de reconnaissance institutionnelle à l’endroit des BPQ que l’on entend aujourd’hui :

Plus que jamais, notre société a besoin de mettre la population en contact avec les véhicules du savoir. Cela est non seulement essentiel au bien-être de la population, mais c’est primordial pour la santé économique et intellectuelle de la communauté dans son ensemble. Par le livre et la lecture, nos concitoyens s’ouvrent sur le monde, enrichissent leur imaginaire, et s’habilitent à une participation active au développement du Québec. Situées sur la ligne de front du savoir et de la démocratisation de la culture, nos bibliothèques se positionnent donc comme des établissements de premier plan, accessibles pratiquement partout sur le territoire.

Lévesque 2007, 3

L’ABPQ a joué un rôle catalyseur dans le développement des bibliothèques publiques du Québec qu’elle représente en apportant des idées de changement et en amorçant des mouvements de transformation à partir d’une véritable structure collaborative impliquant des acteurs des 11 regroupements régionaux de bibliothèques publiques du Québec. Sa contribution au développement d’un réseau solidement établi dans toutes les régions du Québec se veut exemplaire. Au fil des ans, cette association est devenue un interlocuteur de premier niveau concernant les actions souvent novatrices à entreprendre en vue d’assurer le développement des services d’accès à la lecture et à l’information sous ses toutes ses formes en tenant compte de l’évolution des besoins des sociétés à desservir, et cela à l’échelle du Québec.

Finalement, le plus grand mérite de l’ABPQ depuis sa création aura été d’assurer l’émergence et le maintien d’un réseau de bibliothèques publiques autonomes en constante évolution, permettant aujourd’hui à ses membres, regroupant 305 bibliothèques, d’offrir à leurs citoyens des services diversifiés répondant à des normes reconnues. Cet apport au développement des bibliothèques publiques sous l’angle de l’innovation s’est déroulé dans le cadre d’un processus de contestations culturelles dans lequel l’association a fort bien réussi à tirer son épingle du jeu en respectant les principes de base du travail collaboratif, du partage des expertises, de la mutualisation des ressources et de la coopération à l’échelle d’un aussi vaste territoire à desservir. Cette réussite repose aussi sur le travail acharné de ces bâtisseurs de bibliothèques qui ont toujours fait preuve de conviction pour en arriver à établir la crédibilité d’une association ayant pour mission de donner aux citoyens du Québec un véritable accès démocratique au savoir sous toutes ses formes.