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Nouveautés en brefLe shō et le sheng à travers quelques disques récents[Record]

  • Alexandre Amat and
  • Toru Momii

Bien que la collaboration entre Wu Wei et Klaas Hekman, musicien néerlandais spécialiste du saxophone basse, ait débuté en 2013 au sein de l’ensemble The NOO Ones, Oostum Wind est leur premier enregistrement en duo. Cet album regroupe onze improvisations, captées en deux jours dans la chapelle romane d’Oostum, à l’occasion d’une invitation au 2020 Summer Jazz Bike Tour aux Pays-Bas. À la richesse des relations sonores offertes par la rencontre du sheng et du saxophone basse – deux instruments pourtant radicalement différents du point de vue de leur histoire, de leur répertoire et de leurs traditions musicales – s’ajoute l’intégration occasionnelle d’autres instruments, également joués par Wu Wei (banhu, erhu et bawu) et Klaas Hekman (shakuhachi). Les différentes improvisations réunies sur ce disque témoignent de la grande virtuosité instrumentale (néanmoins jamais démonstrative), de l’imagination et de la complicité qui unissent les deux musiciens. Leur musique, très spontanée et ludique, dévoile une variété impressionnante de timbres et de textures sonores qui se développent de manière intuitive, imprévisible mais toujours organique. Ces bifurcations inattendues, comme autant de changements d’humeur, renouvellent constamment le monde sonore de ces onze pistes, naviguant ainsi entre des tonalités inouïes d’inspiration bruitiste (les stridulations suraiguës dans Pewter Bowl, les rugissements de saxophone dans Howling, ou encore le timbre granuleux de l’erhu dans What is what, par exemple) et des moments plus contemplatifs, où les harmonies éthérées du sheng fusionnent avec les sons harmoniques du saxophone basse (First night in Oostum) ou du timbre du shakuhachi (Night). L’impression de liberté qui se dégage de cet enregistrement est encore renforcée par certains emprunts, ponctuels, à des esthétiques musicales variées : depuis le jazz (dans le motif initial de About NooSphere, notamment), jusqu’à la musique traditionnelle chinoise (dans le paysage harmonique du sheng de Reed). Ces diverses influences stylistiques, issues des univers professionnels singuliers de ces deux artistes, s’intègrent néanmoins naturellement au sein d’un langage musical original, cohérent, à la créativité toujours renouvelée. Virtuose du pipa, Wu Man possède une sensibilité musicale qui s’exprime aussi bien dans l’interprétation des musiques traditionnelles (notamment au sein du Silk Road Ensemble de Yo-Yo Ma) que dans la création musicale contemporaine. Distant Mountains est un enregistrement live de sa rencontre musicale avec Wu Wei, lors de leur premier concert au Morgenland Festival Osnabrück en 2018. Si le sheng et le pipa sont deux instruments fort importants de la musique traditionnelle chinoise, leur association en duo est en revanche plutôt rare du fait de leurs différentes provenances géographiques : le sheng est un instrument issu du nord de la Chine, tandis que le pipa provient des régions du sud. Par l’originalité de la combinaison de ces deux instruments, ainsi que par la pluralité des sonorités et des techniques instrumentales employées, les deux interprètes témoignent de la vivacité d’une approche libre et créative de la musique traditionnelle. En effet, Distant Mountains est une exploration résolument moderne du répertoire éclectique de la musique chinoise, de la musique de cour de la dynastie Tang jusqu’aux musiques de traditions populaires. Ce mélange d’improvisations, de compositions et d’arrangements d’airs traditionnels très inventifs met en évidence la finesse de l’interprétation des deux instrumentistes, aussi bien dans des moments de grande subtilité (les deux improvisations Reflexions on Tang Dynasty et Distant Mountains par exemple), que dans des moments de vélocité exaltée (Dragon Dance, Kazakh Style ii). Le dynamisme et la fluidité des différents arrangements nous permettent également de mesurer la grande polyvalence du sheng et du pipa, capables d’assurer tour à …

Appendices