DossierMémoires cinématographiques de la Révolution portugaise et de la décolonisation

Présentation[Record]

  • Benjamin Léon,
  • Mickaël Robert-Gonçalves and
  • Raquel Schefer

…more information

  • Benjamin Léon
    Université de Lille (France)

  • Mickaël Robert-Gonçalves
    Université de Coimbra (Portugal)

  • Raquel Schefer
    Université Sorbonne Nouvelle (France)

Ce dossier se propose de revenir, à travers plusieurs études de cas, sur la représentation de la Révolution portugaise de 1974-1975 et de la décolonisation et ses conséquences dans les images cinématographiques jusqu’à aujourd’hui. De nombreuses réflexions présentées ici sont nées lors de l’organisation d’un colloque international par des professeurs et étudiants de l’Université Sorbonne Nouvelle en 2014. À l’époque, l’enjeu était de travailler sur l’histoire des images de la Révolution et ses mémoires vivantes, mais aussi d’interroger l’existence de formes de cinéma engagé. De nombreux chercheurs permettaient ainsi à des oeuvres oubliées ou minorées d’être à nouveau rendues visibles et mises en débat. Entre-temps, des pistes ont sans doute été abandonnées, des hypothèses ont pu être infirmées ou confirmées, et plusieurs axes semblent s’être consolidés. Ce dossier présente un état de cette cristallisation. Le 25 avril 1974, le Portugal faisait tomber un régime autoritaire, installé depuis près de cinquante ans, et entrait dans une nouvelle ère. Les militaires du Mouvement des forces armées (MFA) soutenus par une grande partie du peuple et les partis politiques sortis de la censure ont alors lancé un processus de révolution (nommé « processus révolutionnaire en cours », ou PREC au Portugal) qui s’étira pendant plus d’un an et demi ; expérimentations sociales, occupations des terres et réforme agraire, mouvement coopératif et combats féministes et progressistes ont animé les débats d’un pays qui, comme sorti d’un recoin sombre du siècle dernier, se trouvait tout à coup en pleine lumière. Au même moment, la longue guerre coloniale de l’armée portugaise en Afrique, qui avait été la raison principale du déclenchement de la Révolution, prenait fin et laissait l’Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique et São Tomé-et-Príncipe dans des situations plus ou moins ouvertes : la décolonisation – et les luttes fratricides qui pouvaient en découler – allait être, dans ces pays, au coeur de nombreux conflits. Depuis les années 1970, les mémoires, parfois conflictuelles, parfois synchrones, de la révolution dite « des Oeillets » ont continué d’alimenter l’imaginaire cinématographique de plusieurs cinéastes et artistes. Autant les liens semblent nets entre le cinéma des années 1960 – le Nouveau cinéma portugais notamment, mais également le cinéma de Mai 68 et le Cinema Novo brésilien – et le cinéma de la révolution, autant le lien entre le cinéma portugais des années 1970 et celui des années qui ont suivi reste à explorer. Pour Paul Ricoeur, « repenser doit être une manière d’annuler la distance temporelle » (1985, 210). Repenser la révolution, ce serait alors la rendre présente, vivante, en rapprochant le présent et le passé, et en interrogeant aussi les effets du passage du temps sur les images, les récits et le cinéma lui-même comme dispositif historique. Presque cinquante ans après la Révolution portugaise, il est urgent de revisiter son histoire, d’analyser ses traces, ses mythes, ses mémoires, tout comme le travail de sa généalogie par le cinéma portugais contemporain. En outre, il s’agit d’inscrire cette histoire dans une imbrication géographique et transdisciplinaire ; la prise en compte du processus de décolonisation des anciens territoires contrôlés par le Portugal, qui a été un déclencheur de la Révolution ainsi qu’un regard analytique capable d’aller voir les impacts dans les champs artistique et médiatique, permet de mêler des approches méthodologiques multiples, éclairant ainsi la compréhension des liens entre cinéma, art et politique. Ainsi, les cinq articles sélectionnés pour cet état des lieux sont le fait de chercheurs venant tant de l’histoire du cinéma que de l’esthétique ; ils sont également le reflet d’une croyance en une recherche proprement internationale, notamment sur des sujets dont l’amplitude géographique tend d’emblée …

Appendices