Comptes rendus bibliographiques

DROUIN, Martin, MORISSET Lucie K. et RAUTENBERG Michel (2019) Les confins du patrimoine. Presses de l’Université du Québec, 312 p. (ISBN : 978-2-7605-5204-3)[Record]

  • Roukia Bouadam

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  • Roukia Bouadam
    Université Constantine 3

Le patrimoine, ce mot qui fait appel à l’idée d’un héritage légué par les générations antérieures, évoque à la fois l’authenticité de certains objets, leur valeur, le poids de la tradition ou le respect du passé, un appareil législatif et réglementaire, des institutions, des usages touristiques et savants, une architecture du réemploi, voire un développement culturel. Dans ce contexte de mondialisation, de crise des identités et d’économie, le patrimoine constitue un des centres d’intérêt qui mobilisent de plus en plus les agents sociaux aux logiques et déterminations différentes, parfois même opposées. Il fait l’objet d’un intérêt grandissant à l’échelle internationale, comme enjeu de développement économique, touristique et identitaire. Dans ce monde qui bouge continuellement, le patrimoine semble être le dernier élément de permanence et de référence dont les humains disposent. Un passage de l’édifice isolé à tous les lieux de mémoire de l’activité humaine, aux sites, aux ensembles urbains et aux paysages a marqué le concept du patrimoine, ces dernières décennies. Chaque génération tente de définir les limites de l’objet patrimonial. Ce dernier s’est toujours ouvert et élargi à la réalité sociale, économique et culturelle contemporaine. Aujourd’hui, tout est pratiquement patrimonial. Dans ce contexte, l’ouvrage Les Confins du patrimoine se révèle particulièrement captivant, car il expose les dénotations et les connotations du patrimoine, la question de la compréhension des phénomènes patrimoniaux et les tentatives de mettre en place des instruments normatifs qui cadreraient l’étude, la gestion, voire la protection de ces manifestations. À travers ce livre, Martin Drouin, Lucie K. Morisset et Michel Rautenberg orientent la communauté des chercheurs, les lecteurs et tous les acteurs qui s’y intéressent vers de nouvelles pistes de réflexion sur les variations du sens et du contenu du patrimoine, sur ses divers enjeux et dimensions selon les différents contextes et sur ses implications aux plans praxéologique et théorique. Des discordances entre des conceptions du patrimoine et des modes de gestion patrimoniale ainsi que des différenciations linguistiques des conceptions patrimoniales sont constatées et soulignées à travers des exemples étudiés en France ou ailleurs dans le monde. L’ouvrage explore une nouvelle frontière de l’expansion patrimoniale. À travers la présentation de plusieurs cas très diversifiés, les auteurs privilégient l’analyse de tensions entre conceptions patrimoniales dans des contextes territoriaux, politiques ou culturels. Ils soulignent les contradictions dans les conceptions du patrimoine à différentes échelles (locale, nationale, internationale) et dans différents lieux, de même que les discordances entre des conceptions du patrimoine et des modes de gestion patrimoniale ; ils parlent aussi des différenciations linguistiques des conceptions patrimoniales et, conséquemment, des cultures différenciées du patrimoine. Parallèlement, ou subséquemment, ils font ressortir la transformation de la notion et des objets de patrimoine sur un territoire ou au sein d’une communauté, ainsi que la perméabilité, souvent inavouée, des conceptions du patrimoine. L’étude de cas comparative effectuée par Sarah Rojon est tirée d’un travail de terrain ethnographique relatif à l’appropriation par l’image d’espaces urbains postindustriels chez des photographes amateurs. Elle met en question des pratiques culturelles (ré)créatives et interactives qui s’épanouissent en dehors du contrôle des institutions patrimoniales traditionnelles, sans négation de leur influence. À partir d’un ensemble d’exemples, Rojon présente plusieurs aspects de la question, comme l’imposition du pouvoir par le haut ou des résistances par le bas, selon différents contextes nationaux. Elle souligne qu’à l’aune des transformations technologiques de l’information et de la communication, un changement de paradigme, la « dépatternisation » du patrimoine, s’avère indispensable. Et elle propose le recours à des pratiques novatrices, en exprimant un souhait de rupture avec la vague des patrimonialisations telles qu’étudiées depuis les années 1990. Rojon précise aussi que l’accès aux récentes technologies révèle …