Comptes rendus bibliographiques

LORRAIN, Dominique, HALPERN, Charlotte et CHEVAUCHÉ, Catherine (2018) Villes sobres. Nouveaux modèles de gestion des ressources. Paris, Presses de Sciences Po, 360 p. (ISBN 978-2-72462-190-7)[Record]

  • Ewa Berezowska-Azzag

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  • Ewa Berezowska-Azzag
    École Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme, Laboratoire Ville, Urbanisme et Développement durable, Alger

Les villes ne sont pas sobres, ce sont des ogres – et ce constat ne date pas d’hier. En consommant les ressources naturelles sans retenue, en rejetant dans l’environnement leurs déchets sans souci, elles bouleversent les équilibres écosystémiques en nous menant, à terme, à l’effondrement de nos sociétés. Sous la menace du dérèglement climatique qu’elles-mêmes aggravent en émettant les gaz à effet de serre (GES), la vision de lutte pour la survie qui nous attend dans l’avenir dessine l’urgence de repérer, parmi les solutions d’adaptation urbaine qui prolifèrent partout dans le monde, celles qui soient généralisables et capables de contrer la théorie de catastrophe. Le fatalisme qui nous mène à l’impasse exige de prouver que de telles solutions existent, mais aussi de démêler le vrai du faux dans le magma des « bonnes pratiques » et de trouver la bonne échelle de mise en oeuvre des techniques innovantes que le « supercapitalisme » considère comme une panacée. Pour mettre en relief et défendre le concept de la « ville sobre », cet ouvrage collectif rassemble les contributions de 14 auteurs d’horizons et profils divers. Réalisée dans le cadre du programme SYRACUSE, de l’Agence nationale de la recherche (ANR), la recherche explore des pistes pour une ville durable de demain. En étudiant les types de symbioses urbaines expérimentées dans le monde et les modes de leur mise en oeuvre dans des contextes géopolitiques différents, elle met en exergue la difficulté d’appliquer les approches technicistes de la politique urbaine verte, face à la rigidité des systèmes de gouvernance urbaine sectorisée et à l’obsolescence de leurs outils de régulation. Combinant la revue de la littérature scientifique et les enquêtes exposant les points de vue des acteurs divers (sectoriels, territoriaux, entreprises, investisseurs, institutions, citoyens riverains des projets), les auteurs nous conduisent, à travers les analyses multidimensionnelles des cycles des ressources et de leurs dispositifs spatiaux, techniques, politico-institutionnels et économiques, vers des conclusions fort intéressantes. Les trois premières parties de l’ouvrage sont dédiées aux concepts de transition, de sobriété et des symbioses énergétiques, au traitement des rejets urbains (déchets et eaux usées), à la gestion du cycle de l’eau et au problème de décentralisation des réseaux, puis au développement des « gros objets urbains » (ports, aéroports, parcs industriels et villes nouvelles), témoins des réussites ou des échecs de l’application territoriale de concepts précédents. Les auteurs arrivent ainsi à en démêler les contradictions, à analyser les processus, les procédés, les méthodes et les systèmes d’acteurs en place. Enfin, en quatrième partie, un panorama des solutions technologiques innovantes accompagne la démonstration de capacité de l’intelligence urbaine à faire face aux menaces climatiques. L’originalité de la démarche réside dans son approche objective, alliant les aspects théoriques et pratiques sans parti pris, ce qui est rare de nos jours. Le constat final amène les auteurs à admettre que la ville sobre ne constitue pas un modèle de rupture, mais plutôt un chemin de progrès vers la résilience urbaine. L’ouvrage n’est pas du tout fataliste, bien au contraire. Il ouvre des perspectives rassurantes, parce que fondées à la fois sur une compréhension holistique de la ville et du territoire résilient, et sur une démarche méthodologique rationnelle, basée sur « la règle de trois ». Trois ressources et leurs cycles respectifs sont passés au crible de l’analyse : l’eau, l’énergie et les déchets. Trois échelles d’analyse permettent de comprendre les contradictions ou conjugaisons spatiales de leur fonctionnement : le bâtiment, l’îlot/quartier, la ville/métropole. Trois contextes urbains sont judicieusement choisis : (i) Genève, Vancouver, Singapour, témoins d’application des solutions de rechange portées par les innovations technologiques des pays industrialisés ; (ii) …

Appendices