Comptes rendus bibliographiques

DEVAUX, Camille (2015) L’habitat participatif. De l’initiative habitante à l’action publique. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 396 p. (ISBN 978-2-7535-3965-5)[Record]

  • Solène Gaudin

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  • Solène Gaudin
    Université Rennes 2

L’ouvrage est issu d’un travail doctoral en géographie-aménagement soutenu par l’auteure en 2013. D’emblée, le projet est doublement stimulant puisqu’il s’agit, d’une part, d’investir la notion récente et aux contours flous que représente l’habitat participatif et, d’autre part, d’exposer les défis méthodologiques auxquels s’est confrontée l’auteure dans le cadre d’une investigation où Internet a représenté, via la plateforme Netvibes, « un terrain de recherche à part entière » (p. 26). Cet aspect, qui permet de rassembler une grande diversité de matériaux et qui est complété par de nombreux entretiens directs dont les extraits sont largement retranscrits au fil du texte, ne donne cependant pas lieu à toute l’exploitation attendue, et la dimension critique des sources disparaît au fil de la démonstration. Il n’en demeure pas moins que l’auteure réalise ici une mise au point tout à fait éclairante de la « nébuleuse » (p. 105) que constitue le mouvement de l’habitat participatif. L’enjeu premier de ce travail est de revenir sur la définition et les contours de la notion. Dans une acception large, celle-ci recouvre un ensemble d’autres catégories souvent associées à l’habitat alternatif, telles que les coopératives d’habitants, l’habitat collectif, l’autopromotion, etc. L’habitat participatif correspond à un terme générique, suffisamment flou et imprécis pour qu’un ensemble d’acteurs puissent s’y associer sans pour autant s’accorder sur des critères déterminés. En somme, il s’attache à un mode de conception de l’habitat qui prend le « contre-pied des modes de production traditionnels du logement » en France, notamment pour l’engagement collectif sur lequel il repose et les modes de gestion du bien immobilier qui tendent, pour partie, à s’extraire des logiques du marché. Il est marqué par une grande diversité dans la localisation, la forme, la composition des groupes et le montage des opérations, et se caractérise par un recours limité aux principaux professionnels et acteurs traditionnels du secteur. Il s’agit donc d’analyser, à travers la diffusion de l’habitat participatif, « un processus de reconquête de la production de l’habitat par les habitants » (p. 121). Suivant un plan classique, le texte se décompose en trois parties. La première vise à présenter la généalogie de l’habitat participatif, les principaux acteurs et les relations que ceux-ci entretiennent. La thèse défendue repose sur l’idée que l’habitat participatif n’est pas « seulement un dispositif participatif » (p. 116), mais qu’il résulte de « la combinaison d’un ensemble de pratiques » dont la structuration en collectif (analysé ici aux échelles locale et nationale) pose (in)directement la question des modalités de prise en compte et de mise en oeuvre de l’expérimentation – dans les collectivités et par les pouvoirs publics – aujourd’hui, dans la production urbaine contemporaine. Devaux montre que cette organisation se heurte à la forte autonomie et à la volatilité de chacun des groupes d’acteurs-habitants, mais aussi à la variété des motivations des acteurs engagés (groupes d’habitants, élus, professionnels). Dans une seconde partie, qui constitue un temps fort de la démonstration, il s’agit d’exposer comment l’habitat participatif est « entré en politique » (p. 119), c’est-à-dire comment et sous quelles conditions s’est réalisée la rencontre entre les groupes d’habitants et les principales associations porteuses des projets d’habitat participatif avec les acteurs institutionnels, élus, bailleurs et professionnels de la construction. Y est décortiqué un ensemble de « bonnes raisons » – au sens de Raymond Boudon – qui justifient à la fois un intérêt et une méfiance respectives entre les personnes à l’origine des projets et les acteurs institutionnels. L’habitat participatif correspondrait ainsi à une « boîte à outils », voire un « couteau suisse » (p. 220) pour répondre à une diversité d’enjeux allant …