Comptes rendus bibliographiques

FORGET, Célia (2012) Vivre sur la route. Les nouveaux nomades nord-américains. Montréal, Liber, 222 p. (ISBN 978-2-89578-372-5)[Record]

  • Dean Louder

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  • Dean Louder
    Département de géographie, Université Laval

Un vrai délice, cette étude ethnographique réalisée par Célia Forget dans le cadre de son doctorat, effectué en cotutelle à l’Université Laval et à l’Université de Provence, sur une forme de mobilité continentale expérimentée par les gens qui répondent à l’appel de la route et qui cherchent à être mobiles tout en restant chez eux. L’objectif de Vivre sur la route, version condensée de la thèse, est d’amener le lecteur en voyage à la découverte de cette population nomade. Pour mettre son étude en contexte, Forget cite les oeuvres littéraires de Jack Kerouac (On the Road) et de John Steinbeck (Travels with Charley, Raisins de la colère), mais oublie celle – plus près de nous – de Jacques Poulin (Volkswagen blues). Qui plus est, elle fait allusion à la myriade de voyages et de reportages effectués à travers les États-Unis, en bus reconverti, par le légendaire journaliste télévisuel Charles Kuralt, mais oublie ceux de l’ancien entraîneur de football professionnel, devenu commentateur sportif, John Madden qui, ayant peur des avions, préférait se déplacer de stade en stade, semaine après semaine, dans le Madden Cruiser, un bus reconverti selon ses propres spécifications, portant l’effigie du « Joueur (NFL) de la semaine ». Malgré cette petite déficience et une défaillance linguistique que j’identifierai plus loin, Célia Forget réussit son pari avec brio. En lisant ce petit livre captivant de 222 pages, j’avais envie, soit d’embarquer avec elle, soit de retourner moi-même là où j’ai tant de merveilleux souvenirs : sur la route. L’auteure prétend (p. 100) que « la société nord-américaine, et principalement la société américaine, vit dans un climat de peur incessant entretenu par les médias ». Si tel est le cas, il faut admirer le courage de la chercheuse qui, dans un premier temps, a sollicité un lift avec un parfait étranger, Byron, 63 ans, rencontré pour la première fois dans une halte routière en Caroline du Nord, et seule personne ayant accepté de l’accueillir à bord de son grand motorisé de 12 m de long. Pendant deux mois, avec Byron comme guide, mentor, colocataire et ami, Célia Forget a pu apprendre et mettre en pratique le mode de vie des caravaniers à plein temps. Dans un deuxième temps, seule, dans son propre motorisé loué pour l’occasion, elle a parcouru 14 000 km, sillonnant 21 États américains et deux provinces canadiennes, afin de pénétrer à fond et de comprendre ce monde de vagabonds de luxe. Elle est restée dans des campings, des déserts, des parcs nationaux, des aires d’autoroute, des stationnements de Walmart, d’aéroports et d’hôtels et des truck stops. Alors, son expérience – comme la mienne sur la route dans mon Safari Condo, de manière plus ou moins continue depuis 10 ans – contredit la thèse d’une société américaine dangereuse et violente. Elle dirait aujourd’hui, comme moi, qu’il y a « du bon monde » partout ! Entre ces deux expériences continentales de terrain, l’ethnologue avait également résidé dans un terrain de camping au nord de Montréal auprès de caravaniers québécois dont certains se retrouveraient le long de son chemin par la suite. Contrairement à ce qu’on pourrait penser en observant passer ces rutilants véhicules récréatifs que sont les motorisés, caravanes à sellette ou bus reconvertis, passage qui évoque une vie simple caractérisée par la liberté, la paix et la félicité, le phénomène du caravaning est complexe. Soit dit en passant, l’utilisation par l’auteure des termes RVing (vie dans un véhicule récréatif) et RVer (celui ou celle qui la pratique) est agaçant, sinon déplorable. Pourquoi ne pas adopter les équivalents français …