Comptes rendus bibliographiques

INNES, Judith E, et BOOHER, David E. (2010) Planning with Complexity. An Introduction to Collaborative Rationality for Public Policy, Routledge, Londres et New York, 240 p. (ISBN 978-0-415-77932-6)[Record]

  • Michel Gariépy

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  • Michel Gariépy
    Institut d’urbanisme Université de Montréal

Longtemps polarisées par les dispositifs d’audiences publiques en environnement, la pratique de la participation publique tout comme la réflexion afférente des chercheurs en sciences humaines au Québec se déplacent, depuis une dizaine d’années, vers l’amont, où se tiennent des exercices de concertation qui tentent vraiment d’infléchir la teneur des projets. S’agit-il là de l’approche de planification collaborative, traduction proposée de collaborative planning ? Ces exercices en respectent-ils les caractéristiques et exigences ? Comment en évaluer les effets ? L’ouvrage d’Innes et Booher, bien qu’il porte trop humblement à notre avis le titre d’introduction, fait le point sur cette approche et permet d’apporter bon nombre de réponses. D’emblée, le mode de rédaction est en résonance avec la thématique : deux auteurs qui misent sur leurs parcours différents et placent leurs expériences en synergie. Judith Innes, une universitaire auparavant analyste pour un membre du Congrès américain, a été une auteure clé dans l’émergence du paradigme de l’approche collaborative. David Booher, avant d’oeuvrer comme planificateur, a d’abord été confronté aux écueils de l’advocacy planning en tant qu’activiste, comme il se qualifie lui-même. Depuis la fin des années 1990, les deux auteurs ont cosigné de nombreuses publications dont un article devenu une référence de base pour sa série de critères destinés à évaluer les effets de la concertation . Les auteurs empruntent ensuite le versant pratique de la praxis. Le chapitre III présente six cas de formulation de politiques ou de plans qu’ils ont analysés en profondeur et suivis à long terme. Ces cas couvrent un vaste spectre d’enjeux : par exemple, l’élaboration d’un plan d’ensemble pour un territoire, la gestion d’un bassin hydrique ou encore une stratégie de relations de la police avec la communauté. Tous en sol américain, ils touchent des échelles différentes, allant du local au fédéral, mais ont en commun d’avoir impliqué une forme d’approche collaborative. L’analyse de chacun des cas est effectuée selon une méthodologie séquentielle et systématique : sont décrits en succession le contexte, le lancement du processus, la structure et la nature de ce dernier, sa mise en oeuvre, puis les résultats de premier niveau et les adaptations systémiques d’ordres supérieurs qui en ont résulté. Après, le cadre théorique DIAD, qui se veut à la fois descriptif et normatif, sert aux auteurs à porter un regard critique sur chaque cas et à tenter d’expliquer en quoi l’approche collaborative s’est ou ne s’est pas pleinement matérialisée. Le chapitre suivant (IV) prend appui sur ces cas pour approfondir la réflexion sur la praxis de la collaboration et sur les facteurs de réussite ou d’échec de l’approche. Les auteurs abordent une série d’enjeux, de questions, de critiques qui ont pu être formulés ou de difficultés qui peuvent être associées aux quatre variables du cadre. Par exemple : le rôle des initiateurs de la démarche et des animateurs, qui doit être ciblé non sur l’adoption de leur vision mais sur la construction de consensus ; les conditions inspirées d’Habermas pour établir un dialogue entre les parties prenantes ; la gestion créative des conflits et divergences qui sont nécessaires mais peuvent mener à des impasses ; comment composer avec la structure du pouvoir dans la société et comment l’approche collaborative peut la faire évoluer de façon incrémentielle. Par le traitement de ces questions, les auteurs ne prétendent surtout pas donner des recettes pour mener une approche collaborative, d’autant que chaque situation est spécifique et, à ce titre, commande une adaptation. La suite de l’ouvrage, soit les quatre derniers chapitres, est consacrée à une montée en généralité de la réflexion sur le dialogue qui doit s’instaurer au sein de l’approche collaborative. Ce …

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