Comptes rendu bibliographiques

PAQUET, Suzanne (2009) La paysage façonné. Les territoires postindustriels, l’art et l’usage. Québec, Presses de l’Université Laval, 235 p. (ISBN 978-2-7637-7593-6)[Record]

  • Nathalie Blanc

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  • Nathalie Blanc
    Université Paris 7

Enseignante au département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, Suzanne Paquet présente, dans cet ouvrage publié aux Presses de l’Université Laval, une histoire contemporaine de la fabrique des images du territoire (et du paysage) entre art et artialisation. Donnons un avant-goût de l’ouvrage, divisé en quatre chapitres. Le premier chapitre, intitulé Inventions, traite de la problématique du paysage converti au XIXe siècle en spectacle et en « marchandise qui peut être fabriquée et consommée ». Un tel déplacement explique bien évidemment la place de la photographie ; celle-ci devient alors un outil et l’accessoire essentiel de la transformation du territoire en ce qui peut se consommer. Le plaisir paysager n’est-il pas intensément visuel ? L’Ouest américain, considéré comme un désert, est le produit de cette invention photographique du paysage avec des auteurs-clés comme Timothy O’Sullivan dont l’oeuvre banalement photographique à la fin du XIXe siècle fut réinventée comme oeuvre d’art et produit du regard singulier de l’artiste dès les années 1950. Le tourisme est également une invention de cette époque et l’on voit bien de quelle manière les deux productions, à savoir celle d’objets ou d’événements à visiter et celle même de la visite, sont concomitantes. Le chapitre deux traite des appropriations, qu’elles soient symboliques ou concrètes. L’auteure rappelle notamment que l’appropriation par les artistes de la problématique du site et du territoire s’inscrit dans un discours critique à l’encontre du système marchand d’exposition des galeries et musées. Il s’agit de faire en sorte que l’art rejoigne la vie. Dans le chapitre trois Modulations – celui qui m’a le plus intéressée – le paysage est pris comme agissant sur le travail des artistes par l’intermédiaire des acteurs, qu’il s’agit de faire participer au projet (propriétaires et gestionnaires des lieux, mais aussi des experts des territoires). On voit ce mouvement s’amorcer en particulier dans la manière que l’artiste a de se constituer comme médiateur entre une population et, éventuellement dans le cas de Smithson, un industriel, ou un propriétaire ou gestionnaire des lieux. Une telle pratique vient à justifier l’usage artistique du terme « écologie » comme légitimant la pratique de l’artiste. Jusqu’à sa mort, Robert Smithson, pourtant auteur d’une emblématique oeuvre du land art, Spiral Jetty, ne cessera de dénigrer les écologistes qu’il accuse de garder à l’esprit l’image du Paradis perdu. Progressivement, cependant, l’engagement écologiste des artistes grandit : en 1969, une première exposition s’intitule Ecological art. Très vite, nous dit l’auteure, l’art dans le paysage qu’est le land art devient un nouvel art public du fait de l’importance croissante des loisirs et des vacances, ainsi que du plus grand nombre d’espaces récréatifs dans et hors des villes, auxquels contribue la production des artistes. Le parc devient ainsi, selon Lippard, célèbre critique et initiatrice de ce mouvement, la forme la plus riche d’interface nature-société. Le land art ne se transforme t-il pas alors en un art du jardin et du paysage ? Le land art ne devient-il pas l’art de la médiation nature-société dans les espaces urbains ? De manière générale, la pluralité et la diversité des démarches artistiques à l’égard du paysage tendent à mettre en valeur la thèse selon laquelle les sociétés contemporaines exploitent leur capital paysager. Le dernier chapitre, Apparition ou dissolution, montre les conditions d’apparition d’un espace paysager à partir de ces pratiques artistiques. Le champ d’intervention des artistes oscille entre art et technologie. La créativité devient un modèle d’intervention, qui serait a priori dévolu à l’artiste, mais qui s’inscrit aujourd’hui de manière plus globale dans une recherche de productivité. En conclusion, dit l’auteure, il …

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