Thème 5 - La géographie face à la nouvelle donne démographique

SynthèseLa géographie d’une population en mouvement[Record]

  • Marc St-Hilaire

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  • Marc St-Hilaire
    Université Laval

Redoutant la surpopulation des îles britanniques, Malthus n’aurait sûrement pas prévu le coup : depuis quelques années sinon quelques décennies, les sociétés postindustrielles ont réduit leur fécondité à un point tel qu’elles se dirigeraient, à terme, vers leur propre disparition. Ainsi, selon le World Population Reference Bureau, ces sociétés présentaient en 2004 un indice synthétique de fécondité (ISF) de 1,6 enfant par femme, très en deçà du seuil de remplacement des générations (2,1). Le Canada et le Québec ne sont pas en reste, avec des ISF inférieurs à 2,0 depuis plus de 30 ans et à près de 1,5 depuis 10 ans. Cette situation se différencie assez peu à échelle plus fine et affecte toutes les régions canadiennes et québécoises, à l’exception de celles du Nord. Ainsi, au Québec, l’ISF a varié en 2005 entre 1,67 en Abitibi-Témiscamingue et 1,27 dans la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine , la région Nord-du-Québec faisant cavalier seul avec un ISF de 2,59. Pour pallier le déficit des naissances, lequel n’est apparu comme phénomène durable qu’après plusieurs années de faible fécondité, les gouvernements ont revu leurs politiques de population. Ils ont tenté, d’un côté, d’instaurer des mesures favorisant la natalité (politique familiale) et, de l’autre, rehaussé significativement les seuils d’immigration, facilitant la venue d’immigrants provenant d’aires de recrutement élargies. Les effets combinés de la dénatalité et de l’ouverture élargie à l’immigration internationale soulèvent des enjeux fondamentaux à toutes les échelles. En donnant aux échanges migratoires une importance renouvelée comme composante de la croissance, le changement démographique sollicite la géographie humaine à maints égards. En font foi les contributions proposées par Majella Simard, Martin Simard et Marc Vachon, chacune abordant les faits de population à des échelles différentes et selon des problématiques et approches distinctes. Celle de Majella Simard porte sur le bilan démographique d’une catégorie particulière d’espace rural, celle des petites collectivités (municipalités de moins de 500 habitants). Après un rappel de la croissance en dents de scie qu’a connue le monde rural au XXe siècle, largement imputable aux mouvements migratoires, il étudie de plus près l’évolution biphasée des petites localités, montrant à la fois la fragilité démographique et l’enracinement territorial de ces collectivités. De son côté, Martin Simard s’intéresse aux mouvements migratoires interrégionaux, plus précisément ceux touchant les jeunes (15-34 ans), en tant que révélateurs des hiérarchies territoriales. Faisant largement place aux perceptions territoriales, il met en relation les charges symboliques, respectivement positives et négatives des espaces métropolitains, et des régions périphériques aux échanges démographiques défavorables à ces dernières. Marc Vachon, enfin, traite de l’intégration des immigrants à la ville et, de façon plus large, de l’interrelation entre les échelles sociales fines (individu, famille) et le milieu urbain par le biais du logement et de l’urbanisme du quotidien. Il soulève plusieurs questions d’intérêt, soit sur la capacité des modèles d’analyse habituellement en usage à rendre compte de l’intégration des Amérindiens ou des minorités visibles de souche récente aux villes de l’Ouest canadien, soit sur le rôle des pratiques résidentielles comme facteur d’intégration, ou encore sur l’influence de l’avant-garde urbanistique dans l’humanisation des espaces urbains. Ensemble, les contributions proposées nous ramènent aux interrogations de base de la géographie : les relations entre les collectivités et le territoire qu’elles occupent, les conceptions qu’elles en ont, les représentations qu’elles s’en font et les pratiques qu’elles y déploient. L’unité territoriale d’analyse est par essence collective (région, localité, quartier) et traitée de façon agrégée (classes d’effectifs, espaces métropolitains ou périphériques, groupe ethnique, catégorie socioéconomique), tout en faisant une large place aux sphères d’individualité (perception, représentation, identité). Les textes rappellent ainsi le défi constant que la difficile articulation entre les …

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