Thème 3 - Les enjeux politiques de la géographie

Le développement de systèmes cadastraux pour un aménagement durable du territoire[Record]

  • Francis Roy

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Le cadastre a longtemps été associé exclusivement à la fiscalité immobilière et à l’enregistrement des titres fonciers. Cette vision quelque peu austère du cadastre ne reflète plus sa situation actuelle. Le cadastre a subi au cours des vingt dernières années une modernisation conceptuelle et méthodologique importante. Les cadastres sont devenus, avec le développement de la géomatique, de véritables systèmes d’information cadastraux quipermettent diverses opérations inhérentes à la gouvernance territoriale, que ce soit en matière de planification de l’aménagement, de gestion de l’urbanisation, de contrôle de l’utilisation du sol, de mise en valeur des ressources naturelles, de prévention des risques naturels. Dans la dernière décennie, de nombreux États ont lancé des programmes de confection et de réforme de systèmes cadastraux pour faire face à des problématiques de développement économique, de réduction de la pauvreté et de décentralisation des pouvoirs gouvernementaux. Aussi, les systèmes cadastraux sont devenus eux-mêmes des objets d’études où les problématiques de recherche ont quelque peu délaissé les difficultés techniques pour s’intéresser aux dimensions institutionnelles, sociales, politiques et économiques des projets cadastraux (Steudler et al., 2004 ; Dale et McLaughlin, 1999). Ces études permettent de révéler, à plusieurs moments de l’histoire, les enjeux politiques de la géographie inhérents à la gouvernance et à l’exercice du pouvoir sur le territoire. L’analyse historique des cadastres laisse entrevoir que ceux-ci ont toujours été une réponse technique aux préoccupations de l’autorité en place (royale, féodale, étatique ou autre). Les cadastres ne possèdent pas un caractère universel, étant adaptés aux besoins particuliers des sociétés qui les conçoivent. On retrace l’existence de plans cadastraux durant l’Antiquité (Égypte, Palestine, Grèce, Empire romain). Ces plans traduisaient la volonté de l’autorité à maîtriser l’occupation du sol, à mettre en valeur les terres agricoles et à recenser les ressources des territoires conquis. À la chute de l’empire romain, le cadastre disparaîtra pendant quelques siècles, jusqu’au Moyen Âge. On identifie une seconde période de l’histoire cadastrale allant du Moyen Âge jusqu’à la Révolution française. Les cadastres sont alors constitués de livres terriers, confectionnés par les seigneurs et les grands propriétaires fonciers, pour établir et gérer les contributions et les redevances des censitaires. Ces cadastres, prenant la forme de listes ou de tableaux, sont rarement accompagnés de plans. C’est ce type de cadastres que l’on implante en Nouvelle-France pour l’administration des seigneuries (concession des terres et gestion foncière privée). Une troisième période s’ouvre avec la Révolution française. Afin de concrétiser les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, le pouvoir public conçoit des cadastres à caractère fiscal, dont la finalité est de remplacer les anciens impôts, établis en fonction du statut de la personne, par une contribution foncière calculée à partir des caractéristiques des immeubles (mesures, superficie, production agricole). La contribution de Napoléon a alors été importante. Sous son règne, la confection des cadastres est basée sur un arpentage général de toutes les parcelles et de leur représentation sur un plan cartographique, conformément à une approche scientifique et à des normes techniques. Cette évolution majeure dans l’histoire cadastrale demeure marquante encore aujourd’hui. Le cadastre napoléonien est la principale inspiration lors de la création du cadastre originaire du Québec en 1860. Une quatrième période correspond à l’époque contemporaine, marquée par l’évolution des techniques et le développement du marché immobilier. À l’époque napoléonienne, on n’avait pas prévu de mécanismes de mise à jour des cadastres, afin d’y intégrer les nouveaux morcellements des terres. À cette époque, le marché immobilier n’était que très peu actif et le morcellement y était statique. Afin de suivre l’activité immobilière stimulée par la croissance des villes, des procédures de révision et de mises à jour des cadastres …

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