Comptes rendus bibliographiques

CLAVAL, Paul (2001) Épistémologie de lagéographie. Paris, Nathan (Coll. « fac »), 266 p. (ISBN 2-09-190351-5)[Record]

  • Jacques Bethemont

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  • Jacques Bethemont
    Université Saint-Étienne

Paul Claval précise d’emblée que « les enjeux (d’une recherche épistémologique) ne s’imposent définitivement qu’une fois la recherche déjà avancée ». De fait, ce livre apparaît comme la suite logique, sinon le couronnement d’une oeuvre considérable à travers laquelle l’auteur a abordé les problèmes géographiques les plus divers en les replaçant dans leurs contextes historiques et culturels. Il peut donc, sans forcer son talent, faire état d’une masse considérable de références apparemment disparates – cela va de la géographie vernaculaire des Inuit à la géographie culturelle en passant par les philosophes allemands et les guides touristiques – mais qui, dûment réinsérées dans tel ou tel courant de pensée, apparaissent comme les composantes multiples d’une construction logique. L’entreprise était d’autant plus difficile que la géographie, loin de s’appuyer sur la méthode cartésienne qui consiste à isoler les faits en éléments simples pour mieux les appréhender, explore les liens qui les relient dans le cadre de systèmes complexes. La réussite n’en est que plus remarquable. Cette réussite tient pour partie à la simplicité apparente d’une présentation par étapes chronologiques. Se succèdent ainsi les géographies vernaculaires, faites de repères spatiaux et de territoires délimités; la codification de ces données par la cartographie; le récit géographique auquel peut être rattaché le tableau vidalien; l’invention des relations entre l’homme et le milieu avec pour corollaire le questionnement déterministe; l’analyse de situation illustrée successivement par Ritter, Ratzel et Vidal; la géographie comme étude de systèmes au sein desquels interfèrent de multiples combinaisons; la remise en cause des lois spatiales et la formulation de la « nouvelle géographie »; la géographie culturelle avec ses multiples composantes allant de « l’espace vécu » à la géographie radicale. On reconnaît là les grandes étapes d’une pensée géographique qui s’affirme lentement à partir de savoirs élémentaires, mais dont les multiples développements s’accélèrent au cours des dernières décennies. Il s’en faut toutefois de beaucoup que le relais d’un système de pensée et d’interprétation par un autre s’établisse de façon linéaire. Paul Claval insiste à maintes reprises sur le fait que telle étape de la pensée géographique contient en germe de multiples développements qui seront exploités selon divers modes à travers divers courants de la discipline : la géographie vernaculaire reste d’actualité dès lors que chacun cherche à s’orienter et il n’y a pas de rupture entre la pensée de Ptolémée et les systèmes d’information géographiques. Loin d’être démodé, le récit, qui est le degré premier de l’enquête géographique, peut être le fondement d’une approche phénoménologique et, sur un autre plan, la démarche des géographes planificateurs ne diffère pas fondamentalement de celle des physiocrates à la fin du XVIIIe siècle. Il existe donc des constantes géographiques dont l’expression, initialement simple, ne cesse de se complexifier. Dans le fil de son propos, Paul Claval insiste sur deux d’entre elles : même lorsqu’ils travaillent en cabinet et non sur le terrain, les géographes cherchent toujours à répondre aux interrogations du moment : connaissance de la planète, aménagement du territoire ou mise en évidence de l’inégal développement; ouverture sur de multiples disciplines qu’on hésite à qualifier de connexes, qu’il s’agisse de géologie, d’économie ou de sociologie. Ces thèmes récurrents sont repris dans un chapitre conclusif consacré aux « influences et chassés-croisés » entre la géographie et les sciences physiques et naturelles, la géographie et les sciences sociales et, finalement, la géographie et la philosophie. Ces quelques pages, peut-être trop brèves, suscitent de multiples interrogations, ne serait-ce que sur la place que tiennent respectivement, dans la démarche géographique, les sciences de la nature et les sciences sociales. Non que Paul Claval fasse l’impasse sur les …