Conférence annuelle Claire-L’Heureux-Dubé

Avoir le dernier mot ? Mythe ou réalité ?[Record]

  • Clément Gascon

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  • Clément Gascon
    Juge à la Cour suprême du Canada

Le texte qui suit a été présenté lors de la 13e Conférence annuelle Claire-L’Heureux-Dubé qui s’est déroulée le 9 septembre 2016, à l’Université Laval.

Merci d’être là si nombreux. Je n’en ai pas l’habitude. Quand nous attirons autant de gens en même temps à la Cour, ce sont généralement des manifestants. Merci aux organisateurs pour l’invitation. Je m’estime privilégié de prononcer cette allocution à l’occasion de la 13e Conférence annuelle Claire-L’Heureux-Dubé. Contrairement à certains qui m’ont précédé ici, je ne peux affirmer avec fierté avoir siégé avec la juge L’Heureux-Dubé à la Cour suprême ou à la Cour d’appel. Quand je suis arrivé à la Faculté de droit, elle était déjà une légende vivante. Mais j’ai un lien avec sa famille. En effet, j’ai eu le plaisir d’étudier à l’Université McGill avec sa fille Louise. Nous avons même travaillé ensemble comme étudiants, stagiaires et jeunes avocats au cabinet Heenan Blaikie. Que ce soit lors de mes premiers contacts avec elle à l’époque, ou depuis, la juge L’Heureux-Dubé a toujours conservé cette vivacité et cet enthousiasme si contagieux. C’est avec joie que je la retrouve aujourd’hui. Je suis d’autant plus heureux d’être ici que, depuis mardi, je compte une diplômée de votre faculté de droit dans mon équipe d’auxiliaires juridiques. Ce fait témoigne bien, à mes yeux, de la qualité de l’enseignement et de la formation que l’on reçoit dans ces murs. Depuis quelques semaines, quand on parle de la Cour suprême, des mots qui reviennent souvent sont la transparence, l’ouverture, l’imputabilité. Le processus de nomination mis en place pour désigner un remplaçant au juge Cromwell, et le mandat du comité consultatif indépendant créé à cette fin en sont fortement imprégnés. Cela traduit une réalité de plus en plus incontournable de l’exercice du pouvoir judiciaire au Canada, celle d’être redevable de ce que nous faisons devant la société canadienne, dans le comment et dans le pourquoi. Nous n’exerçons plus notre rôle dans l’opacité détachée d’une tour d’ivoire. La justice que nous rendons se doit d’être publique, accessible. Nous devons nous exprimer dans des décisions motivées, avec un langage simple compris des justiciables. Nous devons aussi, je crois, mieux communiquer la réalité de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Faire comprendre nos rôles et fonctions, démystifier comment nous les remplissons, renforcent la crédibilité du pouvoir judiciaire et, en définitive, l’indépendance judiciaire elle-même. C’est dans cette optique que j’ai choisi de vous parler de la réalité de notre travail au quotidien à la Cour sur deux aspects centraux de notre fonction, les demandes d’autorisation et les pourvois. Je suis à la Cour depuis deux ans. Je constate que ce que nous faisons ainsi que la manière dont nous le faisons sont souvent peu ou mal connus, et ce, autant des juristes que des justiciables. Pourtant, il n’y a pas, et il ne devrait pas y avoir, de secret sur la façon dont nous remplissons notre rôle et sur la manière dont nous abordons notre processus décisionnel. En intitulant mon propos — « Avoir le dernier mot ? » — sous forme de question, et non d’affirmation, j’ai voulu entrouvrir la porte de nos espaces privés pour vous expliquer comment et pourquoi nous faisons les choses, et les défis qui en découlent. Il nous appartient, je pense, d’en parler franchement. Pour reprendre une expression que d’autres utilisent à meilleur escient que moi, être transparent, cela s’impose parce que « nous sommes en 2016 ». Je dispose d’environ une demi-heure. Il y aura ensuite un échange d’une quinzaine de minutes où vous pourrez me poser vos questions ; j’essaierai de vous donner des réponses, parfois en évitant la question s’il le faut… Je voudrais aborder deux points avec vous : Alors, avoir le dernier …

Appendices