Conférence annuelle Claire L'Heureux-DubéL’apport du droit français en Amérique du Nord et notre double héritage juridique[Record]

  • J.J. Michel Robert

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  • J.J. Michel Robert
    Juge en chef du Quebec.

Le texte qui suit a ete présenté lors de la Septième Conférence annuelle Claire L'Heureux-Dubé qui s'est deroulée le 10 septembre 2010, à l'Université Laval.

Nous célébrions en 2008 le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec par un Français parti d’Honfleur du nom de Samuel de Champlain. Le 3 juillet 1608, il établit, dans un endroit dont le nom signifie en langue algonquine « là où le fleuve se rétrécit », un établissement permanent nommé l’Habitation. Le moment est donc bien choisi pour rappeler l’influence importante qu’a eue la civilisation française en Amérique du Nord et plus particulièrement sur le droit québécois. Pendant ses 150 premières années, cette société francophone en terre d’Amérique, qui provient à l’époque du plus important pays européen en termes de population et d’économie, s’étendra dans un immense arc de cercle couvrant presque la moitié du continent, d’abord en l’Acadie, ensuite dans la vallée du Saint-Laurent, puis au pays des Illinois, dans la vallée du Mississippi et, finalement, en Grande-Louisiane jusqu’à La Nouvelle-Orléans et aux portes du golfe du Mexique. Si nous traitons ici de l’héritage juridique et judiciaire que nous a laissé la France, ce sera également sans oublier l’influence britannique qui a contribué à nous donner un système de justice hybride, à la fois bilingue et bijuridique. Ce double héritage, unique parmi les pays développés, doit être entretenu et faire l’objet de notre fierté. L’essence même du Canada est dans la pluralité. Le Canada est fédéral, soit composé d’un gouvernement central, de dix gouvernements provinciaux et de trois gouvernements territoriaux. Le Canada est bilingue, soit composé d’un gouvernement fédéral bilingue et de tribunaux fédéraux bilingues, la Cour suprême du Canada et la Cour fédérale. De plus, il comporte deux gouvernements provinciaux bilingues, soit le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, et une province francophone, le Québec, où l’usage de l’anglais est autorisé devant les tribunaux et à l’Assemblée nationale. Finalement, plusieurs provinces anglophones, dont l’Ontario, offrent des services en français dans certaines régions. Le Canada est bijuridique, en ce que le droit privé du Québec est codifié et inspiré du Code civil français, alors que le droit privé des autres provinces et territoires est le droit coutumier d’origine britannique, la common law. De plus, l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que les lois soient adoptées, imprimées et publiées dans les deux langues officielles et l’article 18 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que les deux versions ont « également force de loi ». La politique de rédaction des lois fédérales reflète ces exigences, puisqu’elle prévoit depuis 1978 leur corédaction dans chaque langue, plutôt que leur traduction. Une nouvelle Politique sur le bijuridisme législatif datant de 1995 allait dans le même sens et affirmait : Les exigences constitutionnelles en matière d’adoption bilingue ont récemment nécessité un effort considérable de traduction. En effet, 259 textes législatifs adoptés entre le 1er juillet 1867 et le 15 septembre 1988 ont été traduits et réédictés par l’effet de la Loi sur la réédiction de textes législatifs parce qu’ils n’avaient pas tous été édictés et publiés dans les deux langues. Le Canada est également un pays au profond héritage autochtone. Formant 3,8 p. 100 de la population canadienne, plus d’un million de membres des Premières Nations, d’Inuits et de Métis sont répartis dans plus de 650 communautés, certaines isolées et d’autres adjacentes aux grands centres urbains. Cette part de la population, jeune et à forte croissance, représente également une source de notre droit. En effet, ces nations adoptent leurs propres règlements en vertu de la Loi sur les Indiens, qui habilite les conseils de bande à le faire en diverses matières, ou en vertu de conseils coutumiers. Les Autochtones sont également titulaires de droits ancestraux et …

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