Chronique bibliographique

José Calvo González, Octroi de sens. Exercices d’interprétation juridique-narratif, coll. « Dikè », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008, 139 p., ISBN 978-2-7637-8591-2.[Record]

  • Guillaume Provencher

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  • Guillaume Provencher
    Université Laval

Dans cet ouvrage, l’auteur adopte et présente une analyse narrative du droit. Cette invitation à penser le droit narrativement force à réévaluer certains aspects majeurs des fondements des décisions judiciaires. Calvo González, à la fois professeur de droit et juge, pose son regard sur l’expérience interprétative de l’interprétation juridique dans une section nommée « Hors-livre », spécialement rédigée aux fins de cet ouvrage. Hormis celle-ci, les textes rassemblés à l’occasion de cette parution sont le fruit de conférences et d’exposés présentés par l’auteur au fil des années. Calvo González propose d’emblée dans la section « Hors-livre » de comparer la structure de l’interprétation juridique à celle d’une danse immobile. Figure paradoxale certes, cette image sert et circonscrit relativement bien l’expérience tout aussi paradoxale de l’interprétation juridique. Proposée en début de parcours, mais rédigée après toutes les autres, cette section vient assurer la cohérence de l’ensemble. Elle aide le lecteur à saisir les propositions et les réflexions de l’auteur. En fait, elle s’avère essentielle, et il est nécessaire de s’y attarder. Il ne faut pas hésiter à y retourner au besoin, car cette section permet mieux que toutes les autres de saisir l’univers quelque peu aride dans lequel l’auteur nous propose de séjourner. L’ouvrage est par la suite séparé en quatre parties dans lesquelles figurent six textes distincts. Dans la première partie, intitulée « De l’interprétation juridique », l’auteur se questionne sur l’avenir de l’interprétation juridique et fait six propositions pour le prochain millénaire. Puis, dans la deuxième partie, il examine la notion de vérité et ses multiples facettes. Poursuivant ses exercices d’interprétation juridique-narratif, Calvo González se penche, dans la troisième partie, sur les faits et surtout sur la narration de ceux-ci, pour finalement conclure, dans la quatrième et dernière partie, par quelques propos métanarratifs sur la traduction. Comme nous l’avons mentionné plus haut, Calvo González propose d’imaginer l’expérience interprétative dans l’interprétation juridique sous la forme d’une danse immobile. Il appuie son besoin d’imager son propos sur les dires d’Aristote, à savoir qu’il n’est loisible à l’être humain de penser quelque chose que par la contemplation simultanée et nécessaire de l’image de ce quelque chose pensé. Puis, le choix de l’auteur s’arrête sur une ancienne liturgie crétoise : il faut se figurer des hommes placés en rond dansant et tournant sur leur axe en entonnant des poèmes lyriques à la louange de Dionysos : Dans cette danse se voulant de manière insensée l’accouplement de contraires se dessine une chorégraphie, précise Calvo González. Cette dernière implique à la fois changement et stabilité, adaptation et continuité. Si nous considérons que la chorégraphie est la représentation immobile des processus qui composeront le mouvement (ici la danse, transposée à la scène du Droit), la chorégraphie prend les allures de la théorie de l’interprétation en ce sens qu’elle est la représentation des processus qui deviendra l’interprétation juridique. L’emploi de la métaphore ne peut avoir la prétention de se substituer à la perception, « mais l’imagination sans doute anticipe la perception : la théorie interprétative dans l’interprétation du Droit est conçue comme quelque chose de mobile-immobile, une sorte de Bande de Moebius, où l’emplacement du locus cinétique se caractérise par l’immanente stabilité d’un espace inamovible » (p. 3). La sphère juridique est un espace statique. La stabilité, la fixité et la permanence constituent une base solide. La notion de mobilité, telle qu’elle est exprimée par l’auteur, ne se heurte pas à cette rigidité. Elle ne s’oppose pas non plus à l’aspect statique de l’espace juridique. Au contraire, l’auteur constate que la notion de mobilité stimule l’espace juridique. Plutôt que d’ébranler les bases, la mouvance …

Appendices