Dossier : L’enseignement de l’histoire au premier cycle universitaireIdées

Un personnage en quête de profondeur ? L’historien.ne et les métiers de l’histoire dans la presse franco-québécoise en 2019 (assorti d’un aparté polémique sur notre relation aux sciences de l’éducation)[Record]

  • Julien Prud’homme

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  • Julien Prud’homme
    Département des sciences humaines, Université du Québec à Trois-Rivières, Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ), Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST)

Par définition, la décision de s’inscrire à tel ou tel programme universitaire de 1er cycle est prise en majorité par de jeunes gens qui ne fréquentent pas encore l’université. Peut-être sont-ils conseillés par leurs parents qui, pour la plupart, n’ont pas non plus une expérience fine ou récente de l’université. De cela, on peut déduire que les perceptions qui incitent un.e cégépien.ne à choisir un programme, en histoire ou pas, ont peu à voir avec ce qui se passe réellement à l’intérieur de l’université, et bien plus à voir avec les perceptions qui circulent dans l’espace public. Dans les médias, par exemple. Se peut-il que l’image publique de l’histoire influe sur l’envie des candidats de s’inscrire ou non à un programme d’histoire ? Si oui, il faudrait documenter cette image et s’en préoccuper. Je soumets ici deux idées. La première concerne le visage public de la discipline historienne et ses conséquences : je me risque ici à produire quelques données, à en proposer une typologie et à les commenter. La seconde idée est plus prosaïque : elle concerne la relation entre nos départements d’histoire et le baccalauréat en enseignement secondaire. En tant qu’historien universitaire moi-même et pour éviter les faux-semblants, je m’autoriserai à parler au « nous » pour désigner la communauté historienne. On doit se préoccuper de l’image publique de l’histoire, c’est-à-dire des représentations des métiers de l’histoire et du champ d’action de l’historien.ne qui circulent dans l’espace public. Cette image informe le préjugé du grand public sur ce que les historien.ne.s font – ou ne font pas – et sur ce à quoi un diplôme d’histoire mène – ou ne mène pas. Je me préoccupe de cette perception, car je constate trois choses. D’abord, je vois, au sein des « sciences humaines et humanités », un glissement des inscriptions vers les programmes perçus comme étant plus directement ancrés dans l’action sociale et dans les grands enjeux actuels. C’est ce que suggère l’essor de programmes de 1er cycle qui tirent leur épingle du jeu malgré le recul global des inscriptions (voir les textes de François Guérard et de Louise Bienvenue dans le présent dossier). En études féministes, l’effectif étudiant de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de l’Université d’Ottawa a plus que doublé entre 2013 et 2018. Il y a dix ans, des professeurs de science politique observaient qu’au sein de leurs programmes, « l’approche traditionnelle… cède la place à une approche davantage axée sur l’engagement et la politique comparée, qui intègre théorie et pratique ». La vogue des cultural, ethnic ou diversity studies sur les campus anglo-saxons est de cette nature. Si on relie cette tendance aux mobilisations « jeunes » qui secouent la société civile, on peut présumer que les millénariaux, du moins la frange intéressée aux sciences humaines, ne sont pas tant obsédés par l’employabilité que simplement pragmatiques et orientés vers l’action. C’est d’ailleurs très bien : mon second constat est que l’histoire qui se pratique dans nos départements répond fort bien à cette exigence. En raison des compétences pratiques associées à l’histoire – traiter divers types d’information, réaliser des analyses critiques –, mais aussi et plus simplement en raison de l’évolution fulgurante de nos contenus d’enseignement depuis trente ans. Le renouvellement du corps professoral ou les sujets de maîtrise montrent l’étendue et l’actualité des questions abordées en histoire, qui incluent des thèmes aussi brûlants que la politique environnementale, l’aménagement des villes, la migration, la médicalisation et diverses formes d’intersectionnalité. Loin d’être une dérive « présentiste », cet attrait pour des objets politiquement « chauds » s’accompagne le plus souvent d’une …

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