Comptes rendus

Ariane Couture, La création musicale à Montréal de 1966 à 2006 vue par ses institutions, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019, 257 p. ISBN 9 782 763 746 562[Notice]

  • Lysandre Champagne

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  • Lysandre Champagne
    Chargée de recherche à l’Observatoire de la culture et des communications du Québec

Ariane Couture retrace le développement de la pensée musicale contemporaine du Québec à partir des grands axes de programmation de quatre sociétés de concert. La Société de Musique Contemporaine du Québec (SMCQ), les Événements du Neuf, l’Ensemble Contemporain de Montréal (ECM) et le Nouvel Ensemble Moderne (NEM) ont joué, et jouent encore (à l’exception des Événements du Neuf, dont les activités cessent en 1990), un rôle fondamental dans le développement de cette scène musicale québécoise. Ces organismes influencent la création, la diffusion, la compréhension et la production d’un répertoire de musique contemporaine québécois et canadien. L’ouvrage s’ouvre sur la fondation de la SMCQ en 1966, événement qui marque le point d’entrée du processus d’institutionnalisation de la musique contemporaine au Québec, et se clôt en 2006. Au cours de ces quatre décennies, ces sociétés de concert ont transformé le milieu musical québécois en permettant à différents courants esthétiques contemporains de passer de la marginalité à la « classification ». L’une des grandes forces de cet ouvrage est de montrer comment ce processus d’institutionnalisation de la musique contemporaine québécoise s’est opéré selon la structure organisationnelle, les directions artistique et musicale, les opportunités de financement, ainsi que les conditions d’exécution propres à chaque organisme. Ce faisant, l’autrice cerne le « rôle que jouent les organismes de concert dans l’élaboration d’un répertoire d’oeuvres de musique contemporaine au Québec » (p. 6). À l’instar de l’étude de la programmation de Jésus Aguila du Domaine musical, Couture soutient que la conception des programmes musicaux s’effectue sur trois plans : 1) de référence, où l’on présente des oeuvres du passé, 2) de connaissance, c’est-à-dire soutenue par une volonté de classiciser les modernes et finalement, 3) de recherche, permettant de présenter des oeuvres émergentes (p. 53). Les sociétés de concert favorisent ainsi le processus de classification des oeuvres associées à la modernité, stimulent la création d’oeuvres nouvelles et contribuent à l’émergence d’un réseau national de compositeurs et de compositrices. Reprenant les catégories d’Aguila, cette approche analytique permet à l’autrice de distinguer des thématiques de programmation présentant à la fois (ou exclusivement) des « oeuvres anciennes », dites de « références », et des « classiques contemporains » qui favorisent le développement de la création musicale. Parallèlement, l’analyse des courants esthétiques par les axes de programmation montre que la mise en valeur de certaines tendances contribue à la formation d’un écosystème d’institutions aux contours propres. Les quatre chapitres du livre sont consacrés respectivement à la SMCQ (1966-), les Événements du Neuf (1978-1990), l’ECM (1987-) et finalement, le NEM (1989-). Pour la première fois, les concerts des Événements du Neuf et de l’ECM sont répertoriés, ce qui constitue un apport additionnel de l’ouvrage. Ce travail de recherche est effectué à partir de programmes de concerts, de documents d’archives, d’articles de journaux, de revues et critiques musicales, de biographies et de témoignages inédits. C’est dans un contexte politique et socioculturel vibrant que la SMCQ voit le jour en tant que premier organisme uniquement voué à la diffusion de la musique contemporaine au Québec. Selon André Prévost, ses fondateurs prônent une pensée musicale marginale, à l’encontre des canons « sacro-saints de la pensée traditionnelle » de l’époque. Leur but est de faire connaître au public montréalais les oeuvres fondatrices de l’avant-garde musicale européenne, en plus de mettre en valeur les compositrices et compositeurs québécois·e·s et, dans une moindre mesure, canadien·ne·s. En procédant par l’analyse des programmes, l’autrice révèle sous un angle nouveau les continuités et ruptures entre les directions artistiques de Serge Garant (1966-1986), Gilles Tremblay (1986-1988) et Walter Boudreau (1988-2006). L’ère Garant est marquée par une forte appréciation pour le constructivisme …

Parties annexes