Corps de l’article

1. Introduction

À l’instar de nombreux pays, la pandémie du SARS-CoV-2 a entraîné au Québec (Canada) l’imposition d’un confinement entre le 22 mars et le 25 juin 2020. Cette situation inédite a déstabilisé profondément le quotidien des individus, dont les activités occupationnelles et sociales, les modalités de rencontre familiale et amicale et les routines de vie ont été perturbées à des degrés divers. Les premières évaluations des effets de la COVID-19 ont commencé à cerner ses répercussions sur les groupes vulnérables québécois (par exemple, groupes racisés, autochtones, étudiant·e·s de niveau postsecondaire) qui sont confrontés, entre autres, à une détérioration de leurs conditions économiques associées à une plus grande précarité, à une insécurité alimentaire, à des difficultés dans l’accès aux services et à l’augmentation du fossé numérique (CCLP, 2021), déjà présent auprès des minorités avant la pandémie (Agbobli et Fusaro, 2018; Veronis, Tabler et Ahmed, 2018), sans que les caractéristiques des variations dans les usages des TIC n’aient été cernées dans le détail.

Dans ce panorama, la situation des étudiant·e·s internationales et internationaux (ÉI) n’a pas été évoquée. Or, ce groupe, en augmentation au Québec (CAPRES, 2019), connait aussi des conditions de vulnérabilité importantes. En effet, à part l’adaptation à leur nouveau milieu qui demande l’apprentissage de nouveaux codes socioculturels, les ÉI doivent composer avec des contraintes administratives complexes (statut juridique de résident·e temporaire ; formulaires bureaucratiques nécessaires pour entrer sur le territoire canadien; normes régissant l’emploi, etc.) ce qui entraine souvent une situation socioéconomique précaire, des difficultés d’accès à des ressources et à des services (santé, services sociaux) et au milieu de travail (Frozzini, 2020; Frozzini et Tremblay, 2020). Des recherches internationales (Firme, 2021) et canadiennes suggèrent que les ÉI ont été affecté·e·s par la pandémie (Firang, 2020; Firang et Mensah, 2022), avec une rupture majeure dans leurs projets académiques, leur processus d’immersion optimale dans la société d’accueil et dans le milieu universitaire choisi pour leurs études à l’étranger. Dans la perspective ouverte par ces travaux préliminaires, à partir d’une recherche qualitative menée auprès d’un échantillon de convenance, cet article se propose en premier lieu de cerner les stratégies d’utilisation, par des ÉI vivant au Québec, des technologies d’information et de communication (TIC) qui sont devenues essentielles dans le contexte du confinement (UCLG, 2020; Sun et al., 2022). En second lieu, les répercussions de ces usages sur leur qualité de vie seront abordées. Cette recherche élargira les travaux menés sur les répercussions de la COVID-19 sur les usages des TIC et la qualité de vie chez les étudiant·e·s occidentales et occidentaux fréquentant les universités de leur pays d’origine que nous présentons dans la section sur la revue de la littérature. Après la présentation du cadre de l’étude et de la méthodologie, les principaux résultats des analyses sur les usages des TIC et les répercussions sur la qualité de vie chez les ÉI seront discutés.

2. Cadres théoriques

Cette étude s’inscrit dans deux grands cadres théoriques, d’une part, la sociologie des usages des TIC et, d’autre part, la qualité de vie. La sociologie des usages souligne l’importance de l’analyse des dispositifs technologiques et leur utilisation active par des acteurs sociaux et des actrices sociales qui, dans leurs pratiques quotidiennes, s’approprient ces dispositifs sur la base d’un « entrelacement des usages » plutôt qu’une « concurrence » ou une « substitution » entre eux (Proulx, 2005). Cette perspective de recherche est particulièrement intéressante dans le contexte du confinement qui a rendu les dispositifs technologiques essentiels pour gérer les situations anormales quotidiennes entraînées par le bris des relations habituelles avec la famille et l’entourage, ce qui a demandé une amplification des usages habituels et l’adoption de nouvelles stratégies pour faire face aux nouvelles contraintes. Cerner les usages des TIC par les ÉI permet d’accéder à leurs expériences individuelles et sociales, de les identifier et de les décrire, d’une part, et de les étudier dans leurs contextes, d’autre part, afin de cerner comment les usages et les contextes sont cofaçonnés (Boullier, 2019). Par ailleurs, les usages des TIC ne sont pas sans avoir des répercussions contradictoires, positives et négatives, sur la qualité de vie des individus (Çikrıkci, 2016).

Comme l’a défini l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la qualité de vie renvoie à un « […] large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement » (cité par Andrieu, 2012, p. 35). D’autres chercheurs et chercheuses insistent sur les dimensions subjectives et cognitives qui accompagnent son évaluation (Corrigan, Bogner, Mysiw, Clinchot et Fugate, 2001; Montreuil, Tazopoulou et Truelle, 2009) et critiquent le recours à des questionnaires standardisés qui « contribuent à contraindre les réponses et échouent à explorer les interprétations subjectives et les contextes de vie » (Burton, Hughes et Dempsey, 2017, p. 375). Notre recherche s’est donc appuyée sur cette perspective qualitative en tenant compte des dimensions psychologiques, interpersonnelles et sociales (Montreuil et al., 2009) qui peuvent aider à cerner les répercussions de l’usage des TIC en contexte de confinement chez les ÉI. En privilégiant les dimensions expérientielles, ces deux approches théoriques, qui se complètent, permettront de bien cerner ces dimensions.

3. Revue de la littérature

Les recherches sur les usages sociaux des TIC des étudiant·e·s universitaires occidentaux et occidentales (Amérique du Nord, Australie et Europe), en période de pandémie de la COVID-19, ont privilégié une approche quantitative basée sur des questionnaires en ligne auprès d’échantillons de convenance qui peuvent inclure des ÉI sans nécessairement analyser spécifiquement leurs profils particuliers. Ceci constitue un angle mort important de ces études, car elles ne tiennent pas compte d’une population en situation de précarité en raison du statut juridique, des processus administratifs et des conditions de séjour (Frozzini, 2020) qui se combinent avec les restrictions liées à la COVID-19 pour créer des situations plus stressantes, liées à l’attente et l’incertitude sans mentionner l’isolement qui, en somme, rendent les individus plus vulnérables[1].

3.1 Usage des TIC : un large registre

Le registre des usages des TIC chez ces étudiant·e·s est multiple. La communication avec les membres de la famille et les ami·e·s domine, suivie des activités pour réduire l’isolement social et la recherche d’informations sur la COVID-19 à différents plans (évolution, mesures de protection, symptômes, gestion du stress psychologique, répercussions socio-économiques) (Dadaczynski et al., 2021; Vrdelja et al., 2021). Des ressources multiples (médias sociaux, blogues, services de counselling et portails de santé, sites officiels, YouTube), dont le choix varie selon le niveau de littératie et le genre, sont aussi privilégiées. Plusieurs applications et plateformes de visioconférences contribuent, selon des combinaisons variables, à l’utilisation des médias sociaux (Delodder, 2021; Pressly, 2021; Prowse et al., 2021; Tuck et Thompson, 2021). À part ces fonctions essentielles, les divertissements en ligne comme la musique, le visionnement des films, des vidéos et des séries (Delodder, 2021; Finnerty et al., 2021; Gómez-Galánet et al., 2020; Krause et al., 2021; Prowse et al., 2021), les jeux sur ordinateur et les achats en ligne (Milasauskiene et al., 2021) sont aussi importants. Ces usages contribuent à réduire les stress et l’ennui provoqué par les conditions du confinement. De ce fait, les heures consacrées aux TIC ont significativement augmenté dans cette population, que ce soit sur les médias sociaux, les sites et les applications récréationnelles (Delodder, 2021; Gómez-Galán et al., 2020; Krause et al., 2021; Pressly, 2021; Tuck et Thompson, 2021), avec des fluctuations selon les périodes de confinement, le moment de la journée ou de la semaine.

3.2 Répercussions sur la qualité de vie

Les usages des TIC en contexte de confinement ont eu un impact contradictoire sur la population. Certaines d’entre elles rapportent des répercussions positives sur la qualité de vie des étudiant·e·s en permettant le maintien et le renforcement des liens avec les réseaux personnels (famille et ami·e·s), la réduction de l’isolement social et de l’ennui lié au confinement, ainsi que l’accès à des ressources diverses-informations, loisirs, etc. (Gómez-Galán et al., 2020; Pressly, 2021; Tuck et Thompson, 2021). À l’inverse, des répercussions négatives ont aussi été constatées car ces usages ont contribué à l’augmentation de la dépendance (Gómez-Galán et al., 2020; Milasauskiene et al., 2021; Pressly, 2021; Tuck et Thompson, 2021) et à une détérioration de la santé mentale avec l’occurrence de niveaux de stress, d’anxiété et de dépression élevés (Pressly, 2021; Tuck et Thompson, 2021), mais variables (Wheaton, Prikhidko et Messner, 2021). L’impact sur la santé mentale semble varier, d’après une recherche (Eden et al., 2020), selon les stratégies d’usage des médias sociaux et les styles de gestion. Le stress est associé à des usages hédoniques (axés sur le plaisir) comme mode d’évitement et d’évasion tandis que l’anxiété est corrélée plus fortement aux usages eudémoniques (renvoyant à des réflexions existentielles), mais aussi à d’autres usages. Le syndrome d’« anxiété de ratage » (fear of missing out, FOMO), lié aux difficultés à se tenir à jour quant aux activités présentes sur Internet qui interpellent directement les étudiant·e·s et qui peuvent être en conflit sur le plan temporel (Hayran et Anik, 2021).

Cet ensemble de recherches suggère que les TIC ont permis l’accès à un ensemble de ressources centrales dans l’adaptation aux conditions de confinement en termes de communication, d’information et de divertissement. Elles n’ont pas été, cependant, sans répercussions multiples et contradictoires au plan de la qualité de vie des étudiant·e·s qui a été améliorée ou, au contraire, dégradée suite aux usages privilégiés. Ces perspectives demandent à être enrichies en tenant compte de la diversité de la population étudiante dont les ÉI constituent un segment significatif comme le montre la présente recherche.

4. Méthodologie

Dans le but d’analyser les usages des TIC et leurs répercussions[2], des ÉI inscrits dans des universités québécoises ont été contactés par courriel sur les réseaux de contacts établis lors d’une recherche précédente (Bérubé et al., 2018; Frozzini, 2020), c’est-à-dire par l’intermédiaire des partenaires des services aux étudiant·e·s de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), des professionnel·le·s de soutien dans le réseau de l’Université du Québec (UQ) et de divers chercheurs et diverses chercheuses. Entre le 4 mai et le 17 juin 2021, 40 entrevues ont été réalisées. Cet échantillon de convenance comprenait 19 femmes, 20 hommes et une personne non-binaire. La sélection des ÉI s’est basée sur la définition donnée par Statistiques Canada : « étudiants au Canada qui détiennent un visa ou sont réfugiés, mais qui n’ont pas de statut de résidence permanente au Canada […] [et] les étudiants non canadiens qui étudient par Internet » (Statistiques Canada, 2011). Ces ÉI avaient entre 20 et 58 ans, avec une moyenne d’âge de 29 ans et provenaient, pour près de la moitié de France et le reste de l’échantillon, d’autres régions du monde (Europe, Afrique, Moyen-Orient, Asie). Ils étaient inscrits à plusieurs universités – Université du Québec à Rimouski (18); Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (8); Université du Québec à Trois-Rivières (6) ; École Supérieure de Technologie (3); Université Concordia (1); Université du Québec à Montréal (2); Université Laval (2) –et dans des programmes d’études variés : sciences sociales et humaines (11), ingénierie (7), administration/gestion (6), biologie (5), environnement (5), lettres (3), santé (2), non spécifiée (1). Dix ÉI étaient inscrits au 1er cycle, dix-sept au 2e cycle et treize au 3e cycle. La grande majorité (33) avait un faible revenu.

Le dispositif Zoom a été utilisé pour réaliser et enregistrer les entrevues avec la permission des ÉI. Les entrevues semi-dirigées, d’une durée de 90 à 150 minutes, ont été réalisées par deux assistant·e·s de recherche (un homme et une femme formé·e·s et supervisé·e·s) puis retranscrites. Inspirée de l’analyse phénoménologique interprétative (Smith, Flowers et Larkin, 2009), cette méthode permettait d’aborder en profondeur l’expérience de vie personnelle et les perceptions des ÉI dans le contexte du confinement et nous offrait la possibilité de les guider dans l’exploration des dimensions privilégiées dans cette recherche. Cette approche leur laissait une marge de liberté pour exprimer, dans leurs propres mots, ce qu’elles et ils ont vécu et ressenti (Bonneville, Grosjean et Lagacé, 2007) dans un milieu particulier (Kumar, 2016). Un questionnaire sociodémographique complétait l’entrevue. L’anonymat des participant·e·s a été garanti par le recours à une codification numérique. L’analyse des entrevues à l’aide du logiciel NVivo et la codification à la suite de la mise en place d’une grille de notation thématique dont les catégories ont été validées à la suite d’un accord interjuges lors de la lecture des transcriptions. Nous avons dégagé quatre catégories pour faciliter la compréhension de cette analyse : (1) les dispositifs technologiques chez les ÉI, (2) les usages des TIC, (3) les routines d’utilisation et (4) les répercussions sur la qualité de vie.

4.1 Dispositifs technologiques chez les ÉI

Au moment du confinement, près de la moitié des ÉI vivaient avec des colocataires (19), leurs conjoint·e·s (12), des membres de leur famille (3) ou seul·e·s (5). La très grande majorité résidait dans un appartement ou une maison et une minorité en résidence universitaire. Elles et ils possédaient des dispositifs technologiques qui comprenaient une connexion Internet selon quatre types d’accès (abonnement personnel, inclusion dans le loyer, dans la résidence universitaire ou le bureau) et provenant d’une variété de fournisseurs d’accès dont en particulier Vidéotron. Une minorité d’ÉI rapporte que la qualité de la transmission variait par moments :

Souvent, on a des problèmes de connexion, mais ça ne dure pas et souvent, c’est pas pendant qu’on travaille. C’est souvent le dimanche ou quelque chose comme ça (Étudiante, 34 ans).

Des fois, on a de petits problèmes […] et je ne sais pas si c’est parce que mon ordi est devenu très lent ces derniers temps ou si c’est parce que ma connexion était mauvaise, mais ça va, dans l’ensemble, on a une bonne connexion (Étudiant, 21 ans).

Parmi les ÉI, 37 rapportaient l’usage d’ordinateurs portables, de marques variées et pour le reste un ordinateur fixe. Tous les ÉI possédaient un téléphone cellulaire, 14 ÉI des consoles de jeux vidéos et 13 ÉI une télévision. Le téléphone fixe, les tablettes, les appareils domotiques, les radios et les enregistreuses sont mentionnés par une minorité.

Plus de la moitié des ÉI ont amélioré ou renouvelé, pendant le confinement, leur matériel informatique : mise à niveau de l’accès Internet (6), ordinateur portable (7), cellulaire (5), écouteurs (5) écran (4) – pour assurer une meilleure qualité des communications, mais pour plusieurs d’entre eux et elles, à cause de leur précarité financière, les dépenses occasionnées ont constitué une source de stress supplémentaire exigeant une réorganisation de leur budget :

Il y a eu des dépenses quand même supplémentaires […]. Il y a eu d’autres choses telles que les outils pour l’informatique et des choses comme ça pour améliorer mon travail ici à la maison […] J’avais un téléphone qui a brisé pendant le confinement et je me suis demandé « je le remplace ou pas, est-ce que je peux vivre sans téléphone pendant le confinement ? » J’ai réalisé que c’était inenvisageable de ne pas avoir cette technologie parce que c’est quand même un lien important (Étudiante, 34 ans).

[…] Je me suis endetté […]. J’étais obligé d’acheter un nouvel ordinateur pour les cours quand même (Étudiant, 27 ans).

Le cellulaire occupe une place centrale dans l’activité quotidienne et il est resté constamment près des ÉI toute la journée. Il sert pour les loisirs, l’information, le contact avec la famille et les ami·e·s (37 ÉI), le divertissement, y compris pendant les périodes de télétravail et de cours, quand c’est l’ordinateur qui devient plus dominant (34 ÉI) :

[…] L’ordi, c’est beaucoup plus les travaux. Le téléphone, c’est beaucoup plus les réseaux sociaux (Étudiant, 30 ans).

On va dire l’ordinateur, je l’utilise, toute la journée de 8 heures à 17 heures [pour mon travail] et mon téléphone au quotidien pour la musique, l’actualité, les médias […] je m’en sers aussi comme archive (Étudiant, 25 ans).

La relation avec le téléphone peut être très étroite, le cellulaire étant considéré comme une forme essentielle d’extension de l’organisme :

Mon téléphone, je suis accro à mon téléphone alors je l’utilise tout le temps, vraiment dès que je me réveille jusqu’à la nuit (Étudiante, 24 ans).

Quand je n’ai rien à faire, je suis sur mon téléphone. […] la seule fois que je n’ai pas mon téléphone, c’est quand je dors. Parfois même le sommeil m’emporte et il est là comme ça dans ma main. Je ne m’en rends pas compte (Étudiant, 37 ans).

4.2 Usage des TIC

Plusieurs finalités sont associées à l’usage des TIC dans cette population.

4.2.1 Communications

Pour les ÉI, la communication avec la famille et les ami·e·s est essentielle et elle s’est amplifiée avec la pandémie et le confinement pour assurer le maintien des relations interpersonnelles :

Maintenant, côté social aussi, il y avait beaucoup de gens qui ne donnaient pas trop d’importance à la famille et quand la pandémie a commencé, […] ça les a motivés pour donner encore beaucoup plus d’importance à la vie familiale et sociale (Étudiant, 30 ans).

Pendant le confinement, le téléphone est devenu un peu plus [important]. Je l’ai utilisé un peu plus parce que c’est là maintenant notre lien avec les autres en fait. […] Nos amis, c’était par téléphone qu’on échangeait donc, du coup, le téléphone a pris un peu plus de place (Étudiante, 34 ans).

Plusieurs applications liées au téléphone sont employées (22 ÉI), dont WhatsApp (appels vidéo, téléphoniques, messages textes) qui sert à la communication avec la famille, quelquefois sous la forme de rituels bien établis à la suite du confinement :

Ce qui a le plus augmenté, c’est les appels vidéo sur WhatsApp. On en faisait un petit peu en préconfinement et on s’est mis à en faire plus avec plus de membres de ma famille […] C’est marrant parce qu’avec le confinement, on a quand même posé un rituel avec mes parents de se Skyper – c’est WhatsApp – tous les dimanches avec mes frères et sœurs. C’est vraiment une habitude qu’on n’a jamais eue en fait [avant]. Tous les dimanches, on a notre rituel familial à 14 heures pour moi et 20 heures pour eux (Étudiante, 28 ans).

Les avantages de WhatsApp renvoient à la diversité des fonctionnalités disponibles, aux procédures de sécurisation et de protection de la vie privée et de l’accès aux données, mais ses désavantages portent sur la grande consommation des données mobiles, sa vitesse et le décalage dans la réception des images vidéo :

Le gros avantage de WhatsApp, c’est que je l’utilise directement sur mon cellulaire. Ça fait que je peux recevoir un texto de ma mère, je sais qu’elle est disponible donc je vais l’appeler tout de suite et je vais la voir tout de suite en visio, c’est vraiment de la simplicité de réaction et de réactivité […] le WhatsApp c’est beaucoup plus […] libre et réactif, moins contraignant, moins prévu (Étudiante, 28 ans).

[…] chaque fois que j’appelle ma maman, c’est le décalage WhatsApp qui est catastrophique. J’ai l’impression […] parfois qu’on a une minute de décalage entre ce que je dis et le moment où elle l’entend. Fait que c’est long pour avoir une discussion. […] En France, on a des connexions Internet qui sont très mauvaises et je sais qu’il y a ça aussi […] WhatsApp, c’est problématique (Étudiant, 25 ans).

L’application Messenger, qui a les mêmes fonctions que WhatsApp sert aussi pour la communication avec la famille, mais surtout avec les ami·es. Elle est évaluée positivement pour ses possibilités de création de groupes et son instantanéité, mais le registre de ses fonctions reste limité, la qualité de l’image médiocre et la consommation des données élevée :

Messenger, c’est pratique pour les amis parce que c’est instantané et on peut créer beaucoup de groupes (Étudiant, 26 ans).

Facebook, mentionné par 14 ÉI est employé dans le cadre du travail, pour l’accès aux pages Spotted (envoi de messages anonymes), pour s’informer ou communiquer avec les ami·e·s de l’université :

Pour mes amis, c’est Facebook je dirais, c’est quasiment à 90 % ça ! (Étudiant, 26 ans).

Je trouve que c’est quand même des bons moyens de s’informer, en tout cas de suivre des causes qui nous touchent autant Facebook qu’Instagram. […] C’est vraiment plus via les réseaux sociaux […] c’est via Facebook (Étudiante, 21 ans).

[…] Je fais attention à mon usage de Facebook et m’informer plus sur mes amies, sur les connaissances, sur ce qu’elles postent pour savoir un petit peu comment elles vont, qu’est-ce qu’elles font, etc. J’ai l’impression que c’est plus un réflexe. […] Et m’informer sur les évènements, euh, culturels quand même qui peut y avoir en ligne, ça m’intéresse toujours (Étudiante, 28 ans).

Instagram (9 ÉI) sert à la communication avec les ami·e·s et les relations amoureuses et SnapChat (5 ÉI) avec les ami·e·s, mais il peut être aussi abandonné après évaluation :

[…] je suis vraiment tout le temps sur Instagram quand même […] Je pense que je suis un peu plus sur Instagram aujourd’hui qu’avant. C’est plus l’effet confinement qui a fait que je sois souvent sur Instagram (Étudiante, 24 ans).

Pendant le confinement, j’ai installé Snapchat. [..] mais finalement, je l’ai enlevé assez rapidement. Ça m’intéressait pas (Étudiant, 20 ans).

FaceTime a un usage plus limité puisque cette application ne se retrouve que sur les iPhones. Il sert aux contacts avec la famille :

C’est quand même très régulier mon utilisation. J’ai ma famille à distance ! Mes parents ont un iPhone donc on s’appelle par FaceTime deux, trois fois par semaine. Mon frère, je l’appelle une fois par semaine […] j’ai quand même une utilisation […] de FaceTime importante (Étudiante, 24 ans).

D’autres applications ne sont rapportées respectivement que par une minorité d’ÉI, essentiellement à des fins de communications personnelles ou professionnelles (par exemple, Twitter, Discord, TikTok, Jitsi, Flicker, LinkedIn, Pinterest, etc.). Discord est apprécié pour la qualité des visioconférences, sa gratuité et la possibilité de créer des salons textuels ou en visioconférence (salon vocal) tandis que Jitsi présente l’avantage de ne pas imposer de limite de temps, mais, par contre, a le défaut d’une piètre qualité des images.

4.2.2 Recherches d’informations

Le suivi des informations est une préoccupation importante, compte tenu des préoccupations entourant l’évolution de la pandémie tant localement que dans le pays d’origine (nombre de cas, mesures de protection, vaccins, informations sur les voyages, évènements scientifiques), et il s’effectue suite à l’utilisation de mots-clés, sur des sites gouvernementaux ou d’autres instances :

Tout ce qui est lié au Coronavirus, je vais voir, notamment le Canada.ca, les sites gouvernementaux, les foires aux questions du consulat de France au Québec (Étudiant, 25 ans).

Des sites du gouvernement du Québec surtout pour savoir comme les statistiques, le nombre de cas par exemple, euh, pour prévoir l’évolution et surtout aussi savoir sur quel palier on est (Étudiante, 20 ans).

Pour 15 ÉI, ce suivi s’effectue sur des applications particulières comme Instagram, YouTube et Twitter, mais surtout sur des sites médiatiques écrits (québécois, canadiens, nationaux, régionaux) ou télévisuels (Radio-Canada, Radio-Canada International, TVA, RDI et Tou.tv), de même que sur des sites de leur pays d’origine :

[Sur YouTube, j’ai] les informations relatives à mon pays […] et puis localement j’ai Radio-Canada, Tou.tv je crois là ! C’est ça ! Voilà ! Puis aussi pas mal de médias français (Étudiant, 37 ans).

Je pense que j’ai, par exemple, ici, activé les notifications de TVA Nouvelles [qui] diffusent tout le temps et à travers le monde. Donc, il y a beaucoup de pages là d’informations que je suis. […] Les médias que j’utilise tout le temps [sont] RFI, la radio française internationale pour voir un peu ce qui se passe au-delà d’ici là ! J’utilise YouTube, oui ! […] Et, pour information, j’écoute la Radio-Canada et la France (Étudiant, 30 ans).

Les portails d’informations sur les directives concernant les voyages des gouvernements canadien et québécois, ainsi que celles des universités d’attache pour le suivi des informations sur les cours sont aussi mentionnées :

Je suis allée, mais pas forcément fréquemment. C’était vraiment juste pour préparer le voyage, retour, voir, euh, savoir quelles sont les conditions pour voyager, etc. (Étudiante, 20 ans).

4.2.3 Participation à des activités par visioconférences

Les plateformes de visioconférence ont pris une importance centrale avec le confinement pour assurer les activités en distanciel et l’usage de Zoom, presque inconnu avant la pandémie, s’est rapidement généralisé pour le suivi des cours en ligne et le télétravail, et à un moindre degré pour la communication avec les ami·e·s et la famille :

Je ne connaissais pas Zoom avant le confinement, avant la pandémie (Étudiante, 24 ans).

Les Skype, avant, c’était vraiment avec mes parents une fois par semaine pis là, on a changé par Zoom pis on fait une fois par semaine avec mes parents et parfois avec d’autres membres de la famille aussi (Étudiant, 37 ans).

Les activités sociales comme le bénévolat, la prière, les services religieux, ou plus personnelles (yoga, thérapie) ont pu être poursuivies à l’aide de cette plateforme pendant le confinement :

Zoom, très fréquemment. […] Pendant le confinement, on a utilisé avec justement le groupe de bénévolat (Étudiante, 20 ans).

Zoom, au départ, je ne le connaissais même pas qui a vraiment pris toute la place que ce soit même dans mon Église, on fait Zoom (Étudiant, 24 ans).

Zoom pour le yoga aussi maintenant, ça passe (Étudiante, 27 ans).

Au plan technique les ÉI ont insisté sur sa simplicité d’utilisation, ses fonctions multiples, les facilités d’interaction en groupe et la qualité de la connexion et de l’image :

J’ai l’impression qu’il y a plus d’avantages que d’inconvénients. […] Les avantages, si on fait ça de façon privée, on peut quand même choisir qui on rencontre. Avec le partage d’écran, l’enregistrement. […] Il y a plein de fonctions intéressantes. (Étudiante, 21 ans).

Des inconvénients sont cependant relevés et ils portent sur la nécessité d’avoir un bon ordinateur et un accès à Internet de qualité pour éviter les problèmes de latence dans la réception de l’image, le gel de l’écran et un audio de mauvaise qualité. Le prix élevé pour accéder à la version Pro est aussi déploré et les possibilités d’intrusion intempestive sont mentionnées et mises en lien avec les problèmes de confidentialité. Les limites de la communication virtuelle sont aussi notées, mais considérées quelquefois comme peu graves :

Avec Zoom, c’est quand même assez simple. Par contre, ce qui est embêtant c’est que, quand on a l’ordinateur un peu trop vieux, on ne pouvait pas forcément l’utiliser. J’ai eu ce problème-là, c’est que j’ai dû m’acheter un nouvel ordinateur juste pour Zoom et donc ça, c’était un peu embêtant ! (Étudiante, 21 ans).

L’inconvénient, c’est qu’il n’y a pas assez de magie. […] Dans les rencontres, on a des énergies cosmiques qui entrent en contact, mais c’est à travers le contact physique que ça se passe. […] On a l’impression que c’est plus sérieux quand on a le contact en face à face (Étudiant, 37 ans).

Je trouve ça très bien. Quand il y a des problèmes d’Internet, c’est sûr que c’est moins grave étant donné que personnellement j’utilise plus [Zoom] au niveau personnel pour voir les amis et la famille. Si ça bogue un peu, c’est pas un problème quoi ! (Étudiante, 20 ans).

La plateforme Teams, qui rejoint plusieurs des fonctions de Zoom, est utilisée pour les cours, mais elle est très rarement rapportée pour la communication avec les ami·e·s et elle sert dans certains cas, au partage d’activités de divertissement comme le visionnement de films :

J’ai aussi utilisé Microsoft Teams quelques fois pour écouter des films avec mes sœurs qui sont en France, pour partager un film ensemble (Étudiante, 29 ans).

Cette plateforme est évaluée positivement pour sa bonne conception et ses multiples fonctionnalités, mais des désavantages sont aussi relevés (complexité de l’usage, affichage des participant·e·s peu convivial, consommation élevée des données et exigence d’une bonne connexion).

Le logiciel Skype reste une option utilisée par une minorité (8 ÉI), pour la communication avec la famille et les ami·e·s et à des fins diverses (entretiens, discussions auprès de consultant·e·s en immigration, cours de musique en ligne), mais il est considéré comme dépassé face aux nouvelles plateformes disponibles :

J’utilise la plateforme Skype pour appeler mes amis […] pour des gens que je connais bien […] (Étudiant, 28 ans).

[…] Skype, je l’utilise tellement parce que c’est l’application que j’utilisais quand j’ai vécu en ***, il y a de cela huit ans, fait que j’ai toujours installé par réflexe Skype sur mon ordinateur (Étudiante, 28 ans).

Ses avantages sont le maintien des contacts et ses facilités d’utilisation, mais comme pour d’autres plateformes, ses limites renvoient à la perte de la qualité de la relation en face à face :

L’avantage c’est que pour une période déjà, ça permet de rester en contact avec une personne et puis appeler quelqu’un qui est carrément au bout du monde ça rapproche. Il est facile d’utilisation, mais tu n’as pas toujours cette chaleur qui se dégage dans les relations (Étudiant, 36 ans).

4.2.4 Divertissement

Pour meubler le temps disponible en confinement, une majorité d’ÉI rapporte le recours à des sources de divertissement disponibles sur leur téléphone, leur ordinateur ou la télévision. Le visionnement de films, téléséries et documentaires, en flux continu ou non, est privilégié, avec Netflix comme plateforme la plus répandue (14 ÉI) :

J’utilise Netflix pour des films […], des documentaires (Étudiant, 26 ans).

[…] De tout, documentaires, films d’action ça dépend de notre humeur pour écouter ça (Étudiante, 36 ans).

D’autres fournisseurs de films en continu ou non ont été choisis par une petite minorité (Twitch, Amazon, Disney) qui a aussi recours à YouTube pour regarder des chaînes de vulgarisation portant sur des thématiques diverses (astronomie, aviation).

Pour meubler le temps, 14 ÉI rapportent recourir à des jeux vidéo sur console (Call of Duty, League of Legends, FIFA) ou en ligne (Warhammer, Rocket League) et une minorité à des jeux de société sur des applications (Scrabble, Pokémon Go, Plato, etc.), avec la participation d’ami·e·s :

[…] Call of Duty […] il y avait Plato aussi, c’est une application pour jouer à des jeux de société avec des amis et Loups-Garous en ligne (Étudiante, 27 ans).

Il y en a surtout un que je joue beaucoup avec mes amis qui s’appelle Rocket League, c’est gratuit vu que j’ai pas vraiment d’argent à mettre pour les jeux vidéo donc c’est pas mal Rocket League avec mes amis français. J’ai la chance de pouvoir jouer ensemble et puis c’est un bon moyen de se jaser pendant qu’on joue (Étudiant, 28 ans).

Les applications incluses sur les portables ou les tablettes servent à des activités de loisirs pour quelques ÉI (lecture, visionnement, peinture numérique) auxquelles s’ajoute l’écoute de balados ou de Spotify, un service de streaming musical.

4.2.5 Achats en ligne

Les achats en ligne constituent une autre utilisation des TIC pour contourner les contraintes du confinement en ce qui concerne l’accès à des produits de consommation essentiels ou plus secondaires. Les ÉI ont recours aux achats en ligne, soit de façon très limitée, en maintenant un même niveau qu’avant le confinement ou en les augmentant depuis. Même si les répondant·e·s font état d’une préférence pour les produits locaux, elles et ils ont privilégié le recours aux sites des chaines commerciales américaines, surtout Amazon (17 ÉI), Facebook Marketplace, chinoises (Ali Express) et à des magasins de vêtements en ligne (H&M, Shein, Zara) ou pour la livraison de repas :

Pendant le confinement […] je voulais peu charger le système postier, postal. […] Je me suis même refusé de le faire à certains moments parce que je me suis dit que j’en avais pas besoin (Étudiant, 26 ans).

J’en ai beaucoup fait [des achats en ligne] pendant le confinement. Ça aussi c’est un truc qui a changé et j’ai découvert Amazon Prime, c’est assez sympa ! […] J’ai surtout fait Amazon parce que c’était là où on trouve les trucs les moins chers évidemment (Étudiante, 21 ans).

[…] Il faut dire que ma proportion d’achats en ligne a été boostée au fur et à mesure de la COVID. Vu qu’on peut pas forcément y aller, on est obligé d’aller dans les achats en ligne. […] Même, je pourrais dire que l’application Marketplace sur Facebook permet aussi de gérer les transactions. Outre Marketplace, il y a Amazon que j’ai utilisé (Étudiant, 36 ans).

4.3 Routines d’utilisation

Les routines quotidiennes et hebdomadaires dans les usages des TIC ont été perturbées en période de confinement, mais les ÉI ont des difficultés à préciser le temps consacré à ces usages et peuvent émettre des évaluations contradictoires. Certain·e·s ont jugé que leur temps d’utilisation de l’ordinateur n’avait pas été affecté à la hausse :

Je crois que j’ai toujours la même routine au final, j’ai pas eu de changements au niveau de l’utilisation de mon ordinateur. Évidemment je l’utilise beaucoup plus parce que c’est ce qu’on utilise pour les cours maintenant, mais même avant le confinement, l’ordinateur je l’utilisais énormément pour mes cours, donc ça n’a pas tellement changé (Étudiante, 28 ans).

D’autres répondant·e·s notent en particulier l’augmentation du temps passé aux activités impliquant les TIC :

Je pense qu’avant, j’étais beaucoup moins sur mon ordinateur, même peut-être sur mon téléphone et, vu qu’[…] on est confiné, on passe plus de temps sur Netflix ou des choses comme ça. J’ai l’impression d’être tout le temps sur mon ordinateur […] il y avait les activités loisirs qu’on ne peut pas forcément faire aujourd’hui donc, évidemment […] on passe beaucoup plus de temps sur les ordinateurs (Étudiante, 21 ans).

J’ai augmenté ma fréquence d’utilisation des technologies depuis le confinement c’est sûr. Avant, c’était pas tous les jours, j’avais pas vraiment ce besoin parce que justement, il était remplacé par des faces à faces avec mes amis d’ici. Avec le confinement […] on dirait que mon utilisation des écrans s’est vraiment amplifiée (Étudiante, 28 ans).

Le matin est un moment important pour prendre connaissance des messages/textos et des courriels reçus de leur entourage québécois et ceux du pays d’origine. Les pages web sont aussi consultées à ce moment pour prendre connaissance des actualités disponibles sur Internet en fonction des sources d’informations privilégiées :

[…] J’aime bien regarder mon téléphone pour voir si j’ai des messages, un peu ce qui s’est passé dans le monde, mais c’est sûr que j’essaie de pas être trop parce que sinon, on peut vite passer la matinée [sans s’en] rendre compte (Étudiant, 20 ans).

La soirée est une autre plage horaire privilégiée pour les échanges téléphoniques avec la famille et l’entourage amical ou qui font appel aux applications introduites plus largement dans leurs routines (WhatsApp, FaceTime et Skype). Ces modalités se maintiennent quotidiennement, mais elles augmentent pendant la fin de semaine où les plages horaires sont plus disponibles. Les activités de divertissement sont privilégiées au moment de la préparation des repas et leur consommation, en soirée, mais surtout le vendredi soir et la fin de semaine où les contraintes liées au télétravail et à la participation aux cours universitaires s’estompent pour faire place à la détente sous des formes diverses (visionnement des films ou des séries, jeux, écouter de la musique ou des podcasts) :

C’est tous les jours pis le soir, du coup, je regarde une série ou un film avant de me coucher, ce qui n’est pas très bien non plus (Étudiante, 29 ans).

Les week-ends, les vendredis, quand il fait plus noir, on regarde sur Netflix, on regarde chaque vendredi, oui, pas tout le temps, mais chaque vendredi, en tout cas, c’est une habitude pour nous, on regarde un film sur Netflix (Étudiante, 24 ans).

4.4 Répercussions sur la qualité de vie

Pour une majorité d’ÉI (21), le recours aux TIC est une dimension indispensable et incontournable dans la gestion du quotidien lié au confinement, mais cette appropriation s’est accompagnée de répercussions positives et négatives. Sur le versant positif, des ÉI notent le rôle que les TIC ont joué dans l’allégement de l’anxiété liée à l’isolement et à la distanciation qui ont réduit les interactions en face à face. De ce fait, des modalités de sociabilité et de convivialité ont pu se maintenir à travers la participation à des activités en ligne, dont nous avons déjà parlé pour rétablir un semblant de vie normale :

Ça a augmenté avec la pandémie […] avant je voyais du monde, il y avait moins l’anxiété reliée à l’isolement, donc les nouvelles technologies sont un peu venues compenser ce besoin de socialiser, d’être en relation (Étudiante, 38 ans).

Cette importance s’est manifestée en particulier dans la réaffirmation des liens familiaux en période de crise et leur rôle de support social. Les TIC ont permis d’atténuer les préoccupations et l’anxiété face à la pandémie de la COVID-19, de partager des informations sur l’état de santé et de bien-être des proches, de rassurer sur les conditions liées à la pandémie, ce qui a pu contribuer à un apaisement intérieur :

J’appelle souvent mes parents presque tous les jours, mais ça a été beaucoup plus difficile parce que j’étais loin d’eux. Tu as peur qu’il arrive quelque chose à ta famille, et tu es à 3,500 km ! J’ai une grand-mère de 92 ans […] je l’ai appelée beaucoup plus souvent. […] Donc je les ai plus contactés parce que tu es loin… Tu sais quand tu es en pandémie comme ça tu as besoin d’avoir le réconfort de ta famille (Étudiante, 32 ans).

C’est surtout parce que [les parents] avaient peu de nouvelles de ce qui se passait au Canada, alors que nous on savait très bien ce qui se passait en France, quand ça fermait et tout. Ce qui fait que c’était aussi pour les rassurer (Étudiante, 32 ans).

Les TIC ont aussi permis la continuation de la réalisation des projets personnels pour une minorité d’ÉI, mais ils ont aussi servi, de façon générale, à combler les moments creux et l’ennui qui les accompagnaient :

C’était un moyen de faire passer le temps ! Un moyen facile de faire passer le temps je dirais même ! (Étudiante, 28 ans).

Pendant le confinement […] ça pouvait servir de distraction quand même, pour pas trop s’ennuyer. Évidemment, on peut aussi ne pas s’ennuyer sans téléphone hein, il y a d’autres occupations (Étudiant, 21 ans).

À l’inverse, plusieurs répercussions négatives sur la qualité de vie ont été rapportées à la suite de l’usage des TIC. Pour une majorité d’ÉI (28), c’est d’abord le sentiment de dépendance marquée face aux dispositifs technologiques, avec le confinement, qui domine. Cette dépendance se manifeste au plan d’une quête continue d’informations sur différents sites, ce qui peut entrainer un sentiment dépressif lié à la pandémie :

Je suis plus dépendant à Internet en fait, je crois que toute la société a passé son année 2020-2021 sur Internet ! (Étudiant, 26 ans).

[Avec le confinement], j’ai l’impression d’être un peu plus accrochée à mon téléphone pour les nouvelles, pour les développements de la pandémie et des mesures et des changements. [….] J’ai certainement commencé à suivre des pages que je n’aurais jamais suivies avant juste à cause de ça (Étudiante, 30 ans).

Je peux dire que je suis dépendant à ça. […] Je scroll facilement, je check souvent pour voir s’il y a quelque chose sur les systèmes de notifications et tout. Je suis pas mal attiré par ça pour rien parce que je sais très bien que derrière, il y a rien, mais je le fais pareil par inconscience. Oui, il y a ça et c’est quand même un peu une addiction (Étudiant, 26 ans).

[…] Mais je me dis que le fait de toujours être en train de regarder ou checker en fait le nombre de personnes malades, c’est un peu déprimant. Parfois, tu regardes ça et que tu te dis il est là le COVID (Étudiant, 36 ans).

La surabondance d’informations, le départage entre les vraies et fausses nouvelles et la question de la confiance à accorder aux chaînes et aux sites d’informations font aussi l’objet de réflexions :

On peut très vite être submergé par de l’information. C’est pas toujours facile de démêler le vrai du faux, de démêler la fiabilité des informations là-dans donc je pense qu’une des difficultés, c’est ça, c’est de trouver des sources d’infos qui sont fiables […] Je sais que j’aurais eu tendance, à accorder ma confiance à certaines chaînes YouTube plus qu’à […] un média qui va être possédé par un milliardaire et qui a des ambitions derrières (Étudiant, 26 ans).

Pour une minorité, la consommation poussée des TIC a eu des répercussions physiques liées au temps d’exposition à l’écran, d’où l’apparition de maux de tête, de formes d’énervement, d’où le recours à des technologies pour atténuer la fatigue visuelle :

On est tout le temps sur l’ordinateur. Ça fatigue. Au bout d’un moment, on a mal à la tête à force de rester autant devant l’ordinateur […] J’ai des lunettes lumière bleue pour pas avoir mal à la tête parce que c’est trop. Être tout le temps devant notre ordinateur, je ne peux pas. Il y a des gens qui peuvent faire ça, moi ça m’énerve. Au bout d’un moment, c’est trop (Étudiante, 21 ans).

Face à cette dépendance et à ses effets, une minorité d’ÉI (8) a décidé de réduire le recours aux portables, aux ordinateurs et aux réseaux sociaux pendant le confinement, insistant sur les limites de l’usage des TIC dans les relations interpersonnelles :

Je peux vraiment faire des burnouts rapides. En fait, je déteste ça [les TIC]. Je le fais parce que c’est important de garder un lien avec certaines personnes, parce qu’il y a pas de choix que de le faire avec les réseaux sociaux, mais c’est vraiment pas quelque chose qui me rend [enthousiaste]. Parfois, j’ai même des bouffées de chaleur à être trop sur les écrans. J’avais comme un rejet, en même temps, c’était comme je ne veux plus de tout ça, je prends pas mon téléphone. […] L’avantage et l’inconvénient, c’est le même j’ai l’impression. C’est l’instantanéité et la facilité d’accès de justement des informations, des liens entre les humains et l’inconvénient, c’est […] d’une facilité telle qu’on peut s’oublier là-dedans, vivre un peu par procuration et par écran toutes nos relations sociales, mais c’est pas suffisant. Il faut un contact. (Étudiante, 21 ans).

5. Conclusions

À l’instar des autres recherches internationales sur les étudiant·e·s, cette étude sur les ÉI, résidant au Québec pendant le confinement lié à la COVID-19, indique l’importance des TIC dans les modes de gestion du quotidien en permettant de maintenir, malgré le hiatus prolongé avec le milieu d’origine et la société d’accueil, des relations significatives avec l’entourage. Le rapport aux TIC chez les ÉI confirme les hypothèses de Proulx (2005) voulant qu’il existe une forme d’entrelacement dans l’usage de deux appareils principaux, le téléphone intelligent et l’ordinateur portable, soit dans la simultanéité soit dans la séquentialité, une configuration qui s’est amplifiée avec le confinement. Les consoles de jeux vidéo constituent un troisième pilier de l’environnement technologique auquel s’ajoute, pour près d’un tiers des répondant·e·s, la télévision, dont l’usage joue encore un rôle important chez les jeunes dans le contexte québécois (Millerand et al., 2018).

Aux outils déjà disponibles avant l’isolement se sont ajoutées des plateformes de visioconférence comme Zoom qui ont joué un rôle important dans le maintien des activités sociales. Les TIC ont servi à plusieurs fonctions (communication avec l’entourage familial et amical, quête d’informations en particulier sur la COVID-19, participation à des activités en visioconférence, divertissement, achats en ligne) et ce sur des supports logiciels variés dont les avantages et les inconvénients sont identifiés.

Quant aux répercussions des usages sur la qualité de vie des ÉI, elles présentent un double effet. D’une part, ces pratiques ont contribué à améliorer la qualité de vie en période de confinement, en atténuant les effets de la distanciation et d’isolement par l’accès à un support social et à des ressources diverses. D’autre part, les TIC concourent, avec l’augmentation du temps passé en ligne, à une dépendance rapportée par près de la moitié des ÉI, et à des niveaux de stress et d’anxiété relevés par plusieurs. L’usage intensif des TIC contribue aussi à une fatigue physique et à une saturation psychologique qui peut entrainer leur rejet pour une minorité, un effet rapporté dans d’autres études en cyberpsychologie en période de confinement (Liu et al., 2021). Des analyses plus fines pourraient être menées en tenant compte plus précisément des catégories d’ÉI (origine nationale et genre), ce qui permettrait de mettre en place des interventions susceptibles d’améliorer les pratiques et réduire leurs effets négatifs sur la qualité de vie. Ces analyses pourraient être complétées par celles qui portent sur les usages académiques, ce qui permettrait d’avoir une vision plus globale des TIC et de leur impact en période de confinement.