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Les 26 et 27 novembre 2021 avait lieu le colloque Femmes musiciennes du monde, organisé en partenariat par l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (oicrm) et le Centre des musiciens du monde (cmm). Ce colloque, dont l’idée a été lancée par le directeur général du cmm, Frédéric Léotar, et dont j’ai, Caroline Marcoux-Gendron, assuré la direction scientifique[1], visait à explorer les parcours professionnels de musiciennes migrantes, soit des femmes ayant habité, étudié la musique ou travaillé comme artistes dans différents pays. Cet évènement invitait ainsi à réfléchir à une thématique encore peu étudiée, au Québec comme ailleurs, malgré sa pertinence tant scientifique que sociale.

D’une part, les discussions tenues lors de ce colloque s’inscrivaient en complément de divers corpus de recherche, en regroupant les quatre dimensions rarement considérées simultanément que sont la musique, le genre, la migration et la professionnalisation. Par exemple, les réflexions ont rejoint des préoccupations de l’ethnomusicologie et de l’anthropologie de la musique, où le genre est devenu un facteur important dans l’étude de la vie musicale dans différentes sociétés du monde depuis les dernières décennies du xxe siècle (Magrini 2003, p. 1). Les propos exprimés par les conférencières et panélistes ont aussi fait écho aux travaux de la musicologie, où la question des femmes dans le milieu musical a lentement émergé au xxe siècle, d’abord avec des travaux sur l’histoire des musiciennes, puis sur la création musicale au féminin publiés dans le monde anglo-américain et en France avant que n’émergent des travaux sur les conditions sociomusicales des femmes en musique, croisant alors sociologie du travail artistique et sociologie du genre vers la fin des années 1990 et le début des années 2000 (Prévost-Thomas et Ravet 2007). Enfin, la thématique spécifique des musiciennes et musiciens migrants est traitée dans plusieurs écrits en ethnomusicologie, anthropologie, musicologie, ou même en histoire (Burns 2009 ; Laborde et Charles-Dominique 2019 ; Le Menestrel 2012 ; Pouchelon 2012 ; Sechehaye et Weisser 2015 ; Traversier 2015), sans que la dimension genrée fasse toutefois l’objet d’une attention particulière comme c’était le cas lors du colloque.

D’autre part, de récents travaux et débats au Québec ont révélé combien les réalités professionnelles des femmes dans le milieu musical sont encore peu connues. Plusieurs initiatives abordent cette question de front, incluant le projet « Différences et inégalités de genre dans la musique au Québec » (dig!) dirigé par la musicologue spécialisée en études féministes Vanessa Blais-Tremblay (Université du Québec à Montréal – uqam), l’étude sur les femmes dans l’industrie musicale canadienne francophone menée par la professeure en management Joëlle Bissonnette (esg-uqam) en collaboration avec la fondation Musicaction (Bissonnette 2022), ou encore le projet « Harcèlement sexuel en culture et en communication » des professeures Rachel Chagnon en sciences juridiques (uqam) et Myriam Dubé en travail social (uqam), incluant un partenariat avec la Fédération nationale des communications et de la culture (fncc-csn), la Confédération des syndicats nationaux (csn) et le Service aux collectivités de l’uqam. Parallèlement, l’industrie culturelle québécoise s’est dotée, dans la foulée du mouvement #moiaussi, de l’organisme l’Aparté qui offre gratuitement des ressources juridiques et de l’accompagnement pour les victimes de harcèlement et de violences en milieu culturel. Enfin, des organisations comme Lotus Collective mtl Coop, le regroupement f*em – Espace public, shesaid.so mtl ou encore mtl Women in Music se dédient aux questions de représentation des femmes, des personnes trans, queer et pandc (Personnes Autochtones, Noires et De Couleur). Si le mouvement #moiaussi au Québec en 2017 a surtout mis au premier plan des femmes blanches francophones, on observe une complexification des catégories d’oppression prises en compte par ces organismes, qui revendiquent maintenant une approche intersectionnelle. En somme, la réflexion proposée lors du colloque s’inscrivait dans une mouvance plus large relative aux questions d’inclusion et d’équité dans le milieu de la musique au Québec, en mettant l’accent sur des profils bien précis de musiciennes professionnelles migrantes.

Dans un souci d’entendre différents points de vue, l’évènement a fait place à des femmes issues aussi bien des milieux académique que musical : des chercheuses en sociologie, anthropologie, musicologie et ethnomusicologie ont partagé leurs travaux, tandis que des instrumentistes et chanteuses ont témoigné de leurs parcours de carrière en migration. Par la combinaison de ces savoirs scientifique et expérientiel, il s’est dégagé une série de défis et de difficultés qui se posent pour ces femmes cherchant à s’affirmer dans le milieu de la musique, et qui se déclinent en fonction des parcours professionnels et migratoires. Les discussions ont aussi mis de l’avant des stratégies que ces artistes déploient afin de cheminer professionnellement.

Par la présente note de terrain, je propose une synthèse des échanges qui ont eu lieu lors du colloque, en revenant d’abord sur les principales réflexions présentées par les conférencières et qui font écho à la littérature ayant alimenté la constitution du programme de cet évènement. Ces réflexions sont regroupées ici autour de quatre thématiques : l’invisibilité du travail des musiciennes, les différenciations et discriminations genrées dans un milieu majoritairement masculin, les enjeux entourant le corps féminin de même que ceux relatifs à la mobilité physique. Puis, au-delà des dynamiques récurrentes qui se sont affirmées, il sera aussi question des spécificités d’expériences, de profils et de stratégies des musiciennes qui se dégagent en fonction des parcours migratoires. Enfin, il s’agira de voir les échos et prolongements que ces perspectives ont trouvés dans une table ronde intitulée « Paroles de musiciennes » et mettant de l’avant trois artistes professionnelles nées en Iran, en Turquie et au Mali, respectivement formées en musique persane, musiques classiques occidentale et turque et à l’art des griottes et griots[2]. Au-delà des constats auxquels ce colloque a donné lieu, je reviendrai sur les limites de ces discussions ainsi que sur les nombreux efforts, de recherche et d’action, qu’il reste à déployer autour de la réalité de telles artistes.

Femmes en musique : des récurrences à travers le temps et l’espace

Au fil des communications, ce colloque a permis d’en apprendre davantage sur des contextes géographiques, historiques et musicaux variés, au sein desquels était chaque fois interrogée la réalité de femmes artistes professionnelles. De la scène jazz montréalaise de l’entre-deux-guerres jusqu’à celle de la musique gnawa à Bruxelles de nos jours, en passant par le milieu de la musique classique au Brésil au xxe siècle pour revenir à Montréal dans les réseaux des « musiques du monde » aujourd’hui, des enjeux récurrents se sont affirmés pour les femmes cherchant à se tailler une place dans le milieu musical.

Invisibilité

Aborder la question des femmes en musique implique de se pencher sur des profils de carrière souvent invisibilisés par l’histoire, quelles que soient la région du monde et la tradition musicale concernées[3]. Deux conférencières en ont d’ailleurs fourni des exemples révélateurs, tirés du siècle passé et appartenant à des cadres géoculturels bien différents. Avec la contribution de Vanessa Blais-Tremblay qui a étudié les parcours de carrière de danseuses de variétés Noires actives dans le Montréal de l’entre-deux-guerres, il est apparu évident que ces femmes ont eu un rôle central à jouer dans le développement de l’ère du Swing au Québec. En effet, leurs circulations entre les États-Unis, le Canada, les Antilles et différents pays d’Asie ont permis la transmission de nouveaux savoirs musicaux, grâce aux compositions inédites qu’elles apprenaient dans des cabarets à travers le monde et rapportaient, à une époque où les enregistrements commerciaux et les partitions étaient encore limités. Plus encore, ces danseuses ont influencé la structure de nombreuses pièces musicales, les musiciens ayant adapté leur jeu aux besoins chorégraphiques. En d’autres mots, ces femmes ont assumé une direction artistique et musicale qui a été largement ignorée dans la littérature musicologique avant que Vanessa Blais-Tremblay n’y consacre sa thèse (2018) de laquelle est tirée une monographie à paraître sous peu aux Presses de l’Université du Nebraska. C’est grâce aux récits de ces artistes, captés en 1993-1994 par la cinéaste Meilan Lam de l’Office National du Film, qu’il a été possible de mettre au jour le rôle pivot qu’elles ont joué dans l’histoire du jazz.

Du côté de Dalila Vasconcellos de Carvalho (Université de Montréal), qui a offert une conférence retraçant son propre parcours migratoire comme chercheuse en musique, il a plutôt été question de l’invisibilité de deux figures féminines de la musique classique au Brésil au xxe siècle, soit Helza Camêu (1903-1995) et Joanídia Sodré (1903-1975), qu’elle a étudiées dans le cadre de son mémoire de maîtrise (Carvalho 2012, 2013). À leur tour, ces femmes auraient bien des raisons de voir leurs accomplissements soulignés par l’histoire, Camêu ayant été pianiste, récipiendaire de deux prix en composition et musicologue pionnière en matière de musique autochtone, tandis que Sodré était pianiste, lauréate d’un prix en composition, professeure de solfège, cheffe d’orchestre et première femme à diriger l’École de musique de l’Université fédérale de Rio. Pourtant, peu de traces de leur travail perdurent, leurs compositions n’étant pas parues sous forme de partitions, leurs oeuvres n’ayant pas été enregistrées et leurs vies ne faisant l’objet d’aucune biographie. Ainsi a-t-il fallu un imposant travail d’archives pour rendre visible l’oeuvre de chacune de ces artistes.

À ce phénomène d’invisibilité historique s’ajoute celui du « travail invisible » qu’assument souvent les femmes en musique. Il en va notamment des responsabilités de gestion et d’organisation de groupes musicaux que certaines chanteuses et musiciennes affirment assumer plus souvent que leurs homologues masculins, comme le soulignait Dalila Carvalho dans la portion de sa communication relative à son actuel travail de doctorat au sein du milieu des « musiques du monde » à Montréal. Or, ce sont là des tâches chronophages qui tiennent ces femmes éloignées de la pratique musicale comme telle, laquelle est davantage source de reconnaissance par les pairs et le public. De son côté, la conférencière Hélène Sechehaye (Conservatoire royal de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles et International Council for Traditional Music Belgium), ethnomusicologue dont la thèse porte sur les pratiques musicales des Gnawa (Maroc) à Bruxelles (Sechehaye 2020), expliquait que bien que les femmes soient souvent considérées comme absentes de l’univers musical gnawa – car très peu impliquées dans le jeu et le chant de ce répertoire –, elles y tiennent pourtant des rôles importants. En effet, la musique gnawa étant le propre de communautés confrériques, elle est au coeur d’un rituel nocturne appelé lila (c’est-à-dire « nuit ») pendant lequel elle se combine à d’autres stimuli sensoriels (encens, nourriture, etc.) pour convoquer des esprits, ces derniers pouvant prendre possession des corps des participantes et participants par la transe. Dans ce contexte, la personne qui gère le rituel est traditionnellement une femme ; celle-ci assume ainsi une série de tâches qui, bien qu’essentielles au bon déroulement de la cérémonie, sont beaucoup moins visibles que le travail des musiciens.

L’invisibilisation des femmes dans l’histoire de bien des traditions musicales relève de plusieurs facteurs : en jazz, Marie Buscatto parle d’une double différenciation genrée, avec d’une part une segmentation instrumentale et stylistique et d’autre part une hiérarchisation des pratiques (Buscatto 2003). Ces conditions défavorables à la reconnaissance du talent féminin expliquent que les femmes soient encore et toujours cantonnées à des figures d’exception et de « premières », effet discursif qui tend à maintenir leur présence et participation quotidienne dans l’ombre (Launay 2008).

Évoluer dans un milieu d’hommes

Un autre enjeu qui a été souligné par toutes les intervenantes du colloque est la prédominance des hommes dans les réseaux de la musique, une présence majoritaire dont il importe d’interroger les causes, mais aussi les conséquences sur le travail des musiciennes.

D’abord, les dynamiques de scolarisation puis de professionnalisation en musique sont marquées de différenciations genrées à travers l’histoire (Ravet 2003), ce dont a parlé Dalila Carvalho à travers les exemples des carrières de Camêu et Sodré, rappelant d’entrée de jeu que les cours de musique étaient différents pour les femmes et les hommes dans les institutions musicales brésiliennes de la fin du xixe et du début du xxe siècles. Les écarts d’habiletés et de connaissances musicales qui ont pu en résulter entre musiciennes et musiciens ne sont ainsi pas une question de talent, mais bien d’opportunités et de structures en place. Au-delà de l’éducation musicale institutionnalisée, Hélène Sechehaye a signalé à juste titre que les apprentissages informels peuvent être tout aussi centraux dans le développement et l’avancement d’une carrière, ce à quoi les rares femmes musiciennes gnawa n’ont toutefois que difficilement accès, étant exclues des rassemblements entre hommes dans les cafés et maisons privées où sont discutées les performances passées et à venir, et où se négocie le répertoire et s’échange l’argent du travail.

Puis, évoluer dans un milieu majoritairement masculin place les femmes au coeur de différentes situations de vulnérabilité, une thématique de recherche qui prend de l’ampleur ces dernières années, non sans lien avec le mouvement #moiaussi qui a secoué l’industrie musicale mondiale par des vagues de dénonciations relatives à différentes formes de harcèlement, de violence et d’abus de pouvoir (Baker, Williams et Rodrigues 2020 ; Cooper, Coles et Hanna-Osborne 2017 ; Hill Strategies 2021). Les travaux et réflexions des conférencières autour des carrières de musiciennes en migration n’ont d’ailleurs pas manqué de faire état de tels phénomènes. Hélène Sechehaye a pour sa part parlé des dynamiques de drague et des propositions déplacées que subissent les femmes dans le milieu musical gnawa, par exemple en se faisant proposer de partager leur chambre d’hôtel avec des collègues masculins en tournée. Des dynamiques de prédation ont aussi été soulignées par Vanessa Blais-Tremblay, qui expliquait que les danseuses de variétés racisées et migrantes dans les cabarets de l’entre-deux-guerres à Montréal devaient régulièrement gérer les avances de clients, mais aussi déployer toutes sortes de stratégies pour faire valoir la dimension artistique de leur danse, hors des logiques du travail du sexe.

À cette forme de discrimination de genre qu’est le harcèlement sexuel s’ajoutent des préjugés et jugements vis-à-vis des femmes en musique. Pour le milieu gnawa, Hélène Sechehaye a évoqué les nombreuses exigences et normes entourant les femmes marocaines musulmanes, vis-à-vis desquelles les musiciennes s’émancipent par leurs comportements, leurs manières de se vêtir, de parler ou encore de se maquiller en public. Ces attitudes et gestes ne sont alors pas seulement condamnés par des hommes, mais aussi par des femmes, à commencer par les épouses des musiciens avec qui les relations peuvent être très tendues. Dalila Carvalho rapportait pour sa part des témoignages d’artistes de « musiques du monde » à Montréal, parmi lesquelles une musicienne ayant des enfants faisait état des jugements qu’elle ressent face à ses déplacements en tournée et sa conciliation travail-famille. En cela, la maternité est un sujet important, qui recouvre bien des défis et dilemmes pour les femmes décidant de gagner leur vie en musique[4]. Qu’il s’agisse d’allier vie de famille et horaires atypiques du travail musical, ou alors de renoncer consciemment à avoir des enfants pour se consacrer à sa carrière (Buscatto 2008), les musiciennes dérogent au rôle traditionnel de mère au foyer, s’attirant toutes sortes de réactions et commentaires plus ou moins favorables.

Le corps féminin

Parler de maternité ouvre la voie aux thèmes plus larges du corps et de la sexualité, autres sources de préoccupations pour les musiciennes. Mettre en scène la féminité de manière appropriée tout en minimisant la dimension de la sexualité est effectivement un défi pour les femmes, par exemple lorsqu’il s’agit de style vestimentaire ou de manière de se mouvoir sur scène (Courchesne 2014). À propos de la carrière de Joanídia Sodré, Dalila Carvalho racontait comment ses mouvements de cheffe d’orchestre étaient au centre de l’attention des critiques de l’époque, et semblaient d’ailleurs faire l’objet d’un contrôle absolu de la part de Sodré. Le milieu de la musique classique comporte en ce sens toutes sortes de pressions pour les musiciennes, en témoigne notamment une étude menée à Londres et à Berlin auprès de 64 jeunes artistes formées à ce répertoire – autant des instrumentistes, des chanteuses, des cheffes d’orchestre, des directrices d’opéra que des compositrices – qui a montré combien les femmes sont tenues d’être gentilles, féminines et modestes dans leur personnalité et leur apparence, tout en cherchant à se forger une solide réputation exempte de rumeurs relatives à des faveurs à caractère sexuel pour arriver au sommet (Scharff 2015).

Dans l’univers des cabarets du Montréal de l’entre-deux-guerres, Vanessa Blais-Tremblay expliquait plutôt les nombreuses façons dont les corps des danseuses étaient érotisés et racisés, tantôt par des processus exogènes, mais aussi par des stratégies endogènes où les femmes investissaient sciemment des stéréotypes qu’elles considéraient pourtant sexistes et racistes : choix de costumes (avec des plumes, des plantes et paniers de fruits sur la tête ou encore des voiles) et de noms de scène exotiques (comme princesse Elveena pour Mary Brown, ou Brazilian Bombshell pour Bernice Jordan), présentation de numéros dits « hawaïens », « africains », « antillais », etc. Aussi paradoxale cette approche puisse-t-elle sembler, il s’agissait pour ces femmes de saisir l’occasion de travailler dans l’industrie du divertissement, une source de mobilité sociale et d’échappatoire momentanée à une vie autrement marquée par la violence et les discriminations raciales et sexistes.

Ces phénomènes d’érotisation du corps féminin restent tout à fait d’actualité, Dalila Carvalho ayant aussi partagé, cette fois en référence à son enquête de doctorat en cours, les préoccupations et craintes de musiciennes vis-à-vis du fait qu’on les reconnaisse parfois davantage pour leurs attributs physiques que pour leur talent musical. Dans la communication d’Hélène Sechehaye, une distinction très révélatrice a été discutée entre le corps féminin qui danse et ce même corps en transe, qui ne sont pas du tout perçus de la même manière dans l’univers gnawa. En effet, alors que la danse relève du divertissement, les mouvements corporels n’y sont pas connotés de la même façon que lorsque le corps est en transe et se meut non pas selon la volonté de la personne, mais selon celle de l’esprit qui la possède. Ainsi, autant condamne-t-on les femmes qui dansent, autant accepte-t-on de leur part des mouvements de transe qui peuvent pourtant s’avérer très suggestifs.

Assurément, la nécessité de construire et de mettre en oeuvre une identité professionnelle particulière, conforme aux stéréotypes de genre et aux mythes qui y sont attachés, explique pourquoi les femmes en musique sont soucieuses et conscientes de leur apparence physique et de leur présentation de soi. Dans la littérature sur le travail créatif, les attributs physiques ont d’ailleurs été définis comme une forme de travail esthétique (Dean 2005 ; Entwistle et Wissinger 2006 ; Hracs et Leslie 2014). Plus récemment, le concept de travail incarné (embodied labor) dans la musique élargit le spectre de ce travail esthétique afin de l’étendre également aux pratiques de présentation corporelle de soi liées au genre, à l’âge, à la classe, à la race et à l’ethnicité en musique (Pettinger 2004, 2015). La manière dont ce travail incarné est effectué par les artistes en situation de migration est une avenue de recherche qui reste toutefois à développer.

Le prix de la mobilité

Enfin, la notion de mobilité recouvre plusieurs acceptions et enjeux dans les carrières de femmes artistes telles que celles qui étaient au coeur du colloque. Avant que cette mobilité soit transnationale, le simple fait de se déplacer hors de la maison peut être sujet à une certaine stigmatisation. C’est là le lot des femmes qui font de la musique gnawa et, de ce fait, circulent dans la ville pour pratiquer leur art, s’éloignant ainsi de l’image de la femme marocaine associée à l’espace domestique où elle peut assurer son rôle traditionnel de mère et d’épouse (Ciucci 2005). Du côté des artistes de variétés dont discutait Vanessa Blais-Tremblay, travailler hors du foyer était un facteur d’altérisation, car marquant un contraste entre ces femmes racisées, ethnicisées et immigrantes vis-à-vis des femmes canadiennes-françaises de la même époque, typiquement mères à la maison.

Quant à la migration à l’échelle internationale, elle invite à interroger les différentes mobilités – statutaire, sociale, économique – qui accompagnent souvent la mobilité géographique, comme Lysandre Champagne et moi l’expliquions lors de la conférence d’ouverture du colloque, une intervention plus théorique qui visait à poser des jalons pour les discussions à venir[5]. Par exemple, une musicienne qui quitte un pays où elle avait une carrière déjà bien établie peut vivre une mobilité statutaire descendante en arrivant dans un nouveau contexte où elle n’est pas connue et joue parfois d’un instrument et d’un répertoire musical peu courants. Il lui faudra alors plusieurs années pour espérer retrouver le statut qu’elle avait dans son pays d’origine, des années pendant lesquelles elle travaillera sans doute moins et, de ce fait, risque d’avoir un statut économique plus faible qu’auparavant. Paradoxalement, cette musicienne peut vivre au même moment une forme de mobilité ascendante aux yeux de ses collègues au pays d’origine, pour qui le fait d’aller vivre à l’étranger et d’y pratiquer son art est perçu comme une marque de prestige.

Ce phénomène de mobilité statutaire induit par la migration internationale a notamment été discuté par Hélène Sechehaye, qui expliquait que si les femmes appartiennent à une minorité genrée dans le milieu gnawa au Maroc, elles deviennent doublement minoritaires en allant vivre à Bruxelles, où elles sont de la minorité des femmes, mais aussi de celle des personnes immigrantes. C’est en réalité tout le milieu gnawa qui se transforme sous l’effet du déplacement géographique de l’Afrique du Nord à l’Europe, la migration de ces artistes vers la Belgique étant encore toute récente – elle a débuté en 1998, alors que l’immigration marocaine en général remonte aux années 1960 dans ce pays européen. Du fait de ce court historique à Bruxelles à ce jour, l’immigration gnawa est encore essentiellement jeune et masculine, les hommes émigrant d’abord seuls avant d’être rejoints par leur famille. Ainsi, une masculinisation des pratiques s’observe, avec par exemple le rôle d’officiant de rituel, discuté plus haut comme un domaine davantage féminin, et qui, en Belgique, est surtout assumé par des hommes. Ce changement de dynamique genrée contraste d’autant plus qu’il s’observe une féminisation du milieu gnawa au Maghreb, où plusieurs figures de musiciennes s’affirment ces dernières années. En bref, la mobilité n’est assurément pas qu’affaire de mouvement dans l’espace physique ; elle implique aussi divers mouvements dans l’espace social et culturel, des dynamiques complexes qui façonnent les parcours de carrière musicale de femmes migrantes.

Femmes en musique : des spécificités de parcours et de profils professionnels

L’étude des migrations contemporaines révèle une accélération et une intensification des circulations humaines, les trajectoires étant de plus en plus multidirectionnelles et polymorphes – abstraction faite des deux dernières années marquées par la pandémie. En ce sens, il existe autant de cas de figure que de personnes migrantes (Suzanne 2009). Dès lors, les enjeux récurrents auxquels sont confrontées bien des femmes dans le milieu de la musique s’articulent à des spécificités de parcours migratoires qu’il importe de prendre en compte dans l’étude des carrières de musiciennes migrantes.

Du savoir théorique…

Afin d’appréhender les parcours de musiciennes en migration, Lysandre Champagne et moi-même avons proposé un cadre conceptuel s’appuyant sur la prémisse que les logiques de fonctionnement du milieu musical et les modalités de professionnalisation peuvent varier considérablement d’un contexte géoculturel à l’autre. Si la littérature sur le travail artistique s’ancre essentiellement dans une compréhension européenne et nord-américaine de ces mécanismes (Mbarek Rais 2018), elle ne doit pas faire oublier les grandes disparités qui existent à travers le monde. Celles-ci peuvent avoir trait 1) aux politiques culturelles, à l’aide sociale et aux dispositions du marché du travail qui affectent la situation de précarité des travailleuses et travailleurs dans le milieu culturel (Ellmeier 2003) ; 2) aux pratiques de gestion et de management en arts et culture (Durrer et Henze 2020) ; 3) à la sécurité nationale de l’emploi qui façonne les définitions des professions et des tâches des musiciennes et musiciens (Perrenoud et Bataille 2017) ; 4) au statut et à la reconnaissance dont bénéficient les artistes, ce qui n’est pas sans lien avec la fonction sociale de la musique dans un contexte donné (Turino 2008) ; ou encore 5) aux manières mêmes dont se conçoit le continuum entre une pratique amatrice et professionnelle et dont se vit la professionnalisation en musique (Laborde 2012), pour ne nommer que quelques exemples.

Ainsi, une musicienne dont la carrière se déploie dans plusieurs pays vit une série de socialisations professionnelles, acquérant et développant différentes façons d’être et de faire comme artiste de la musique. L’étude de son parcours implique dès lors de comprendre l’articulation et les effets combinés de ces différentes socialisations, dont l’enchaînement construit sa carrière musicale entendue au sens sociologique d’une séquence d’étapes traversées et d’un processus d’apprentissage qui accompagne les changements de position au fil du parcours (Becker [1963] 2018).

Une autre cause importante de différenciation des profils et parcours de musiciennes migrantes renvoie à la notion d’intersectionnalité (Crenshaw 1989) selon laquelle les différentes catégories sociales auxquelles appartient une même personne (son genre, sa classe sociale, son ethnicité, sa race, son statut migratoire, son âge, sa religion, etc.) coconstituent et coconstruisent une expérience d’oppression et de domination particulière. Ainsi, les phénomènes d’inégalités et de discriminations vécus par les musiciennes dont il était question lors du colloque ne peuvent relever de la seule catégorie de « femme » ou encore de « migrante » ; ils dépendent d’une multitude de facteurs qui s’agencent selon toutes sortes de configurations et produisent des situations plus grandes que la somme de leurs parties. Dans la communication de Vanessa Blais-Tremblay, par exemple, les enjeux de genre, de race, d’ethnicité, de nationalité, de classe, voire de langue s’imbriquaient dans l’analyse des carrières de danseuses de variétés Noires dans le Montréal de l’entre-deux-guerres, tandis que dans celle d’Hélène Sechehaye, plusieurs de ces mêmes catégories interagissaient fortement avec la variable de la religion, l’islam étant source de multiples conceptions et attentes vis-à-vis des femmes marocaines, qu’elles soient au pays d’origine ou en migration.

Enfin, au-delà des enjeux et des difficultés rencontrés par les femmes migrantes en musique, il y a les stratégies de légitimation et les négociations qu’elles mettent en oeuvre, lesquelles sont propres à chacune. Ces stratégies découlent à la fois du parcours qu’elles ont connu, des expériences qu’elles ont accumulées et qui les ont forgées, ainsi que de leurs traits de personnalité qu’elles exploitent diversement. La table ronde qui s’est tenue le 26 novembre en après-midi avec trois artistes a été révélatrice de la vaste gamme de réalités que recouvre la thématique des parcours de carrière de musiciennes migrantes.

… au savoir expérientiel : paroles de musiciennes

L’un des temps forts du colloque a réuni trois artistes montréalaises nées au Moyen-Orient et en Afrique de l’Ouest, soit Elham Manouchehri, Didem Başar et Djely Tapa, qui ont échangé sur leurs expériences de carrière depuis leur pays d’origine jusqu’à aujourd’hui. Elham Manouchehri est une chanteuse et multi- instrumentiste originaire d’Iran installée à Montréal depuis 2014, et Didem Başar est une compositrice et joueuse de kanun née en Turquie qui est arrivée au Québec il y a une quinzaine d’années. Quant à Djely Tapa, elle est une autrice-compositrice- interprète issue d’une lignée de griottes et griots du Mali, qui a pour sa part immigré il y a une vingtaine d’années. S’il y a certes des points de convergence entre leurs témoignages, le fait que ces femmes aient habité dans différents pays et pratiquent des instruments et répertoires également distincts donne lieu à des perspectives différenciées à plusieurs égards.

1. Le parcours pour éclairer les expériences et perspectives

L’importance de retracer les parcours des musiciennes migrantes depuis leur pays d’origine pour véritablement comprendre les défis qu’elles rencontrent s’est affirmée avec force dès le début de la discussion, alors que les trois panélistes ont parlé de contextes sociopolitiques et culturels de naissance très différents, notamment en termes de place de la musique et de statut de l’artiste dans la société. D’un côté, Elham Manouchehri et Didem Başar faisaient état d’occasions limitées pour les musiciennes respectivement en Iran et en Turquie, avec un soutien gouvernemental moindre qu’au Canada et une faible reconnaissance du statut de l’artiste dans la société. De l’autre côté, Djely Tapa expliquait combien les artistes sont au contraire très valorisées en Afrique de l’Ouest, et qu’à défaut d’appuis gouvernementaux conséquents, elles bénéficient d’un appui généralisé du public. De ces expériences passées découlent des postures, attitudes et réactions différentes face aux conditions du milieu musical québécois où les trois panélistes travaillent désormais (voir extrait vidéo 1)[6].

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Extrait vidéo 1 : Elham Manouchehri, Didem Başar et Djely Tapa comparent le soutien gouvernemental et la reconnaissance sociale dont bénéficient les artistes dans leurs pays d’origine respectifs et au Québec.

Ces arrière-plans sociopolitiques et culturels présentent aussi d’importantes disparités en termes de place et de traitement accordés aux femmes, plus précisément aux femmes artistes. Les musiciennes Elham Manouchehri et Djely Tapa ont rendu compte des contextes les plus contrastés en ce sens : si la religion musulmane est très présente en Iran et devient le prétexte à toutes sortes d’obstacles, voire d’interdictions pour les femmes dans la pratique de la musique, l’Afrique de l’Ouest est un lieu où, bien que la situation ne soit pas idyllique, les femmes sont au contraire souvent à l’avant-scène des projets musicaux. En d’autres mots, ces différents contextes géoculturels donnent lieu à différentes socialisations en termes de rapports et inégalités de genre dans le milieu de la musique (voir extrait vidéo 2).

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Extrait vidéo 2 : Elham Manouchehri et Djely Tapa discutent de la place des femmes dans le milieu musical en Iran et en Afrique de l’Ouest.

Dès lors, l’expérience de la migration comme musicienne se vit différemment, puisque le point de départ et de comparaison par rapport auquel la situation personnelle et professionnelle change n’est pas le même. Didem Başar s’est prononcée à son tour sur la situation des musiciennes en Turquie, évoquant la prédominance des hommes dans les réseaux artistiques qui rend difficile pour les femmes de s’exprimer et de s’affirmer. Cette situation contraste grandement avec le contexte montréalais où elle ne perçoit pas de grande différenciation entre la liberté d’expression et d’initiative dont disposent les hommes et les femmes artistes. Djely Tapa a pour sa part nuancé cette vision, elle qui a appris l’art des griottes et griots en Afrique de l’Ouest, mais considère être devenue véritablement artiste au Québec et a à ce compte mis des années de travail et d’efforts pour se faire respecter dans son milieu musical (voir extrait vidéo 3).

2. Défis et stratégies de femmes immigrantes dans le milieu de la musique

L’arrivée dans un nouveau pays qui possède son propre écosystème artistique entraîne une série de défis pour toutes les musiciennes, notamment en termes d’apprentissage des rouages et de connaissance des ressources. Alors que les mondes de l’art fonctionnent essentiellement par réseaux, la circulation de l’information et les processus d’attribution d’emploi découlent surtout de phénomènes de cooptation par les pairs, rendant la situation d’autant plus difficile pour une personne récemment arrivée puisqu’elle a un bassin de contacts nécessairement limité. Elham Manouchehri et Djely Tapa ont commenté la période d’adaptation – qui peut s’avérer relativement longue – à travers laquelle elles sont passées avant de savoir à qui se référer et par où commencer leurs démarches (voir extrait vidéo 4).

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Extrait vidéo 3 : Didem Başar et Djely Tapa parlent des rapports de genre dans le milieu de la musique selon les différents pays où elles ont travaillé.

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Extrait vidéo 4 : Djely Tapa et Elham Manouchehri décrivent les nombreux défis qu’elles ont connus comme musiciennes à leur arrivée au Québec.

Parmi les nombreux défis que rencontrent les femmes dans le domaine de la musique, ceux relatifs à la maternité et à la conciliation travail-famille ont été tout particulièrement discutés, révélant un spectre de postures et de réalités. Pour Djely Tapa, il a été question des aménagements d’horaire et des sacrifices de carrière nécessaires pour être présente pour ses enfants, ainsi que des dynamiques conjugales souvent complexes qui découlent du fait d’être mère et artiste. De son côté, Elham Manouchehri rappelait que certaines musiciennes renoncent volontairement à la maternité pour leur carrière. Ce sont là tout autant de choix de vie qui appartiennent entièrement aux musiciennes, mais qui ne sont pas sans faire l’objet de jugements extérieurs, comme l’ont bien expliqué certaines conférencières mentionnées plus haut (voir extrait vidéo 5).

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Extrait vidéo 5 : Djely Tapa et Elham Manouchehri traitent des enjeux de la maternité et de la conciliation travail-famille pour les femmes en musique.

Enfin, par-delà toutes les difficultés rencontrées, il importe de souligner l’agentivité de ces musiciennes, qui mettent en oeuvre diverses stratégies pour s’affirmer dans leur milieu de travail. Elham Manouchehri et Djely Tapa ont à ce compte témoigné de leurs efforts pour développer leurs compétences en entrepreneuriat et gestion de carrière, dans un contexte canadien où, selon elles, le seul talent artistique ne suffit pas pour se démarquer. Plutôt, la maîtrise de son art doit se combiner à la maîtrise de son milieu et de ses logiques organisationnelles, une démarche de longue haleine où la persévérance de l’artiste est de mise (voir extrait vidéo 6).

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Extrait vidéo 6 : Elham Manouchehri et Djely Tapa décrivent l’une de leurs stratégies de carrière, soit développer leurs habiletés entrepreneuriales.

Un vaste programme de recherche et d’action à déployer

Malgré la richesse des discussions qui ont eu lieu pendant ces deux journées, ce colloque n’est qu’une amorce dans l’exploration de réalités sociomusicales complexes. D’abord, diverses dimensions des carrières de femmes migrantes en musique n’ont été que survolées et nécessitent encore beaucoup d’efforts de recherche. Dans le domaine des enjeux liés au genre, il y a notamment la question des violences à caractère sexuel dans le milieu musical qui est une thématique générant de plus en plus d’attention du milieu scientifique, mais impliquant aussi son lot d’enjeux éthiques rendant très délicats des échanges et des partages d’expériences dans un cadre public de colloque. Ensuite, le travail invisible de gestion et d’organisation qu’assument beaucoup de musiciennes, ce qui a d’évidentes conséquences sur leur pratique proprement musicale, n’est presque pas documenté à ce jour. Enfin, la vision encore très européenne et nord-américaine qui sous-tend l’essentiel de la littérature sur le travail artistique empêche une compréhension juste des logiques qui se jouent dans plusieurs régions du monde et conditionnent les manières dont se professionnalisent bien des musiciennes.

En ce sens, même si des récurrences se manifestent dans les parcours de musiciennes migrantes, il est impossible de réduire leurs expériences de vie et de carrière à un schéma unique. Dès lors, il importe de documenter un maximum de parcours pour faire ressortir une variété de socialisations professionnelles, ancrées dans des contextes socioculturels où les rapports de genre sont également variés. Plus encore, il faut s’assurer de faire entendre les voix de ces artistes afin d’arrimer les réflexions et efforts du milieu de la recherche aux réalités et besoins des personnes concernées, dans un dialogue entre savoirs scientifique et expérientiel. À titre d’exemple, la prise de parole de Djely Tapa (voir extrait vidéo 4) indiquant que les ressources restent difficiles à connaître pour les artistes immigrantes au Québec invite à repenser, au-delà des ressources mêmes, les mécanismes et réseaux qui permettent la diffusion de l’information. Une seconde table ronde, tenue le 27 novembre, portait d’ailleurs sur un outil développé par l’équipe dig!, soit une cartographie de centaines de ressources en musique. S’adressant prioritairement aux artistes en émergence ou en situation de marginalisation, cette cartographie pensée de manière inclusive comporte par exemple une branche intitulée « Immigration et diaspora » qui regroupe des références relevant tant du secteur artistique que de celui de l’immigration, lesquels doivent précisément travailler de pair afin de soutenir des artistes comme celles dont il a été question lors du colloque.

Enfin, de nouveaux résultats de recherche au Québec viendront bientôt enrichir les perspectives liées aux carrières musicales de femmes en migration, à commencer par la thèse en anthropologie de Dalila Carvalho dont elle a présenté de premiers résultats, et qui s’appuie sur les témoignages recueillis auprès de 27 artistes en situation d’immigration et oeuvrant dans le milieu des « musiques du monde » à Montréal, dont 8 femmes de diverses origines. De même, je complétais à l’hiver 2022, avec l’appui de Lysandre Champagne et de précieuses auxiliaires de recherche[7], la collecte de données d’une étude exploratoire amorcée dans la foulée de ce colloque auprès d’une dizaine de musiciennes migrantes, incluant alors tant des femmes nées à l’étranger et venues s’installer au Canada que quelques artistes nées ici et étant allées se former ou travailler dans d’autres pays. Alliant sociologie du travail artistique, des migrations et du genre, cette démarche vise à mieux comprendre les spécificités et articulations des socialisations professionnelles et de genre qui se jouent dans les parcours de ces musiciennes en migration, en tenant compte d’une approche intersectionnelle. En somme, la thématique qui a animé le colloque Femmes musiciennes du monde appelle encore beaucoup de travaux et réflexions théoriques, lesquels devront ensuite être mobilisés pour un véritable passage à l’action.