Recensions

Le Québec, une banlieue à inventer ? Notes de lectureThe Life of North American Suburbs: Imagined Utopias and Transitional Spaces, sous la direction de Jan Nijman, Toronto, University of Toronto Press, 2020, 400 p.Banlieue, dites-vous ? La suburbanisation dans la région métropolitaine de Montréal de Gérard Beaudet, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, 500 p.Le transport collectif à l’épreuve de la banlieue du Grand Montréal de Gérard Beaudet, Québec, Presses de l’Université Laval, 2022, 216 p.Aménagement, développement et environnement au Québec de Clermont Dugas, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2022, 408 p.Montréal fantasmagorique. Ou la part d’ombre des animations lumineuses urbaines de Josianne Poirier, Montréal, Lux, 2022, 200 p.

  • Frédéric Mercure Jolette

…more information

Access to this article is restricted to subscribers. Only the first 600 words of this article will be displayed.

Access options:

  • Institutional access. If you are a member of one of Érudit's 1,200 library subscribers or partners (university and college libraries, public libraries, research centers, etc.), you can log in through your library's digital resource portal. If your institution is not a subscriber, you can let them know that you are interested in Érudit and this journal by clicking on the "Access options" button.

  • Individual access. Some journals offer individual digital subscriptions. Log in if you already have a subscription or click on the “Access options” button for details about individual subscriptions.

As part of Érudit's commitment to open access, only the most recent issues of this journal are restricted. All of its archives can be freely consulted on the platform.

Access options

En 1968, alors que le Québec tarde à se doter d’un cadre législatif en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, Gérald Fortin, un des premiers sociologues québécois de l’occupation du territoire et de la transformation du monde rural, émet une thèse novatrice : le Québec est une ville à inventer. En bref, il soutient que le Québec est entré dans une période de déconcentration, de régionalisation et de connexion des territoires, processus qui a pour effet de jeter dans la désuétude la distinction traditionnelle entre la ville et la campagne. Inquiet de la constitution d’une technocratie d’État invalidant les efforts de participation citoyenne dans les institutions démocratiques locales, mais conscient de l’impasse dans laquelle se trouvent ces dernières, Fortin appelle alors la création d’institutions participatives en phase avec l’urbanisation du territoire en cours. Plus de 50 ans plus tard, au moment où le gouvernement du Québec annonce la mise en chantier d’une nouvelle politique nationale d’aménagement du territoire, plusieurs idées de Fortin demeurent d’actualité. Pourtant, les recherches actuelles en études urbaines laissent penser que la formule devrait être modifiée : le Québec ne serait-il pas plutôt une « banlieue » à inventer ? Car, si le Québec n’est plus constitué de villes et de campagnes séparées les unes des autres, mais de régions urbaines plus ou moins connectées formant un inséparable continuum, c’est dire que le concept traditionnel de « ville » n’est plus à même de saisir ce qui advient du territoire québécois. Pour le groupe Global Suburbanisms: Governance, Land and Infrastructure in the Twenty-first Century, un méga projet de recherche dirigé par le politologue Roger Keil, les urbanistes et les planificateurs doivent laisser tomber leurs idéaux d’urbanité, issus de leur fréquentation des vieux quartiers des grandes villes, où l’on va à pied de son appartement au café, à la boulangerie, à la salle de spectacles. Aussi agréables soient-ils, ces lieux ne sont pas représentatifs des transformations massives du territoire ni transposables dans les nouveaux espaces suburbains qui se constituent depuis 75 ans. L’hypothèse qui guide les nombreux travaux de ce groupe de recherche est que l’urbanisation se fait maintenant de l’extérieur vers l’intérieur ou, dit autrement, que la banlieue rythme le développement urbain contemporain. De fait, on tend à oublier que des choses aussi simples que l’eau chaude et la ventilation électrique de salle de bain n’existaient pas au moment où furent construits les vieux quartiers prisés des grandes villes. Si aujourd’hui les appartements y apparaissent conformes à l’idée du tout-à-l’électricité, c’est en banlieue que, pour la première fois, sont bâties des habitations qui incluent l’ensemble de ces dispositifs technologiques. Pour le groupe Global Suburbanisms, cela montre l’effet de rétroaction du mode de vie suburbain : au coeur des grandes villes, on voit maintenant des ménages unifamiliaux de classe moyenne aisée habiter des appartements autrefois surpeuplés, avec une petite cour arrière où, à l’aide d’une haute clôture, ils réclament une intimité digne de la banlieue pavillonnaire. L’ouvrage collectif The Life of North American Suburbs, dirigé par Jan Nijman, est l’un des plus récents livres issus du projet Global Suburbanisms. Profitant d’un important financement du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) de 2010 à 2018, ce groupe a organisé une dizaine de séminaires thématiques et deux conférences internationales en plus de publier onze ouvrages collectifs. Ce livre qui contient quinze études de cas, huit sur les États-Unis, six sur le Canada et une sur Mexico, est à l’image de la production foisonnante du groupe : la quantité, inévitablement, dilue quelque peu la qualité. L’objectif de l’ouvrage est de brosser un portrait de la diversité des banlieues nord-américaines …