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La Grande Bibliothèque, une des trois institutions qui composent Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), a ouvert ses portes au public en 2005. Ayant un mandat national visant à servir tous les Québécois, BAnQ offre à ses usagers, dès 2005, des documents physiques et des ressources numériques dont 70 % sont accessibles à distance (Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2006). Parmi ce contenu numérique, on retrouve notamment des bases de données, des livres couvrant plusieurs disciplines et des ouvrages de fiction.

Aussi, depuis l’ouverture, afin de faciliter l’accès à l’information, de nombreux services en ligne sont offerts aux usagers de BAnQ par l’entremise des Services à distance. Les Services à distance se composent de deux entités distinctes, soit le Centre relations client (CRC) et la Référence à distance (RAD). Les usagers de partout peuvent faire appel au CRC notamment pour s’abonner aux services à distance et ainsi consulter, de chez eux, les collections numériques, renouveler leurs emprunts ou réserver des documents. Ils peuvent également obtenir des réponses à leurs questions en faisant appel à un bibliothécaire qui travaille à la RAD.

À l’origine, une bonne partie des ressources numériques mises à la disposition des abonnés était en anglais, car l’offre francophone était limitée. Aussi, en 2011, pour répondre à la demande grandissante des usagers souhaitant avoir accès à des livres numériques en français ainsi qu’à la volonté des bibliothèques publiques, la plateforme Pretnumerique.ca a été lancée. Fruit d’une collaboration entre BAnQ, l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ), le Réseau Biblio[1] et De Marque[2], l’organisme BiblioPresto[3], responsable de la mise en oeuvre et du soutien de la plateforme Pretnumerique.ca, est né.

Avec l’arrivée de cette nouvelle plateforme offrant du contenu francophone, le service de soutien au livre numérique, grandement sollicité, a commencé à s’organiser de façon plus structurée. En décembre 2020, BAnQ a passé le cap des 5 millions de prêts de livres numériques sur la plateforme Pretnumerique.ca depuis sa création. En 2011, l’offre documentaire et le prêt numérique étaient plutôt marginaux. Ce dernier ne représentait qu’un pourcent (1 %) du prêt total à BAnQ. « Aujourd’hui, toutes plateformes de prêt et tous documents confondus (livres, revues et livres audio numériques), il en représente plus du tiers » (BAnQ, 2020).

En 2021, BAnQ rend disponibles, à ses usagers, plus de 140 000 titres de livres numériques en prêt. L’augmentation de l’offre s’accompagne d’une utilisation accrue du mode de lecture numérique.

Dans cet article, nous dresserons un portrait du service d’assistance technique aux livres numériques offert par les professionnels de l’information des Services à distance de BAnQ. Nous décrirons, dans un premier temps, le service et le type d’aide offerte. Nous aborderons ensuite les défis auxquels fait face le service en raison de l’augmentation importante des demandes d’assistance technique due à la popularité accrue de la lecture numérique. Enfin, nous évoquerons des pistes de réflexion pour améliorer l’organisation du travail et adapter les services offerts aux besoins des usagers.

Le service de référence à distance de Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Mandat et équipe

Depuis sa création en 2005, le service de référence à distance (RAD) de BAnQ a pour mandat de répondre aux besoins informationnels des usagers qui ne peuvent ou ne souhaitent pas se déplacer dans l’un des édifices de l’institution pour obtenir des réponses à leurs questions de référence. Ce service centralisé vise à joindre l’entièreté de la population québécoise en limitant les contraintes liées au déplacement. La RAD contribue ainsi à étendre la portée des services offerts par BAnQ à tout le Québec. Bien que ce service soit destiné à la population québécoise, il n’est pas nécessaire d’être abonné pour soumettre une question et obtenir une réponse. Les usagers provenant de l’extérieur de la province, voire du pays, peuvent y avoir recours à des fins de recherche. Les langues de communications sont cependant limitées au français et à l’anglais.

L’équipe régulière de la RAD est basée à la Grande Bibliothèque à Montréal. Elle est composée de quatre bibliothécaires équivalents temps plein et d’un bibliothécaire coordonnateur. D’autres bibliothécaires peuvent être occasionnellement affectés à la RAD, selon les besoins du service. L’équipe est complétée par trois techniciens, qui prennent en charge le traitement des questions générales écrites et accomplissent certaines tâches administratives liées au service.

Réception des demandes de référence à la RAD

À ce jour, les usagers peuvent communiquer avec l’équipe du service de référence à distance par trois canaux : le téléphone, le courriel et le courrier. Le téléphone permet aux usagers d’obtenir une assistance immédiate, alors que le courriel et le courrier impliquent des délais de traitement qui varient selon les besoins de la demande et le canal choisi. Il est à noter que le service téléphonique est disponible selon un horaire fixe, du mardi au dimanche, alors que les demandes écrites peuvent être soumises en tout temps.

Le service répond aux questions qui requièrent une aide à la recherche documentaire ou à l’utilisation des services et des collections. Plus précisément, la RAD traite les demandes qui concernent l’une ou plusieurs de ces catégories : référence factuelle, référence bibliographique, référence de recherche, assistance technique reliée à l’utilisation des ressources de BAnQ et renseignements généraux. De plus, les bibliothécaires de la RAD reçoivent régulièrement des questions plus spécialisées qui sont redirigées vers d’autres services au sein de BAnQ, notamment les demandes relatives aux collections patrimoniales et aux fonds d’archives. La Référence à distance traite ainsi une variété et une quantité importante de demandes quotidiennes. Par exemple, en 2020, le service a répondu à 10 727 appels téléphoniques ainsi qu’à 20 787 demandes soumises électroniquement à partir du site Web de BAnQ (statistiques internes). Cela représente près d’une centaine de questions par jour, dont certaines nécessitent des recherches approfondies, et d’autres une assistance prolongée.

Traitement des demandes de référence

Pour répondre aux demandes qui leur parviennent par écrit et par téléphone, les bibliothécaires ont recours à un éventail de sources d’information. Le site Web, l’intranet, le catalogue et les ressources numériques de BAnQ sont les outils les plus régulièrement consultés par les bibliothécaires pour répondre aux questions des usagers.

Depuis plusieurs années, l’équipe entretient une base de connaissances interne qui recense un nombre important de réponses à des questions fréquemment posées. Cette mine d’informations, qui existe sous format wiki et sous format Word, permet non seulement aux bibliothécaires de la RAD de mettre en commun des connaissances acquises au fil du temps, mais aussi de garder une trace de l’évolution des ressources numériques et de leur mode de fonctionnement. Ce dernier aspect tend à devenir de plus en plus important en raison de la présence et de l’utilisation accrue de ce type de ressource par les usagers.

En effet, en raison de l’abondance des ressources numériques accessibles à distance et de leur utilisation croissante, les professionnels de l’équipe de la RAD doivent non seulement posséder les compétences leur permettant d’utiliser ces ressources, mais aussi être en mesure d’assister les usagers qui souhaitent y accéder et en comprendre le fonctionnement. On constate ainsi que, pour bien exercer leur rôle, les bibliothécaires doivent avoir une connaissance approfondie des ressources numériques offertes au sein de leur établissement. En ce sens, le cas des bibliothécaires de la RAD est particulier, puisqu’une portion non négligeable des usagers contacte ce service dans le but d’accéder à une ou plusieurs ressources numériques à distance. Par exemple, en 2020, près de 25 % des formulaires de demande écrite contenaient une demande d’assistance technique. C’est à la lumière de ces observations que la question de l’assistance technique offerte se pose.

Soutien aux livres numériques

Contexte spécifique à BAnQ

Avant de présenter plus en détails l’assistance technique aux livres numériques offerte par la Référence à distance, mentionnons quelques particularités propres à BAnQ afin de contextualiser certains des défis auxquels le service fait face.

D’abord, BAnQ fait affaire avec trois principaux fournisseurs de livres numériques pour le prêt : Pretnumerique.ca, la plateforme de prêt numérique francophone la plus utilisée au Québec ; OverDrive, qui fournit des livres numériques pour le prêt principalement en anglais ; et Numilog, une entreprise basée en France, qui offre des livres numériques en français. La plupart des bibliothèques publiques québécoises proposent Pretnumerique.ca à leurs abonnés et plusieurs souscrivent aux services d’OverDrive pour offrir des livres numériques en anglais. Toutefois, peu d’entre elles offrent Numilog (Labbé, 2016, p. 6). Nous verrons plus loin comment cette offre diversifiée, bien que souhaitable, ajoute de la complexité au processus d’initiation aux livres numériques du point de vue de l’abonné.

Ensuite, une deuxième particularité à laquelle le service doit faire face réside dans le fait que les abonnés de BAnQ viennent de différentes régions du Québec. En effet, selon des données internes, à l’heure actuelle, 59 % des abonnés de BAnQ proviennent de l’extérieur de la région administrative de Montréal.

Trois niveaux d’assistance technique

Premier niveau d’assistance technique : les guides de démarrage

Afin de prendre connaissance des étapes préalables à l’emprunt et à la lecture de livres numériques, les usagers ont accès aux guides de démarrage disponibles sur le site Web de BAnQ. Selon le type d’appareil utilisé, soit un ordinateur, une tablette ou une liseuse, on y retrouve les informations requises pour procéder, par exemple, à l’installation d’une application de lecture ou à l’obtention d’un identifiant Adobe. Des instructions en images et des hyperliens guident les usagers, ce qui facilite la complétion des étapes.

Ces outils sont utiles aux usagers qui souhaitent s’initier à l’emprunt de livres numériques, car ils sont facilement accessibles en ligne sans authentification. Pour offrir aux usagers une assistance technique de base, les bibliothécaires de la RAD recommandent d’abord à ceux qui les contactent de prendre connaissance du guide spécifique à leur appareil. Il peut arriver que le bibliothécaire passe en revue, au téléphone, les étapes à suivre avec les non-initiés s’ils semblent hésitants. Mais, en général, ces outils d’accompagnement se veulent une forme d’aide autonome.

Deuxième niveau d’assistance technique : solution connue à un problème identifié

Les usagers qui ont consulté le guide de démarrage spécifique à leur appareil et suivi les étapes sans succès peuvent obtenir l’assistance d’un bibliothécaire de la RAD.

Le bibliothécaire passe alors en revue les différentes actions effectuées par l’usager pour tenter de déterminer la source du problème. En effet, il n’est pas rare que l’enjeu soit tout simplement lié à l’omission d’une étape par l’usager, les plus courantes étant liées à l’installation d’une application de lecture.

Si le problème n’est pas de cet ordre, le bibliothécaire demande à l’usager s’il reçoit un message d’erreur au cours d’une des actions menant à l’accès au document. Le professionnel peut alors chercher la solution dans une liste de messages d’erreur connus répertoriés sur le site Web de BAnQ.

Le bibliothécaire de la RAD dispose de plusieurs outils pour identifier les pépins rapportés par les usagers et leur proposer des solutions (réponses types, réponses envoyées précédemment, etc.). Comme les problèmes tendent à se répéter, les solutions proposées dans le passé forment une base de connaissances sur laquelle les professionnels s’appuient quotidiennement pour offrir du soutien. Le défi, que nous aborderons plus loin, est de déterminer quel est le moyen le plus approprié pour régler le problème rapporté.

Lorsque les usagers communiquent avec la RAD par écrit, ils utilisent le formulaire Demander du soutien disponible sur le site Web de BAnQ. Comme son nom l’indique, ce formulaire est dédié aux demandes de soutien aux livres numériques. Il contient des champs obligatoires, comme la description du problème et le type d’appareil de lecture utilisé. Il propose également des menus contextuels qui permettent aux usagers de préciser le type d’appareil, le navigateur web et le système d’exploitation utilisés dans le cas d’un ordinateur par exemple, ou encore le fabricant et le navigateur dans le cas d’une tablette ou d’un téléphone cellulaire. Ces précisions sont particulièrement utiles au professionnel pour poser un diagnostic. Les usagers soumettent également leur demande de soutien par l’entremise du formulaire de référence générale Poser une question sur le site Web de BAnQ et du formulaire Contactez-nous sur le site banq.pretnumerique.ca.

Troisième niveau d’assistance technique : contact avec le fournisseur

Il arrive que le problème se trouve plutôt du côté du fournisseur. C’est généralement le cas lorsque plusieurs usagers communiquent avec les Services à distance de BAnQ pour rapporter des problèmes d’accès similaires. Le livre que souhaitent emprunter les usagers peut également être défectueux. Dans ces deux cas, les questions sont transférées à un bibliothécaire de la RAD, toujours le même, qui est responsable de communiquer directement avec le fournisseur pour lui signaler le problème.

Autres formes d’aide : formations et ateliers d’initiation aux livres numériques

BAnQ offre, sur place et en ligne, de l’accompagnement aux usagers qui souhaitent s’initier au livre numérique. Cet accompagnement se décline sous forme d’ateliers d’initiation en petits groupes où les étapes des différents guides de démarrage sont expliquées et où le formateur répond aux questions des participants. Bien qu’elles ne constituent pas de l’assistance technique à proprement parler, ces activités complètent l’offre d’initiation aux livres numériques de BAnQ.

La demande croissante, observée, entre autres, pendant la pandémie de COVID-19, nous fait réaliser la nécessité et l’urgence de revoir les moyens en place pour offrir le soutien aux livres numériques.

Emprunt de livres numériques : défis et enjeux

Verrou numérique

En général, les abonnés de bibliothèques, même lorsqu’ils ne sont que des utilisateurs occasionnels des services habituels, en comprennent bien le fonctionnement de base. L’emprunt de livres numériques n’est malheureusement pas aussi simple. Des concepts nouveaux pour les emprunteurs néophytes, comme le verrou numérique et les licences de livres numériques, ne sont pas toujours intuitifs et suscitent des questions.

Une des premières embûches à l’accès est le verrou numérique. Bien qu’elle soit importante, l’utilité de ce dispositif technologique, qui contrôle l’utilisation des livres afin de protéger les droits d’auteurs, n’est pas toujours bien comprise par les usagers.

Le verrou le plus fréquemment utilisé, celui d’Adobe, requiert la création d’un compte. L’identifiant doit être obtenu à partir du site de l’entreprise, et ce, préalablement au téléchargement des livres empruntés. Les usagers doivent donc visiter un site externe à celui de BAnQ ou de leur bibliothèque locale pour compléter cette étape. En plus du risque de confusion avec les produits d’Adobe (certains usagers confondent Acrobat Reader et Adobe Digital Editions, qui requiert l’identifiant Adobe) et le fait qu’ils doivent se rendre sur le site d’un tiers, les usagers se retrouvent avec une deuxième paire d’identifiants, distincte de celle de BAnQ (ou de leur bibliothèque locale), qui leur est nécessaire pour compléter le téléchargement de leur emprunt.

Un autre type de verrou, transparent pour l’utilisateur, Readium LCP, retient l’attention pour le développement d’applications de lecture. C’est le modèle retenu pour l’accès aux livres numériques par l’entremise des applications des fournisseurs Pretnumerique.ca et OverDrive. Ces applications sont conçues de sorte que les usagers n’ont qu’à s’authentifier en tant qu’abonnés d’une bibliothèque pour choisir, emprunter et lire leurs livres directement de l’application de lecture, ce qui simplifie grandement le processus. Des problèmes subsistent, mais s’estomperont à mesure que les divers intervenants de la chaîne du livre s’y adapteront. Par exemple, pour le moment, une incompatibilité entre ce verrou numérique et les fichiers de certains titres rend ceux-ci inaccessibles par le biais de l’application de ce fournisseur.

Pluralités des fournisseurs, des appareils et des formats

Le processus de téléchargement est quelque peu compliqué par la diversité des moyens que les usagers peuvent utiliser pour accéder au contenu du document. Comme il est possible d’emprunter des livres numériques de différents types (audio, textuel, avec ou sans images), provenant de fournisseurs différents, à partir de divers appareils, d’une plateforme de prêt ou par le biais d’une application de lecture, les informations à transmettre aux usagers sont nombreuses et variées.

BAnQ offre à ses usagers une vaste collection de livres numériques en français et en anglais, ce qui est fort intéressant. Toutefois, comme chaque fournisseur a ses particularités, le processus d’emprunt n’est pas uniforme du point de vue de l’usager : Pretnumerique.ca et OverDrive offrent une application, ce qui n’est pas le cas de Numilog ; Numilog ne permet pas la réservation de titres, Pretnumerique.ca et OverDrive oui ; Pretnumerique.ca n’offre pas le renouvellement d’emprunt alors que c’est possible avec OverDrive. Ces distinctions, qui peuvent évoluer, doivent être connues du bibliothécaire de la RAD au moment d’aider l’usager.

Le type d’appareil utilisé par les usagers est également un facteur à considérer. Dans le cas de Pretnumerique.ca et de Numilog, la lecture sur liseuse nécessite le téléchargement préalable sur un ordinateur. OverDrive, appartenant à la même compagnie que Kobo, soit Rakuten, a une entente avec Kobo qui permet l’emprunt directement à partir des modèles de liseuses Kobo récents[4] sans l’utilisation d’un ordinateur. Il va sans dire que cette méthode est plus facile et fluide, et qu’elle favorise le propriétaire d’une liseuse Kobo qui lit principalement des ouvrages en anglais.

Finalement, le format du document affecte la façon dont il peut être consulté. Les livres audionumériques, par exemple, peuvent être écoutés en lecture continue en ligne ou téléchargés dans l’application du fournisseur, mais ne peuvent être écoutés sur une liseuse Kobo. Les bandes dessinées et les livres qui contiennent beaucoup d’images (albums pour enfant, livres de voyage, etc.) sont en général des fichiers lourds qui demandent une connexion Internet haute vitesse pour être téléchargés efficacement, et qui peuvent poser problème si on tente le téléchargement sur un appareil mobile. À cet effet, Pretnumerique.ca inclut des avis aux usagers pour chaque livre à images fixes, qui sont généralement lourds en octets. Ces avis sont très utiles pour expliquer certains des problèmes rencontrés lors du téléchargement.

Collaboration avec les différents acteurs du livre numérique

Comme on peut le constater, si l’accès au livre numérique semble de prime abord simple – après tout il suffit d’appuyer sur un bouton pour emprunter un livre numérique –, la chaîne du livre qui la sous-tend est complexe. Parce que les usagers sont susceptibles de rencontrer une difficulté à n’importe quel moment au cours du processus d’accès au livre, les professionnels qui offrent un service d’assistance technique sont amenés à collaborer avec des intervenants de divers horizons : éditeurs du livre numérique, hébergeurs de base de données (plateforme d’emprunt), fabricants d’appareil (ordinateur, tablette, liseuse, téléphone intelligent, etc.), concepteurs de logiciel de gestion des droits numériques et d’application de lecture.

Afin d’offrir un service efficace, une communication fluide entre la RAD et les différents acteurs est essentielle. Les bibliothécaires doivent être aptes à informer rapidement les usagers d’un changement ou d’un problème technique affectant l’un ou l’autre des fournisseurs. Par exemple, une modification dans l’offre de service ou une mise à jour logicielle peuvent entraîner de nouvelles incompatibilités ou engendrer de la confusion chez les personnes qui s’étaient familiarisées avec le processus d’emprunt, leurs appareils et leurs applications de lecture préférées.

L’idéal serait, bien entendu, d’entretenir une collaboration régulière avec ces différents acteurs pour anticiper tout changement ou problème avant qu’il ne soit transmis aux bibliothécaires par les usagers. Cependant, plusieurs facteurs rendent ces échanges difficiles. Déjà, l’entretien d’une telle collaboration nécessite un temps et des ressources considérables que l’équipe ne peut y consacrer.

Il existe aussi des causes inhérentes aux différents fournisseurs. D’abord, pour certains d’entre eux, les bibliothèques publiques ne représentent pas un marché d’intérêt commercial important. C’est principalement le cas des fournisseurs d’appareils qui ne sont pas particulièrement ou exclusivement conçus pour l’emprunt de livre numérique en bibliothèque (appareils mobiles, liseuses, tablettes, etc.). On peut penser aux fabricants de liseuses dont la stratégie commerciale est d’encourager l’achat de livres numériques sur leur plateforme. Aussi, le soutien des fournisseurs n’est pas toujours optimal. Dans de tels cas, lorsqu’un problème technique spécifique à l’emprunt de livre numérique survient, il n’est pas systématiquement priorisé par le fournisseur.

En somme, la difficulté d’entretenir une collaboration étroite et fluide avec les différents acteurs du livre numérique force les bibliothécaires de la RAD à adopter une stratégie réactive face aux changements et aux problèmes techniques qui surviennent. Certaines difficultés rencontrées par les usagers nécessitent des recherches et incitent les bibliothécaires à expérimenter avec les appareils et certaines applications relatives au prêt numérique. La littératie numérique, tant celle des bibliothécaires que des usagers, devient ainsi un facteur-clé à prendre en considération dans le développement d’un service d’assistance technique à l’emprunt du livre numérique.

Littératie numérique des usagers

Les inégalités en termes de littératie numérique chez les usagers constituent un défi de taille pour les professionnels. Une proportion considérable des usagers qui contactent le service pour obtenir de l’assistance technique à la suite de l’emprunt d’un livre numérique possède des compétences techniques limitées. Ce groupe aux compétences numériques faibles n’exclut pas nécessairement ceux que l’on qualifie de digital natives (Kellner, 2017), ou « natifs du numérique » (Tremblay, 2018), que l’on oppose souvent aux immigrants numériques (Prensky, 2001). Certains facteurs, comme l’éducation, la position géographique ou la situation socio-économique peuvent aussi influencer le niveau de littératie numérique des usagers (Conseil supérieur de l’éducation, 2020 ; Réseau Éducation-Media, 2010). Il serait donc réducteur de présenter ces inégalités en se concentrant exclusivement sur l’idée d’une fracture générationnelle. On parlera plutôt, ici, d’usagers débutants, sans distinction démographique.

Certains usagers débutants contactent la RAD pour apprendre comment accéder aux livres numériques. Ils n’ont pas le réflexe et/ou les connaissances nécessaires leur permettant de trouver, sans accompagnement, les guides disponibles à cet effet sur le site Web de BAnQ. Une telle situation requiert une assistance de premier niveau et peut mener à une assistance de deuxième niveau, telle que décrite plus haut. Certains de ces usagers sont assez confiants pour se lancer dans la lecture du guide ; d’autres demanderont à être accompagnés par le bibliothécaire. Dans chacun de ces cas, c’est le développement de l’autonomie de l’usager qui sera priorisé. Le bibliothécaire encourage les usagers à effectuer les démarches tout en fournissant l’assistance requise, selon le niveau de littératie numérique de la personne. Cette méthode permet aux usagers de se familiariser avec les étapes du processus ; elle est aussi inévitable, puisque le bibliothécaire communique avec les usagers par écrit ou par téléphone, ne pouvant ainsi compléter les étapes pour eux. Cependant, cette façon de faire exige qu’on y investisse un temps considérable.

Cet investissement est d’autant plus important si les usagers ne sont pas familiers avec les appareils à leur disposition. Par exemple, certains usagers doivent apprendre à télécharger une application ; d’autres n’ont jamais eu à utiliser des fonctions de base telles que le clic droit sur la souris ou la fonction « précédent » de leur navigateur Internet.

Une autre difficulté que doivent surmonter les usagers débutants et le bibliothécaire est l’absence de langage commun. En effet, ces usagers ne sont pas toujours familiers avec les concepts et les notions propres au processus d’emprunt d’un livre numérique ou à la navigation sur l’appareil utilisé. Certaines expressions telles que « navigateur Internet », « menu Démarrer », « barre d’adresse » ou encore « type de fichier » ne doivent pas être tenues pour acquises. Dans une telle situation, le bibliothécaire doit expliquer ou vulgariser ces concepts pour en arriver à une compréhension mutuelle. Rappelons ici que tous ces obstacles sont exacerbés par l’absence de contact visuel entre le professionnel et l’usager. En effet, le canal téléphonique ne permet pas au bibliothécaire de montrer les étapes à l’usager, ou encore de s’assurer que ce dernier complète adéquatement les actions qui lui sont prescrites. Quant à l’échange courriel, il présente certains atouts. Il est possible d’y intégrer des hyperliens et des copies d’écran, et il permet aux usagers de consulter l’information lorsqu’ils le souhaitent. Toutefois, en raison du temps qui doit être consacré à la rédaction de messages clairs et des allers-retours fréquents, ce mode de communication n’est pas toujours efficace.

On en arrive ainsi à comprendre que l’installation d’une application de lecture sur un appareil peut s’avérer laborieuse pour les usagers débutants qui doivent absorber une quantité importante d’information et de compétences, simplement pour accéder à un livre à distance. Dans certains cas, l’écart entre la complexité du processus et les compétences numériques mène au découragement, voire à l’abandon.

C’est ici que le rôle de formateur du bibliothécaire, qui doit coacher et encourager l’usager débutant, prend tout son sens. Le bibliothécaire est là pour présenter différents modes d’accès aux usagers débutants, être à l’écoute de ces derniers et proposer la solution la mieux adaptée à leurs besoins. En usant de ses habiletés interpersonnelles et guidé par sa volonté d’aider, le professionnel de l’information a un rôle important à jouer dans le combat contre la fracture numérique, qui n’est pas sans défis.

Émotions, formation, où s’en va-t-on ?

Communication entre les usagers et les employés

Le processus d’initiation à la lecture numérique étant relativement complexe, il n’est pas surprenant de constater, sur le terrain, que les échanges avec les usagers sur ces questions peuvent parfois être difficiles. Les usagers qui ont essayé d’installer une application de lecture sans succès ou encore qui sont confrontés, pour la première fois, à un problème qui les empêche d’accéder à leur lecture peuvent communiquer avec un professionnel de la RAD dans un état de frustration ou de découragement. Bien que tous les usagers, peu importe la nature de leur question, puissent, à l’occasion, se montrer impatients, ceux ayant besoin d’assistance technique manifestent plus souvent des signes d’exaspération et de découragement à la suite d’essais non concluants, ce qui représente un défi supplémentaire pour les employés de la RAD.

Bien entendu, les services offerts à la RAD se distinguent de ceux offerts dans les centres d’appels traditionnels. Toutefois, il est possible de faire un parallèle avec les observations suivantes. Dans une étude intéressante sur les centres d’appel, Mainhagu et Moulin (2014) énumèrent certains des facteurs qui affectent la façon dont les employés gèrent les appels qu’ils reçoivent. Une charge de travail importante (beaucoup d’appels par jour) augmente la fatigue de l’employé et diminue ses habiletés à « simuler » ses propres émotions. Toujours selon Mainhagu et Moulin (2014), le caractère routinier du travail (les usagers posent souvent les mêmes questions) amène l’employé à être moins en contrôle de ses émotions à la fin de sa journée de travail. L’achalandage important et la répétition de questions similaires d’assistance technique à la RAD s’ajoutent aux autres facteurs mentionnés. Répondre quotidiennement à ce type de demande représente un défi.

Formation et expérience des professionnels

Dans ce contexte, la formation est évidemment primordiale pour offrir de l’assistance technique. Elle n’est toutefois pas suffisante. Les bibliothécaires remplaçants qui viennent à la RAD ponctuellement sont parfois à court de solutions pour répondre à ce type de demande. Certaines particularités concernant les types d’accès, les appareils et les fournisseurs de livres numériques ne sont pas toutes décrites dans les documents de support. Rechercher une information dans les réponses déjà transmises peut prendre du temps. Vu l’achalandage habituel du Service, une pression s’exerce sur le bibliothécaire qui souhaite fournir une réponse satisfaisante en quelques minutes. C’est ainsi que la familiarité avec le sujet et l’expérience peuvent aider.

Afin d’améliorer les outils à la disposition des bibliothécaires et techniciens qui offrent l’assistance technique, la publication des Guides de démarrage sur un outil Web plus facile et accessible est primordiale. Jusqu’à tout récemment, la mise à jour des Guides de démarrage était alourdie par l’implication de plusieurs intervenants à l’interne, ce qui faisait en sorte que les guides n’étaient pas modifiés aussi régulièrement que souhaité. Avec les changements rapides qui surviennent, la gestion des guides faite directement par les professionnels responsables du soutien aux livres numériques était plus que souhaitable.

Pour aider les employés, un outil de diagnostic automatisé pourrait aussi être développé. En effet, l’employé expérimenté de la RAD sait que certaines vérifications doivent être faites au préalable lors de la discussion avec les usagers : sur quel appareil téléchargez-vous vos documents ? Est-ce que votre appareil est autorisé (si requis) ? Quel message d’erreur recevez-vous ? Et ainsi de suite. Ces questions et les réponses que donnent les usagers mènent à une investigation plus poussée qui, elle-même, mène à différentes propositions de solutions selon le scénario établi. Un outil de diagnostic en ligne pourrait être développé pour aider les employés à identifier la meilleure solution selon les réponses données par les usagers. Cet outil pourrait même être en libre-service et permettre à l’usager autonome d’arriver lui-même à la solution.

Même rôle, nouvelles compétences

Le personnel qui offre de l’assistance technique aux livres numériques gagne à être à l’affût des changements qui surviennent dans ce domaine. Pretnumerique.ca et OverDrive produisent tous deux des communications régulières sur l’état de leurs services et les changements importants à venir, qui sont utiles aux professionnels.

La question se pose tout de même : jusqu’où les professionnels de l’information doivent-ils aller pour aider les usagers à accéder aux livres numériques ? Certaines des interventions faites par les bibliothécaires et techniciens en documentation de la RAD auprès des usagers vont très loin en termes technique et informatique. Vaudrait-il mieux laisser ces interventions aux collègues techniciens en informatique ?

Dans leur travail quotidien à la référence, les professionnels de l’information aident les usagers à accéder aux bases de données qui leur permettent de trouver l’information qu’ils recherchent. Depuis plusieurs années déjà, l’initiation à la recherche dans les outils et collections numériques fait partie des responsabilités du bibliothécaire. Les bases de données de livres numériques ne sont pas différentes. Améliorer la littératie numérique des usagers et réduire la fracture numérique font également partie des combats que mènent les professionnels de l’information. L’initiation aux livres numériques offre donc un terrain d’apprentissage idéal pour les usagers, que les professionnels de l’information sont les mieux placés pour guider et encourager.

L’expérience vécue à la Référence démontre également qu’une question n’est jamais unidimensionnelle. Assister des usagers éprouvant un problème avec leur liseuse peut amener les bibliothécaires à faire une recommandation de lecture, à parler d’un atelier à venir à la bibliothèque et plus encore. Tous ces échanges contribuent à développer et à enrichir la relation des bibliothécaires avec les usagers et, à plus long terme, à accroître la fidélisation des usagers à leur bibliothèque.

Quelques pistes de réflexion pour la suite

Ce portrait général de l’assistance technique au livre numérique offerte à la Référence à distance de BAnQ illustre plusieurs enjeux auxquels fait face le service. L’évolution rapide des technologies permettant d’accéder à ce mode de lecture, la pluralité des intervenants avec lesquels il est nécessaire de communiquer pour offrir un soutien de qualité aux usagers et la mise à jour, en continue, des connaissances des professionnels de l’information figurent parmi les nombreux défis à relever.

Au niveau provincial, BAnQ continue d’exercer son rôle afin de favoriser le dialogue avec les acteurs québécois impliqués dans la chaîne du livre numérique pour améliorer les services offerts aux usagers des bibliothèques québécoises.

Actuellement, l’équipe des Services à distance se penche, en collaboration avec d’autres équipes de BAnQ, sur le renouvellement du système utilisé pour traiter les demandes de référence. Ce faisant, on souhaite offrir aux usagers une plus grande diversité de moyens de communication pour soumettre leurs questions et, ainsi, mieux répondre à leurs besoins. Pour les usagers, un service bonifié par la possibilité de joindre la RAD à partir de leur appareil mobile, y compris par texto, clavardage ou vidéo, trouver une réponse à une question de manière instantanée, prendre rendez-vous avec un professionnel ou encore suivre le statut de leur demande de référence, contribuerait à améliorer leur expérience. Ce projet de renouveau de la référence à distance, qui mijote depuis quelque temps déjà, est l’occasion de réfléchir aux meilleurs moyens pour BAnQ de répondre à ces attentes.

Parallèlement, les Services à distance auront à se pencher, en collaboration avec d’autres équipes de BAnQ, sur les processus actuellement en place afin de voir comment ils pourraient être améliorés, pour les employés et les usagers, et de quelle façon l’assistance technique aux livres numériques pourrait mieux être partagée et harmonisée entre les techniciens en documentation et les bibliothécaires.

Au cours des prochaines années, la RAD continuera à exercer son rôle et à être proactive en contribuant à l’amélioration de la littératie numérique des usagers.

Si le livre papier est encore très pertinent et utile, tout porte à croire que le livre numérique, dont la popularité continue de croître, est là pour rester. Il en va de même des besoins d’assistance technique des usagers qui souhaitent s’initier au mode de lecture numérique. Dans ce contexte, l’implication des professionnels de l’information dans l’accompagnement des usagers voulant démystifier le livre numérique, est plus que jamais, nécessaire.