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Introduction

Cet article traite de l’arrimage dans une approche-programme, c’est-à-dire du lien établi entre deux cours à partir des besoins des étudiants dans le but de développer davantage les compétences professionnelles liées au domaine de l’éducation et de mieux répondre aux nouvelles exigences ministérielles en matière de technopédagogie contenues dans le Plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur (PAN) (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2018). Tout d’abord, la structure, la description et les modèles se rattachant à chaque cours au coeur de l’arrimage seront présentés afin de mieux faire ressortir ses bienfaits et ses défis. Nous verrons également l’impact positif de l’arrimage sur le plan des visées du PAN. En guise de conclusion, une ouverture plus universelle du projet sera proposée, car bien qu’instauré en langue seconde (FLS), l’arrimage peut s’appliquer à d’autres disciplines.

Puisque notre intention est d’amener l’étudiant à planifier et à piloter une situation d’apprentissage, à travers ses différentes phases, à observer ses effets sur le processus d’apprentissage et à effectuer un retour réflexif à l’aide de ses pairs, en comptant sur le soutien d’un superviseur et du professeur (Bissonnette, 2015; Malo, 2016), le cours PPA2105L – Laboratoire d’enseignement invite l’étudiant à observer, analyser, mettre en place et produire diverses situations d’apprentissage et d'évaluation (SAE). Au moyen de la visioscopie et de l’entraînement à une analyse de la pratique fondée sur la réflexion et sur l’éthique professionnelle, l’étudiant développe ses habiletés relatives à l’acte d’enseigner (Lepage, 2017; Bissonnette, 2018). Pour soutenir son développement professionnel, le futur enseignant est appelé à s’approprier les concepts théoriques vus dans le cours pour être en mesure de les transposer dans ses pratiques; à prendre des risques en vue de développer sa pratique professionnelle; à collaborer avec ses collègues pour travailler à la construction de son expertise pédagogique; à analyser ses pratiques pédagogiques à la lumière des concepts théoriques vus en cours et à observer leurs effets sur les apprentissages des élèves ainsi qu’à valider sa compréhension des concepts théoriques et à ajuster ses pratiques en lien avec des objectifs concrets d’amélioration. Le schéma de la figure 1 illustre bien la mise en oeuvre du processus d’apprentissage attendu (Bissonnette, 2018; Lepage, 2017).

Pour ce faire, des périodes d’expérimentation et des séminaires réflexifs sont prévus. Ces périodes, hebdomadaires et simultanées, amènent les étudiants à bien piloter chaque phase au préalable planifiée, à tester des pratiques pédagogiques variées, à mettre en application plusieurs habiletés de communication et des techniques de questionnement en plus d’affiner la gestion du temps. L’expérimentation se déroule de façon autonome et le groupe d’étudiants concerné tourne chaque leçon préparée lors de l’atelier du cours théorique. Notez que la cohorte de l’hiver 2020 a pu bénéficier de l’acquisition d’une nouvelle ressource non négligeable : la caméra Swivl permettant de suivre l’enseignant dans chacun de ses déplacements en classe. En plus de montrer que l’équipe responsable de l’arrimage ose l’innovation en misant sur le numérique et en proposant des changements significatifs aux tournages des micro-leçons, les étudiants ont pu expérimenter davantage les défis que pose l’enseignement en situation réelle grâce à la caméra Swivl et à sa plateforme numérique facilitant le téléversement des enregistrements. Le développement des ressources numériques est donc essentiel au PPA2105L – Laboratoire d’enseignement, car à la suite des tournages, les séminaires rassemblent les étudiants qui visionnent les leçons des participants de l’équipe, apportent leur autoscopie et reçoivent la rétroaction de leurs pairs. De plus, observer les collègues, lors des séminaires, est aussi une occasion de colliger les apprentissages de tous.

Figure 1

Mise en oeuvre du processus d'apprentissage attendu. Source : Malo (2015)

Mise en oeuvre du processus d'apprentissage attendu. Source : Malo (2015)

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Au terme du cours, les étudiants ont également été encouragés à réaliser différents projets liés aux technologies numériques, notamment en soumettant un rapport de stage en format vidéo, fort apprécié pour son côté plus créatif, et ce, tant chez les étudiants que chez les responsables du cours.

Pour sa part, le cours PPA2100T – Intégration des TIC invite l’étudiant à évaluer la valeur pédagogique d’un éventail d’outils technologiques afin de les intégrer efficacement à son enseignement. En ce sens, le principal objectif du cours n’est pas de prescrire un répertoire d’outils technologiques à adopter, mais bien de susciter la réflexion chez l’étudiant, c’est-à-dire de lui permettre de « poser un regard critique » quant à l’impact positif des TI sur l’apprentissage des élèves (MEES, 2019, p. 7). Il s’agit là d’un lien direct avec l’une des trois orientations du PAN, à savoir, viser l’exploitation du « numérique comme vecteur de valeur ajoutée dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage » (MEES, 2018, p. 72).

Dans l’ensemble, les objectifs du cours sont donc directement liés à la compétence 8, telle que décrite en 2001 par le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ; Martinet et al., 2001) : « Intégrer les technologies de l’information et des communications aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement-apprentissage, de gestion de l’enseignement et de développement professionnel » (p. 107). Cependant, si les objectifs du cours PPA2100T sont multiples, ils se doivent d’être flexibles afin de permettre d’assurer la pérennité de la formation, car les TI sont en constante évolution. En effet, elles ne font plus seulement référence à l’information et à la communication (TIC); elles opèrent sur le plan tant de l’enseignement (TICE) que de l’apprentissage et des connaissances (TAC) et elles interviennent également sur l’engagement et la participation (TEP) (Cano, 2012; Lozano, 2011; Karsenti et Bugmann, 2017; Pinto Santos et al., 2017). Il importe donc que les intentions pédagogiques du cours s’alignent avec les visées du PAN (« soutenir le développement des compétences numériques ») (MEES, 2018, p. 72) et avec celles du Cadre de référence de la compétence numérique (MEES, 2019). Les compétences sur le plan technologique vont maintenant bien au-delà de l’utilisation des ressources numériques accessibles. En plus de permettre à l’étudiant de créer avec les TI (« production de contenu »), le cours PPA2100T – Intégration des TIC a également pour but d’amener les futurs enseignants en français langue seconde à intervenir sur ce qui touche l’ensemble des dimensions de la compétence numérique, telles que la collaboration, le développement de leur sens critique et l’usage des TI afin de favoriser une pédagogie différenciée et inclusive (MEES, 2019, p. 12).

Mais développer les compétences numériques des étudiants tout en misant sur la valeur ajoutée des TI serait illusoire sans les soutenir dans le développement de cette « culture numérique », sans créer un « environnement propice au déploiement du numérique » ou sans « mutualiser les ressources » afin de « garantir un accès au numérique équitable » (MEES, 2018, p. 72). Puisque le cours PPA2100T – Intégration des TIC suit un modèle pédagogique axé sur la pratique, la collaboration et le développement des compétences professionnelles des futurs enseignants, la totalité de la formation se déroule en formule laboratoire, dans un environnement de classe active munie de sept tableaux numériques interactifs (TNI) et où une flotte de dispositifs mobiles (ordinateurs et tablettes) est mise à la disposition des étudiants. En plus de leur fournir les ressources essentielles au développement des compétences visées (pensons, à titre d’exemple, au logiciel Notebook qui leur est fourni afin de faciliter le pilotage du TNI lors du processus de tournage des micro-leçons du PPA2105L – Laboratoire d’enseignement), l’environnement numérique utilisé réunit les participants en six îlots afin de favoriser un apprentissage où « les [étudiants] sont davantage en action [...] dans une perspective d’ateliers ou en développement de projets », ce qui les amène à partager leurs productions et leurs réflexions avec leurs coéquipiers (Centre de pédagogie universitaire de l’Université de Montréal, 2019).

Un des aspects les plus appréciés du cours est le fait que des ateliers (formatifs ou sommatifs) soient prévus à chacune des rencontres. Cette façon de procéder permet de dégager du temps de classe pour que les étudiants puissent se familiariser avec les différents outils technologiques étudiés. Ils ont donc du temps pour explorer, s’exercer et, enfin, s’approprier lesdits outils. Cette méthode de travail rappelle le modèle ASPID, développé par Karsenti (Karsenti et Collin, 2019). Les phases d’intégration des TI – adoption, substitution, progrès, innovation, mais aussi parfois détérioration – illustrent bien l’investissement en temps ainsi que les essais et les erreurs qui caractérisent souvent les premières étapes de développement de la compétence numérique. Il est donc essentiel que les étudiants puissent expérimenter les différentes phases de développement de leurs compétences numériques avant d’enseigner au moyen des TI en situation réelle. De plus, plusieurs dispositifs collaboratifs sont utilisés afin de créer au sein du groupe une communauté de pratique où il est possible de partager des idées et de « travailler en réseau » (MEES, 2018, p. 72), afin de mettre en commun des pratiques inspirantes en lien avec les TI dans un contexte de français langue seconde.

Par ailleurs, le fait que les cours PPA2105 – Laboratoire d’enseignement et PPA2100T – Intégration des TIC soient donnés tout juste avant que les étudiants n’entreprennent le stage EDU2007 contribue à insister davantage sur le caractère pratique de la formation, tout en veillant au développement constant des compétences professionnelles des futurs enseignants, en plus de favoriser leur développement professionnel à plus long terme. À titre d’exemple, mentionnons la dimension citoyen éthique du Cadre de référence de la compétence numérique (MEES, 2019, p. 12). En plus de sensibiliser les étudiants au concept d’utilisation avertie du Web, le cours PPA2100T prévoit qu’une conférence-atelier soit organisée en collaboration avec l’organisme Copibec afin que les étudiants puissent connaître les ressources accessibles permettant de respecter les droits d’auteur, non seulement dans tous les aspects de leur future tâche enseignante mais également en ce qui a trait aux TI. Le développement de la culture numérique suppose donc tout ce qu’implique l’utilisation des technologies en classe et l’arrimage soutient les étudiants afin de les amener à réfléchir tant sur la valeur ajoutée des TI que sur les défis qu’elles comportent, notamment en matière de protection de la vie privée. C’est pourquoi l’hygiène numérique est une thématique abordée tout au long de la formation. Par ailleurs, les étudiants se penchent également sur des questions liées à la gestion de classe (pensons, par exemple, au concept de nétiquette) et sont invités à considérer des outils tels que ClassDojo et Seesaw afin de pouvoir les exploiter efficacement en stage, d’une part pour mieux faciliter la communication entre l’équipe-école, les élèves et les parents, mais aussi pour privilégier des stratégies numériques facilitant le tracé du « parcours éducatif » des élèves (MEES, 2018, p. 72).

Parallèlement, afin de favoriser la formation continue de nos étudiants, une page PPA2100T a été créée sur Facebook et sur Twitter, que les étudiants peuvent consulter avant, pendant et après la formation. La page Twitter est particulièrement intéressante dans une perspective de développement professionnel, car on y retrouve des témoignages d’enseignants inspirés et inspirants (par exemple, @marie34), des professeurs-chercheurs spécialisés en TI (@poellhub et @thierryUdM sont de bons exemples), des organismes qui font la promotion du numérique en éducation (@cefrio, @REPTIC ou @LeCADRE21) et des plateformes où l’on retrouve diverses ressources technologiques, telles que @carrefour_edu, @recitqc, @Alloprof, @Profwebinfo ou @ecolebranchee.

Si, au départ, plusieurs défis restaient à surmonter (l’agenda des cours posait des problèmes, le fonctionnement des TNI en rapport avec les logiciels appropriés était souvent inadéquat, l’évaluation devait être plus précise et donner une rétroaction plus isolée, ce qui, dans le PPA2100T – Intégration des TIC s’est traduit par des rétroactions personnalisées en format audio et vidéo), au terme du processus de réflexion et à la suite des améliorations apportées, l’hiver 2020 symbolisera l’aboutissement de notre labeur déterminant la qualité du curriculum. En effet, en plus d’insister sur la compétence 8 (l’intégration des TIC), l’arrimage a contribué au développement des compétences 1, 3, 4, 11 et 12, à savoir, « S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » en adoptant des comportements responsables et éthiques à chaque séance (compétence 12); en incitant les étudiants à dresser un bilan de leurs propres compétences et en en effectuant le suivi (compétence 1); en tirant avantage à échanger, avec les collègues, sur les choix pédagogiques et didactiques et en incitant les étudiants à réinvestir le résultat de leur réflexion dans la pratique (compétences 3 et 4) (Martinet et al., 2001). Mentionnons également le lien direct avec les visées du PAN et le nouveau référentiel de compétences numériques en ce qui concerne la production de contenu, la collaboration, la résolution de problèmes ou le recours à la pensée critique au moment d’utiliser les TI (MEES, 2019, p. 12).

Jusqu’à maintenant, afin de montrer les objectifs du projet insistant sur le développement des compétences technopédagogiques des futurs enseignants en français langue seconde, nous avons présenté les caractéristiques des deux cours au coeur de l’arrimage et leur lien en ce qui a trait aux visées du PAN. Rappelons que d’une part, les caractéristiques des deux cours arrimés mettent clairement l’accent sur l’apprentissage actif et l’importance d’amener les étudiants à faire des liens entre les cours suivis. D’autre part, le choix des activités d’apprentissage (études de cas, expérimentations, témoignages, séminaires réflexifs, conférences-ateliers, etc.) contribue à établir des liens directs avec la réalité. Si ces particularités assurent un haut niveau de motivation chez les étudiants en les préparant à intervenir efficacement en milieu professionnel, elles ne sont pas exclusives à l’arrimage et à la formation des enseignants en langue seconde. En effet, il serait tout à fait possible d’envisager la mise en commun d’activités d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation dans d’autres programmes du Centre de formation initiale des maîtres ou d’ailleurs, ou dans d’autres disciplines. Qu’il s’agisse d’une formation en ingénierie, en tourisme, en littérature ou en comptabilité, l’apprentissage se doit d’être axé sur la pratique pour amener les étudiants à montrer leurs habiletés professionnelles selon le domaine visé.

Par ailleurs, l’aspect de l’arrimage commun à l’ensemble des disciplines universitaires est la cohérence de la formation offerte. Le fait de mettre en lien des objectifs, des thèmes, des activités d’apprentissage et des instruments d’évaluation oblige les intervenants à travailler de pair afin de faire en sorte que la formation dans son ensemble soit alignée. On évite ainsi la redondance sur le plan des contenus enseignés et des projets proposés aux étudiants et on assure la pertinence des outils d’évaluation employés. Dans un contexte pédagogique où l’on souhaite établir des liens étroits entre les volets théorique et pratique avant d’entreprendre le volet professionnel réalisé en stage, il s’agit-là d’un gage de qualité, car tout est mis en oeuvre pour générer des « pratiques innovantes » tant chez nos étudiants que du côté des responsables de l’arrimage en exploitant le plein « potentiel du numérique en contexte éducatif » (MEES, 2018, p. 72).

Il nous est possible de le confirmer à la lumière de la production de nos étudiants et au terme du processus de réflexion s’appuyant sur de nombreux bilans réalisés tout au long du projet. Nous pouvons donc affirmer en toute confiance qu’après avoir validé ce modèle pédagogique axé sur la pratique, la collaboration et le développement professionnel de nos futurs enseignants, l’hiver 2020 nous permettra de le maximiser en établissant de nouveaux liens avec d’autres aspects du programme, notamment les stages.