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Robinson, Douglas (2019) : Transgender, translation, translingual address. Londres/New York : Bloomsbury, 288 p.[Record]

  • Daniel Ricardo Soto Bueno

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  • Daniel Ricardo Soto Bueno
    Université de Montréal, Montréal, Canada
    Universidad de Málaga, Malaga, Espagne

Introducteur de la théorie somatique en traductologie, intellectuel prolifique, professeur expérimenté, traducteur littéraire, phénoménologue dans l’âme, Douglas Robinson explore dans ce livre les concepts de traduction, transidentité et translinguisme. L’introduction de cet ouvrage sert à définir ce que l’auteur entend par transgenre, traduction et translinguisme ainsi qu’à expliquer l’objectif et la structure du livre. Le transgenre s’applique à toute une gamme d’expériences qui vont du rejet du binarisme de genre à la transsexualité (p. xi, 205). La traduction est conçue, quant à elle, comme l’interprétation de l’altérité formulée par les personnes selon les intérêts qu’elles défendent (p. xvii). Cette interprétation peut s’avérer un acte de violence, dans la lignée de la théorie de l’acteur-réseau de Callon et Latour (1981), mais aussi un exercice d’empathie (p. xxxi, 176). Quant au translinguisme, Robinson s’inspire de l’homolinguisme (les usagers d’une même langue se comprennent facilement) et de l’hétérolinguisme (on est tous des étrangers les uns aux autres) de Sakai (1997) pour définir l’adresse translingue comme le mouvement herméneutique entrepris par les personnes capables de transiter au moins par deux cultures (p. xi). Pour ce qui est du but de Transgender, translation, translingual address, Robinson traduit les personnes trans (p. xxix, 106) à l’aide de son propre vécu ainsi que d’une myriade de lectures d’auteurs cis et trans (j’utilise le masculin comme générique tout au long de cette recension), certes, mais dans une approche émancipatrice et anti-binaire (« Fucking Binaries », p. xxiii-xxix, 28). L’opposition sexe-genre ou masculin-féminin, tout comme l’opposition source-cible en traductologie, n’est donc que « the communal plausibilization of dominant opinions as truths, realities, facts » ou icose (p. xxvii, 8), car « we’re actually nonbinary » (p. xxvii-xxviii). Au chapitre un, Robinson apporte cinq réponses à la question : « Why should cisnormative translation scholars care about translation and transgender ? » La première réponse consiste à remarquer qu’il existe déjà une bibliographie considérable sur l’intersection entre la traduction et le genre (p. 3-7). Or, ce domaine de recherche ne devrait pas concerner que les traductologues féministes et LGBTIQ, mais tout le monde, car, et c’est la deuxième réponse de Robinson, les systèmes conservateurs ou néolibéraux nous façonnent systématiquement pour ignorer les discontinuités de genre, pour marginaliser, voire stigmatiser tout ce qui déroge à la norme ou à l’« adéquation cérémonielle » (p. 7-10). Robinson s’inspire, entre autres, de Bornstein (1994) et de De Sousa Santos (2001) tout au long de ce chapitre pour mettre en valeur, en guise de troisième réponse, la connaissance comme émancipation et non comme régulation. La quatrième réponse consiste à éviter le meurtre des savoirs émancipateurs trans et queer colonisés (trans-épistémicide) et dont les personnes cis-genres et hétérosexuelles sont privées par la même occasion : « translingual address would be a corrective to a power imbalance that has had a devastating epistemicidal impact on trans people, and a destabilizing effect on the normative gender binary itself » (p. 20, 21). La poétique trans constitue la cinquième réponse de Robinson pour renforcer l’empathie, le dialogue constructif, l’adresse translingue. Le deuxième chapitre tourne autour du concept de sémiosphère (Lotman 1984) et de deux positions vis-à-vis de la transidentité que Robinson appelle l’OL (« Overall Language ») et l’UL (« Underall Language »). Espace référentiel d’une culture donnée, une sémiosphère contient tout ce à quoi les êtres humains de cette culture donnent un sens. L’OL renvoie, non sans ironie, au discours de Christine Overall (2009) à propos de la transidentité, « a feminist analytical take on transgender » (p. 38). L’UL, quant à lui, fait allusion au discours de Nastassja, une femme trans et l’un des personnages …

Appendices