Notes critiques

À propos d’un ouvrage récent de Thierry-Dominique HumbrechtThierry-Dominique Humbrecht, Introduction à la métaphysique de Thomas d’Aquin, Paris, Vrin (coll. « Bibliothèque d’histoire de la philosophie »), 2023, 321 p.

  • Louis Brunet

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  • Louis Brunet
    Cégep de Sainte-Foy, Québec

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Cover of Volume 80, Number 1, 2024, pp. 3-164, Laval théologique et philosophique

Deux ans après la publication de son imposante brique Thomas d’Aquin, Dieu et la métaphysique, qui fait plus de 1 400 pages, le dominicain toulousain en reprend plus brièvement plusieurs thèmes dans ce cinquième ouvrage sur Thomas d’Aquin destiné, comme les précédents, à faire mieux connaître son auteur de prédilection. Dans son précédent ouvrage, il s’étonnait du fait que « cette métaphysique-là n’[ait] jamais été écrite » (Thomas d’Aquin…, p. 17). Vingt mois plus tard, la voilà maintenant écrite ; il s’est chargé lui-même d’écrire un traité de métaphysique thomasienne qui tienne compte de la nature qu’elle se reconnaît et des modalités de son emploi par un docteur chrétien. « Peut-être [le philosophe] ne sait-il pas toujours au juste ce qu’est la métaphysique […] ». En exergue, cette citation d’Étienne Gilson annonce bien ce que cherchera à éclaircir cette Introduction. Avant d’entrer dans le vif du sujet, le professeur de l’Institut Saint-Thomas-d’Aquin met ses talents narratifs au service d’une dramatisation du vécu de frère Thomas au titre évocateur : « Sous les pavés, les larmes et une oeuvre ». Après une vivante mise en scène des querelles du temps, il précise son intention de « restituer Thomas sans le reconstruire » (p. 21). Un premier chapitre, intitulé « Figures et masques de la métaphysique », débute par une description de l’ordre attendu, en métaphysique comme en toute science, dans son déploiement : « La métaphysique comme science devrait définir son sujet, puis partir de lui et tout déployer jusqu’à son terme » (p. 27). Mais Humbrecht ne va pas procéder ainsi : « Toutefois, cette trop rapide évidence ne saurait dissimuler de redoutables difficultés de principe » (p. 27). Par l’évocation des différences dès les principes entre métaphysiciens, il invite à « se demander s’il y a assez de métaphysique en soi, à même de résister à tant de modifications chez eux » (p. 28). Il fait valoir que « la science de ce qui est général et de ce qui est premier » (p. 29) se met à présenter diverses figures et à revêtir des masques dès qu’on tente de préciser sa nature. Cette évocation des divergences d’opinions entre métaphysiciens pour justifier une dérogation à l’ordre à suivre dans l’étude d’une science laisse perplexe. D’emblée, comment juger qu’une opinion en est une de métaphysicien sans une certaine connaissance de ce sur quoi porte la métaphysique ? Et comment démontrer la moindre propriété du sujet de cette science, sans connaître d’abord la définition de ce sujet ? En outre, accorder à des modifications de principes le pouvoir de dissoudre un habitus intellectuel accule au scepticisme et au relativisme le plus total. On s’attend à ce qu’un philosophe comprenne que toute science dépend de ses principes, mais ne voit dans les variations concernant les principes qu’un indice de la difficulté de la métaphysique, sans que cela affecte la possibilité d’un discernement sur la façon véritable d’en déterminer le sujet. D’ailleurs, Humbrecht lui-même affirme que « les positions exprimées par [les] oeuvres déjà constituées [qui balisent le courant sur lequel Thomas intervient et qui ne vont pas ensemble], il faut […] les jauger en elles-mêmes » (p. 234). Ce qui revient à accorder la primauté au jugement philosophique ou théologique sur les morcellements de l’histoire de la métaphysique. Si tel est le cas, pourquoi avoir laissé entendre que la diversité des opinions fait rétrécir comme peau de chagrin la métaphysique en soi ? Affirmer que la métaphysique est la science de l’être en tant qu’être serait « aller vite en besogne » (p. 29). Il faudrait d’abord …