Éditorial

Néolibéralisme, politique, drogues et santé des populations en temps de pandémie[Record]

  • Julien Simard and
  • Jean-Sébastien Fallu

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  • Julien Simard, Ph.D.
    Chercheur postdoctoral, département d’études urbaines et touristiques, ESG, UQAM

  • Jean-Sébastien Fallu, Ph.D.
    Professeur agrégé, École de psychoéducation, Université de Montréal
    Chercheur régulier, Institut universitaire sur les dépendances (IUD), Centre de recherche en santé publique (CReSP), Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec (RISQ)
    Rédacteur en chef et directeur, Drogues, santé et société

NOTE DE LA RÉDACTION

Cet éditorial ne reflète pas nécessairement l’opinion de tous les membres du comité de rédaction et n’engage en rien la responsabilité de ceux-ci.

Un des effets de la crise inhérente à l’émergence de la COVID-19 a été de révéler, de manière extrêmement limpide, les rapports troubles entre les priorités idéologiques et politiques des gouvernements néolibéraux en place en Occident et la santé des populations, objectif politique général et flou dont on peut disposer au gré des circonstances et du moment. Le dosage entre les différentes priorités des gouvernements est d’ailleurs modulable selon les aspects de la santé et celle des sous-populations qu’ils préfèrent valoriser ou servir. On n’a qu’à penser aux personnes en situation de vulnérabilité qui ont subi les contrecoups des mesures sanitaires en place pendant la pandémie et pour lesquelles les gouvernements se soucient peu, notamment les personnes utilisatrices de drogues. Les gouvernements ne sont toutefois pas les seuls dont l’idéologie capitaliste forme le cadre de référence pour l’action. En effet, des événements récents ont mis en exergue les travers d’une industrie des thérapies psychédéliques, dont les aspirations économiques prennent parfois le dessus sur les objectifs d’amélioration de la santé. Davantage que toutes les autres, les plus récentes vagues de la pandémie sont venues marquer un découplage assumé entre les priorités économiques (croissance du PIB) et la santé des populations. Alors qu’il y a quelques mois à peine un second couvre-feu était mis en place au Québec pour donner l’impression d’agir sur une situation perçue comme étant grave, et ce, malgré les dommages collatéraux entraînés, « vivre avec le virus » est maintenant synonyme de l’abandon de la majorité des mesures sanitaires et d’un laisser-faire généralisé. Ce qui était grave hier ne l’est plus aujourd’hui. Ce qui sera grave demain était hier minimisé. Les dizaines de morts par jour, principalement des personnes vieillissantes, ne sont plus importants, ne méritent plus qu’on s’y attarde. Après ces multiples tours de manège discursifs, entre le son strident des alarmes et le silence abyssal devant les faits empiriques, on ne sait plus vraiment où donner de la tête. Que doit-on faire, maintenant, pour rester en santé ? Pour se protéger ? Pour protéger nos proches de la maladie et, ultimement, du risque de décès ? Comme le suggère Ed Young dans les pages du Atlantic, une analyse diachronique des deux dernières années permet de croire que nous sommes bel et bien engagés dans un cycle accéléré de panique et de négligence, une dynamique qui précédait évidemment la pandémie, surtout dans le champ des actions gouvernementales en santé publique. La preuve est l’indifférence notoire que les gouvernements néolibéraux ont affichée pendant des années devant les multiples alertes lancées par les scientifiques quant à la possibilité imminente d’une pandémie aux proportions gigantesques. Au Canada, les leçons du SARS-COV-1 ne semblent pas avoir été apprises, contrairement à d’autres pays. Parallèlement, on applique plusieurs mesures à la hâte, sans même se demander rigoureusement si elles sont efficaces ou si elles produisent davantage de dommages collatéraux et d’effets contraires à ceux visés. La crise des opioïdes représente un autre exemple de cette dynamique où les appels à l’action par les groupes communautaires, médecins et autres sont généralement ignorés jusqu’à ce que la situation devienne hors de contrôle, jusqu’à ce qu’apparaisse une nouvelle substance, une nouvelle vague de surdoses. Évidemment, il ne s’agit pas ici de critiquer les ajustements nécessaires en fonction d’une situation épidémiologique critique (COVID-19, surdoses ou autre), mais bien les actions (ou inactions) en vertu de critères et d’objectifs politiques, idéologiques et électoralistes. Comme le souligne Marc Perreault dans l’introduction du présent numéro, la « santé », comprise dans ses dimensions biopsychosociales, n’a pas été au centre des débats qui ont marqué ces deux premières années de …

Appendices