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La santé, un carrefour normatif aux multiples ramifications[Record]

  • Marc Perreault

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  • Marc Perreault
    Directeur du numéro

Il a beaucoup été question ces derniers temps du système de santé. Du jour au lendemain, les populations de la plupart des États-nations de la planète ont eu à composer politiquement avec les répercussions d’une pandémie qui affectait toutes les sphères de la société. En même temps que le virus SARS-CoV-2 se propageait, nous réalisions par l’entremise des médias qui suivaient l’événement en simultané combien le monde est petit et combien nous sommes des organismes fragiles microscopiquement interconnectés au reste du vivant. Tandis que la contagion semblait faire fi de toutes les barrières, une des premières réactions des gouvernements a consisté à renforcer les frontières existantes tout en en créant de nouvelles à l’intérieur de leur territoire dans le but de séparer les groupes, les institutions et les régions. S’il est apparu rapidement que la menace virale frappait inégalement les personnes selon leurs conditions d’existence, ce n’est toutefois que beaucoup plus tard que les inégalités sociales et économiques sont devenues un enjeu de la sortie de crise pandémique. Bien que la stratégie politique variât d’un État à l’autre, un peu partout le modèle privilégié s’apparentait à une guerre sans merci à mener contre un ennemi invisible que l’on chercha d’abord à isoler et contre lequel on était prêt à déployer toutes les armes disponibles. Dans une société comme le Québec où l’efficacité des soins de santé est largement tributaire des nouvelles technologies biomédicales et de la capacité d’accueil de son système hospitalier, cela se traduisit par la centralisation des « efforts de guerre » autour de l’ennemi public COVID-19. Étrangement, l’esprit guerrier que le gouvernement cherchait à insuffler à l’ensemble de la société laissait peu de place à la santé. Tout au long de la crise sanitaire, on a beaucoup parlé de virus, de variants, de confinement, de vaccin, d’épuisement du personnel de soins, du nombre de décès, etc., mais de santé très peu. En fait, ce n’est que lorsque l’on commença à aborder la question des dommages collatéraux reliés aux mesures gouvernementales que la question de la santé globale des personnes et des familles s’est timidement invitée dans les débats publics. La COVID-19 agissait tel un angle mort cachant la réalité complexe, multiforme et difficile à décrire qu’est la santé et qui était traitée par les autorités principalement sous l’angle d’un « système » à protéger. À vrai dire, parler de la santé en sortant du spectre unique de la maladie et des cas de COVID-19 éveillait à coup sûr des tensions qui divisaient la société en camps inconciliables. Politiquement, la santé est un thème de propagande aux contours moralisateurs qui devient presque tabou lorsqu’il advient de la définir. La préparation du présent numéro thématique a débuté avant l’émergence de l’événement COVID-19 qui se poursuit toujours au moment d’écrire ces lignes. Même s’il en porte les traces (voir par exemple le texte de Laplante et Restrepo Hernandez) et qu’il a ouvert une piste de réflexion inusitée sur le « génocide amérindien » (voir le texte de Simenel), son propos ne tourne pas autour d’une maladie ou de « problèmes » de santé en particulier. Sa conception s’inscrit en continuité avec les deux précédents numéros thématiques que j’ai pilotés pour Drogues, santé et société (DSS) et qui visaient à dégager à travers une approche dialogique quelques-unes des relations unissant les notions de drogue et de société. Nous poursuivons la réflexion en introduisant cette fois une autre notion tout aussi polysémique, soit la santé, que nous aborderons sous de multiples facettes et sous des angles variés. Ici, la santé est avant tout un prétexte pour nous forcer à ouvrir notre regard …

Appendices