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Les bibliothèques universitaires québécoises, réunies au sein du Sous-comité des bibliothèques du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) ont officiellement constitué un partenariat en 2019, appelé le Partenariat des bibliothèques universitaires du Québec (PBUQ). La mission du partenariat dépasse les infrastructures technologiques et vise à doter les universités québécoises de plateformes innovantes de gestion de l’information afin de mieux répondre aux besoins de la communauté universitaire du Québec et d’optimiser les façons de faire en faisant appel à la concertation, au partage et à la mise en commun du savoir-faire, de l’information et des ressources (Partenariat des bibliothèques universitaires du Québec [PBUQ], s. d.).

Un des projets majeurs de concertation et de partage du partenariat ainsi que de la communauté du traitement documentaire francophone est le Programme francophone des autorités de noms (PFAN). Lancé en juin 2020, il est le fruit de la collaboration entre Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et les 15 bibliothèques des universités francophones du Partenariat. C’est par ce programme que les partenaires maintiennent un fichier commun d’autorité de noms (personnes, familles, collectivités, lieux, oeuvres et expressions), Canadiana (À propos du Programme francophone des autorités de noms, 2022.)

Cet article traitera des principales étapes ayant mené à la naissance du PFAN. Il retracera les premières discussions sur le catalogage collaboratif au Québec et la possible création d’un fichier d’autorité commun en français, l’historique du fichier Canadiana ainsi que les ententes officielles qui ont ouvert la voie à la fusion des fichiers d’autorité des partenaires et du lancement du Programme. La vision, la structure et le fonctionnement du PFAN seront par la suite présentés ainsi que les moyens déployés pour soutenir les partenaires du Programme. Pour conclure, les retombées du travail collaboratif ainsi que les projets à venir seront détaillés.

Une occasion à saisir

Un mouvement généralisé de réflexion sur l’avenir du catalogue s’est amorcé au début des années 2000. Cette réflexion est à l’origine d’articles, de communications scientifiques, et surtout de quelques rapports percutants commandités notamment par la Bibliothèque du Congrès (LC), dont le fameux rapport Calhoun (Calhoun, 2006). Les auteurs du rapport proposent une vision de changement et un plan de revitalisation du catalogue des bibliothèques de recherche. Dix étapes sont présentées pour y arriver, dont celle d’innovation et de réduction des coûts par la poursuite et l’élargissement de la participation à des programmes coopératifs de contrôle d’autorité de noms (traduction libre de Calhoun, 2006, p. 18).

C’est dans ce contexte que le Sous-comité des bibliothèques de la CRÉPUQ maintenant le BCI confie au Groupe de travail sur le traitement de la documentation (GTTD) en 2007 le mandat d’« établir un état de la réflexion actuellement en cours quant aux catalogues de bibliothèques et à l’accès aux collections dans un contexte compétitif d’accès à l’information » (Groupe de travail sur le traitement de la documentation [GTTD], 2008). Le Rapport du Groupe de travail, intitulé L’avenir du catalogue, et déposé en 2008 au Sous-comité des bibliothèques, constatait l’absence d’un fichier d’autorité de noms unique et commun dans le milieu francophone. De plus, il notait que :

les divergences entre les autorités créées pour une même personne ou une même collectivité dans les fichiers sources (BAnQ, BAC, LC. OPAL, etc.) entraînent la multiplication de formes pour une même entité et rendent plus complexes le contrôle et l’arrimage avec les notices bibliographiques

GTTD, 2008, p. 19

Le rapport soulevait l’importance pour les bibliothèques québécoises de mieux coordonner leurs efforts de traitement documentaire et recommandait, à la lumière des difficultés que représente le contrôle d’autorité

que le Sous-comité des bibliothèques confie à un groupe de travail ad hoc le mandat d’évaluer la faisabilité de la mise sur pied d’un fichier d’autorité collectif

GTTD, 2008, p. 20

Un sommaire de ce rapport et des recommandations a d’ailleurs été publié dans Documentation et bibliothèques en 2009 (Plourde et Latour, 2009). C’est dans cet esprit qu’en mai 2010, le Sous-comité des bibliothèques adoptait l’énoncé de vision Vers le catalogage collaboratif au Québec visant à favoriser une approche de catalogage collaboratif pour atteindre une efficience maximale dans le traitement notamment en établissant une liste de vedettes d’autorité de noms en français (Sous-comité des bibliothèques, 2010).

Afin de concrétiser cette vision, le forum Vers le catalogage collaboratif au Québec a été organisé en février 2011 en présence d’acteurs importants du milieu, dont Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et Bibliothèque et Archives Canada (BAC), afin d’échanger sur les enjeux du catalogage de demain et de dégager les contours d’un plan d’action pour avancer vers la mise en oeuvre du catalogage collaboratif au Québec (Direction des bibliothèques, 2011, p. 8). Aux termes de cette journée, les participants s’entendent pour former un petit groupe de travail qui aurait le mandat d’étudier la possibilité d’établir un fichier d’autorité commun en français et de préparer une proposition d’affaires.

Le groupe de travail est formé au printemps 2011 et rend son rapport intitulé Étude en vue de la création d’un fichier d’autorités collectif sur les autorités (Groupe de travail sur les autorités, 2012). Dans leur rapport, les membres du groupe de travail proposent une définition du catalogage collaboratif.

Le catalogage collaboratif peut prendre différentes formes, mais repose toujours sur la mise en commun des efforts de chaque institution en matière de catalogage. La création d’un fichier commun d’autorités en français, maintenu par toutes les institutions participantes, reposant sur des règles et normes internationales, des politiques communes, claires et impérativement respectées par tous constitue une composante importante du catalogage collaboratif. (Groupe de travail sur les autorités, 2012 p. 3)

Le groupe de travail conclut qu’il y a un gain au partage du travail relatif au contrôle d’autorité puisque le travail effectué par chacune des institutions, s’il est partagé, peut être profitable pour l’ensemble des bibliothèques francophones. Les membres du groupe de travail notent aussi l’importance de se doter d’une politique commune, mais n’arrivent pas à proposer de solutions technologiques pour concrétiser le fichier d’autorité commun. Le rapport ne sera jamais déposé et adopté par le Sous-comité des bibliothèques et le projet est alors abandonné.

En 2017, Bibliothèque et Archives Canada (BAC) annonce avoir retenu les services d’OCLC pour soutenir, entre autres, la gestion des acquisitions, le catalogage ainsi que pour assurer la gestion du catalogue collectif national (BAC, 2018). En vertu de cette entente, OCLC facilitera la continuité de la gestion du fichier d’autorité en langue française de BAC par le transfert de ses notices d’autorité dans WorldCat et BAC utilisera les applications de gestion des métadonnées de WMS pour créer et mettre à jour les autorités de noms de langue française. Les données d’autorité de langue française de BAC seront intégrées aux services de catalogage d’OCLC et continueront d’être accessibles gratuitement par le biais du Virtual International Authority File (VIAF) (BAC, s. d.).

En parallèle, et depuis l’automne 2014, les 18 bibliothèques universitaires québécoises collaborent à un projet de remplacement de leur SIGB respectif par une plateforme partagée de services (PPS). Cette plateforme repose sur la création d’un catalogue collectif et sur la fusion des fichiers d’autorité des établissements (PBUQ, 2018).

La migration prochaine des autorités en français sur la plateforme d’OCLC annoncée par BAC combinée à celle des bibliothèques universitaires québécoises sur une plateforme partagée avec fusion des leurs catalogues et de leurs fichiers d’autorité ouvre encore une fois la voie à la possibilité de créer un fichier d’autorité commun en français et géré de façon collaborative à l’instar des collègues anglophones (Library of Congress [LC], s. d.-a), germanophones (Deutsche National Bibliothek, 2021), etc. Le contexte est donc favorable et l’occasion à saisir pour concrétiser le rêve d’instaurer un fichier d’autorité francophone commun.

Vers la collaboration

Une première rencontre formelle est organisée en juin 2017 avec des représentants de BAC, BAnQ, l’Université de Montréal et l’Université McGill. Le but étant de discuter d’une collaboration possible à un fichier commun d’autorité de noms en français au Canada. McGill a participé aux discussions jusqu’au printemps 2018 à titre de membre du programme NACO pour conseiller les participants sur un modèle pour un futur programme. Lors de la deuxième rencontre qui a eu lieu en novembre de la même année, BAC accepte d’ouvrir son fichier d’autorité en français Canadiana à la collaboration. Le fichier Canadiana demeure sous la responsabilité de BAC, mais BAnQ et les 15 bibliothèques québécoises francophones du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) seront autorisées à créer, modifier, utiliser et réutiliser ses notices d’autorité. Le projet est lancé !

Deux éléments fondamentaux sont à convenir pour la suite du projet. Premièrement, le modèle encadrant la contribution de notices d’autorité dans le fichier commun, et deuxièmement, la possibilité d’ajouter automatiquement les notices des fichiers d’autorité des établissements au fichier Canadiana pour créer un réel fichier d’autorité commun.

Depuis plus de 30 ans, BAC maintenait un fichier d’autorité bilingue, Canadiana, qui permettait de créer des notices d’autorité équivalentes et liées en français et en anglais au moyen des zones MARC 7XX. En 2018, la transition vers WorldShare d’OCLC a forcé BAC à revoir sa façon de créer et de gérer les notices d’autorité de la bibliographie nationale. Le travail de gestion des autorités doit maintenant s’effectuer dans deux fichiers distincts ; les notices d’autorité en anglais sont créées dans le fichier LC/NACO et pour se faire, BAC devient membre du NACO (LC, s. d.-a) et les notices d’autorité en français continuent d’être créées dans Canadiana puisqu’aucun programme équivalent à celui de NACO n’existe en français (Bérubé et Mainville, 2020).

Le modèle

Cette transition dans la gestion des autorités en anglais est avantageuse pour les bibliothèques canadiennes anglophones, car le programme coopératif NACO offre des avantages :

  1. L’uniformisation des points d’accès avec ceux des autres bibliothèques anglophones au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni ;

  2. L’accroissement de la visibilité du patrimoine documentaire canadien au sein de la communauté internationale des bibliothèques en raison de l’uniformisation des points d’accès ;

  3. Le travail en commun permet le partage des expertises, ce qui sauve temps et ressources ;

  4. Les normes communes, partagées par une communauté d’utilisateurs. Ces avantages n’existent malheureusement pas en français (Cardinal, Horrall et Poirier, 2020).

L’année 2018 est déterminante pour la naissance du programme puisqu’OCLC accepte de verser les notices d’autorité des fichiers des bibliothèques partenaires dans Canadiana, mais aussi, pour deux rencontres en particulier qui ont permis de jeter les bases du PFAN. Celles tenues le 14 février 2018 à Gatineau et le 15 novembre de la même année à la Bibliothèque nationale à Montréal. C’est lors de la réunion de la Saint-Valentin que la structure de la gouvernance est arrêtée et c’est au cours de celle de novembre que les membres conviennent de calquer le modèle du fichier commun en français et du Programme le chapeautant sur celui de NACO.

Pourquoi s’inspirer du modèle NACO ? Autant les rapports L’avenir du catalogue (GTTD, 2008) ou celui intitulé Étude en vue de la création d’un fichier d’autorités collectif sur les autorités (Groupe de travail sur les autorités, 2012) que la Foire aux questions de BAC notent l’absence d’un programme international comparable en français à ce qui est offert en anglais par le NACO (BAC, s. d.). De plus, les bibliothèques francophones nord-américaines utilisent toutes le format MARC 21 et se conforment à la norme RDA, Ressources : description et accès. Il est donc naturel de prendre exemple sur des initiatives qui s’appuient sur les mêmes normes en regardant du côté du Canada anglais et des États-Unis. Enfin, pour les catalogueurs de Bibliothèque et Archives Canada qui suivaient déjà les règles de NACO pour l’établissement des notices d’autorité en anglais, il était important pour des raisons de cohésion et d’uniformité des points d’accès dans les deux langues de ne pas établir des règles différentes pour les notices d’autorité en français. Le modèle NACO s’est donc imposé de lui-même malgré les contraintes de contrôle de qualité, de respect des normes et la formation intensive requise.

Il est vrai qu’aucun programme international en français comparable à celui de NACO et ayant pour base la norme RDA et le format MARC 21 n’existe. Il faut quand même souligner que localement, il y a eu le modèle de coopération, misant sur ces normes, entre des établissements du réseau de l’Université du Québec (UQ). En 2007, un système de gestion de bibliothèques a été implanté en mode coopératif dans huit établissements du réseau de l’Université du Québec, ce qui a impliqué la fusion des catalogues et des fichiers d’autorité de ces bibliothèques et l’harmonisation des pratiques de catalogage pour le travail en collaboration (Boisvert et Séguin, 2010).

Certains projets de fichier d’autorité commun international ont été proposés. C’est ainsi que l’IFLA instaure, pour réduire les coûts et encourager la coopération internationale, le Bureau du contrôle bibliographique universel. Le principe était que chaque agence bibliographique nationale devait établir les formes de ses autorités de noms et partager ces données afin qu’elles soient réutilisées dans le monde entier. Par contre, la forme unique et sans ambiguïté à privilégier, « la vedette autorisée » qui tient compte de la diversité culturelle des utilisateurs dans le monde, s’est avérée difficile à réaliser (IFLA, 2014). La conciliation de préservation de la diversité culturelle dans les formes de noms et la volonté d’une plus grande coopération internationale pour les autorités se concrétise avec le Fichier d’autorité international virtuel (VIAF, Virtual International Authority File) qui combine plusieurs fichiers d’autorité de noms des bibliothèques nationales en un seul service d’autorité de noms, hébergé par OCLC. Il relie ainsi les notices d’autorité créées aux niveaux national et régional en groupes de notices connexes. VIAF vient élargir le concept de contrôle bibliographique universel en permettant la coexistence de variations de la forme autorisée au niveau de la langue, de la graphie et de l’écriture (VIAF, 2012), ce qui répond aux besoins des utilisateurs exprimés dans la Déclaration professionnelle de l’IFLA sur le contrôle bibliographique universel (IFLA, 2014). En regroupant les différentes formes de noms, VIAF fournit des données structurées en de multiples langues et devient un acteur du Web sémantique.

Mentionnons également la récente initiative française lancée en 2017, le Fichier national d’entités (FNE), co-réalisé par la Bibliothèque nationale de France (BnF) et l’Abes (Charte FNE, 2020). L’objectif qui rejoint celui du PFAN est celui basé sur le principe des données d’autorité et du contrôle bibliographique universel,

[CIT] une même entité sera identifiée et décrite une et une seule fois et gérée de manière centralisée ; elle sera utilisée et ré-utilisée autant de fois que nécessaire pour les besoins de description des collections multiples.

Charte FNE, 2020

Le projet mise sur Wikibase comme base pour l’infrastructure de la plateforme FNE.

Ententes formalisées du PFAN

Les principaux éléments de la future collaboration sont établis après d’intenses travaux en 2018 et 2019 :

  1. gouvernance et structure du programme :

  2. modèle de la collaboration au fichier d’autorité commun ;

  3. fusion des fichiers d’autorité des établissements participants.

La dernière pierre de la collaboration est jetée en septembre 2019 lorsque le programme est officiellement nommé Programme francophone des autorités de noms (PFAN). La collaboration, rendue possible avec l’ouverture du fichier Canadiana, responsabilité de BAC, aux contributions de partenaires, est formalisée par les trois membres fondateurs du Programme par la signature d’ententes à l’hiver 2019 et 2020 entre Bibliothèque et Archives Canada, l’Université de Montréal et BAnQ. C’est aussi au cours de l’hiver 2020 que les universités francophones du BCI officialisent leur adhésion au PFAN.

En parallèle à la mise en place du Programme, les bibliothèques universitaires québécoises, chapeautées par le Sous-comité des bibliothèques du (BCI), annoncent en avril 2019 que la solution retenue comme plateforme partagée de services et qui remplacera les SIGB des 18 établissements du BCI est WorldShare Management Services (WMS) d’OCLC (PBUQ, 2919). Cette entente facilitera la mise en place du Programme dans les bibliothèques universitaires francophones du BCI puisqu’elles travailleront directement dans WMS, plateforme déjà utilisée par BAC pour créer et mettre à jour les autorités dans Canadiana (BAC, 2018).

La fusion

Opération majeure pour le travail en collaboration dans le fichier Canadiana, la fusion des fichiers d’autorité des établissements participants a été autorisée par BAC, mais pas la fusion de notices. Cela veut dire que seules les notices uniques en provenance des fichiers des partenaires et qui représentent de nouvelles autorités ont été ajoutées à celles de BAC dans Canadiana. Le travail sur la fusion des fichiers d’autorité par OCLC s’est échelonné de l’automne 2018 au printemps 2020 (Cardinal, Horrall et Poirier, 2020).

OCLC acceptait, à l’été 2018, de verser les notices d’autorité uniques des partenaires dans Canadiana, mais s’engageait à ne faire qu’un seul versement. Cela voulait donc dire qu’un travail préalable de fusion des huit fichiers d’autorité des partenaires devait être effectué afin de créer un seul fichier de notices uniques devant être ajoutées à Canadiana. Pour arriver à constituer ce fichier, les partenaires ont d’abord soumis leur fichier d’autorité à OCLC dans le but d’obtenir un rapport listant les incohérences de leurs notices d’autorité (erreurs, mauvais codage, zones manquantes) pour leur permettre ainsi de nettoyer leurs données avant la fusion. L’expérience de BAC dans la migration de ses notices d’autorité dans WMS et les spécifications d’OCLC ont servi de guide pour les corrections. À ces spécifications, des règles d’intégration ont été établies par les Comité directeur et Comité des normes du PFAN, la consultante (formatrice NACO) engagée par BAC pour la formation et OCLC. Par exemple, pour être considérées comme candidates à l’ajout, les notices d’autorité d’un établissement partenaire devaient passer la validation MARC d’OCLC, c’est-à-dire, ne pas contenir de champs MARC locaux, ne pas être de niveau incomplet ou squelettique, ne pas avoir de mention sur la source des données.

Une des règles d’intégration prévoyait aussi l’ordre de comparaison des fichiers des partenaires en vue de constituer le fichier à intégrer à Canadiana. Le fichier de BAnQ a été utilisé comme fichier de base puis l’ordre de comparaison au fichier de base s’est fait selon la grosseur des fichiers d’autorité en nombre de notices. Si une notice du fichier 2 n’existait pas dans le fichier de base, alors la notice unique du fichier 2 était ajoutée au fichier de base. OCLC a ensuite comparé le 3e fichier d’autorité au fichier combiné créé par les fichiers d’autorité de base et le 2e fichier. Si une notice du 3e fichier n’existait pas dans le fichier combiné, alors la notice était ajoutée. La même façon de faire a été appliquée jusqu’à ce que tous les fichiers d’autorité soient comparés et combinés. C’est ce fichier ne comprenant que les notices uniques de tous les partenaires, qui a été comparé à Canadiana afin d’y verser les notices non présentes dans celui-ci. Le fichier Canadiana avant l’ajout des notices uniques des partenaires comprenait 650 000 notices. Après l’ajout des notices d’autorité des huit partenaires en juin 2020, Canadiana contenait plus de deux millions de notices (voir figure 1) !

Figure 1

Intégration des notices d’autorité à Canadiana

Intégration des notices d’autorité à Canadiana

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Les 1,4 million de notices non intégrées à Canadiana ont été hébergées dans un entrepôt de données à l’Université Laval pour une période de deux ans. Pendant cette période, il était possible de consulter toutes les notices non ajoutées à Canadiana, mais pas de les transférer automatiquement dans Canadiana puisqu’elles avaient été rejetées par le programme de comparaison d’OCLC. En raison de la consultation décroissante de ces archives, l’hébergement prend fin en mai 2022.

Le PFAN

Les objectifs du programme sont de créer, de mettre en oeuvre et d’administrer un fichier d’autorité en collaboration avec des partenaires. Le déploiement du PFAN, inspiré du programme NACO, implique pour BAC de passer d’une gestion locale à une gestion partagée de son fichier d’autorité Canadiana. BAC doit donc accorder des droits aux partenaires pour la création et la modification des notices du fichier Canadiana en autorisant OCLC à leur donner accès à Canadiana via WMS. Le PFAN a aussi des implications pour les partenaires, qui doivent ensemble convenir de normes, de lignes directrices et de procédures communes. Les participants sont limités dans la phase d’implantation du Programme à BAC, BanQ et aux universités francophones du BCI. Ce projet majeur pour la communauté du traitement documentaire francophone jette les bases à une plus large participation d’agences de catalogage dans l’avenir.

La structure du PFAN est constituée de deux comités, le Comité directeur et le Comité des normes (voir figure 2).

Figure 2

Structure du PFAN

Structure du PFAN

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Créé en février 2018, le Comité directeur est formé par les membres créateurs du programme. BAC et BAnQ sont des membres permanents alors que l’UdeM qui représente le BCI a un mandat de deux ans. Ce comité a pour mandat la planification, la supervision et l’administration du programme (Comité directeur, 2020). Il est responsable de faire la promotion du programme, d’assurer la liaison avec le comité des normes et OCLC, de trancher en cas d’impasse au comité des normes et d’approuver les demandes d’adhésion de nouveaux membres.

Le Comité des normes a été créé en mars 2019 pour préparer les procédures et la formation pour le lancement du programme. Il est responsable de la rédaction et de la mise à jour des lignes directrices et des règles encadrant la création ou l’enrichissement des notices dans le fichier d’autorité Canadiana dans le cadre du PFAN. Ces experts soutiennent aussi les partenaires du Programme pour toutes les questions touchant les autorités (Comité des normes, 2021).

La formation

Pour participer à un tel projet, une solide formation est obligatoire. C’est au printemps 2019, afin de les soutenir dans la mise en oeuvre du Programme, que BAC s’adjoint les services d’une consultante, Dominique Bourassa, bibliothécaire à l’Université Yale. En raison de son expérience de formatrice NACO, Mme Bourassa a le mandat d’aider le Comité directeur et le Comité des normes à définir les règles d’intégration des notices d’autorité au fichier Canadiana, à élaborer les normes et les lignes directrices communes pour la création et la mise à jour de notices d’autorité dans un fichier collaboratif, et de concevoir un programme de formation semblable à celui du NACO (LC, s. d.-b).

Les principales étapes devant menées à la formation de formateurs des établissements partenaires du PFAN consistaient à offrir une initiation aux principes du travail dans un environnement collaboratif, à traduire en français le matériel de formation NACO et à adapter les exemples à notre contexte francophone. Par la suite, les formateurs devaient former tous les catalogueurs des établissements partenaires.

Le calendrier initial prévoyait une initiation au travail dans un environnement partagé en novembre 2019 et une formation des formateurs d’une semaine en présence à Montréal à la fin avril 2020. L’arrivée de la pandémie et du confinement en mars 2020 bouscule le scénario initial. L’initiation en ligne par Mme Bourassa a lieu comme prévu et le matériel de formation est livré dans les délais. Ce travail titanesque de traduction a demandé les efforts du comité des normes pendant une année ! Cependant, avec les interdictions de voyage et de rassemblements, la formation doit passer en mode virtuel (voir figure 3). C’est donc l’occasion d’ouvrir la formation à tous les catalogueurs en mesure de se brancher.

Figure 3

La formation passe en mode virtuel

La formation passe en mode virtuel

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Une centaine de catalogueurs en moyenne provenant de tous les établissements partenaires ont pu ainsi bénéficier de la semaine de formation, éliminant de ce fait l’étape de formation de formateurs initialement prévue (Formation PFAN, 2020). C’est en juin 2020, avec quelques semaines de retard sur l’échéancier initial, que le Programme est officiellement lancé.

Soutenir les partenaires

Pour aider les partenaires du Programme, le Wiki PFAN – Programme francophone des autorités de noms, a été créé (https://wiki.gccollab.ca/PFAN_-_Programme_francophone_des_autorit%C3%A9s_de_noms) afin d’offrir un point d’accès unique à toute la documentation. Le matériel de formation, les règles de contribution, les procédures, le manuel du participant, une FAQ, la planification triennale, les bibliothèques membres, toute l’information y est centralisée et régulièrement mise à jour (voir figure 4). Cette centralisation facilite le travail des catalogueurs en plus d’offrir une vitrine publique au Programme.

Figure 4

Wiki du PFAN

Wiki du PFAN
Source : PFAN. CC BY 4.0

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Une liste de discussion, PFAN-L, a été établie par le PFAN pour permettre aux participants de partager des renseignements d’intérêt pour les bibliothèques participantes ou de poser des questions et proposer des solutions. Les questions et réponses viennent nourrir la FAQ du Wiki.

Un programme de mentorat est également institué pour les bibliothèques universitaires après avoir constaté, six mois après le lancement du Programme, qu’à part les catalogueurs de BAC et BAnQ, seules trois universités francophones (Université de Montréal, Université Laval et UQAM) avaient créé des autorités de noms de personnes dans Canadiana (PBUQ, 2022). Lors d’un sondage informel effectué auprès des membres du Groupe de travail sur les autorités des bibliothèques universitaires pour comprendre ce qui freinait les établissements, un ensemble de facteurs a été invoqué : manque de ressources humaines, augmentation de la charge de travail liée à la migration des catalogues dans WMS, augmentation de la charge de travail reliée à la création des autorités et aux exigences du PFAN, manque de soutien, etc.

Afin d’atténuer le risque que les universités participantes au Programme oublient les règles de contribution et les instructions pour collaborer à Canadiana, un projet pilote de mentorat a été offert à quatre établissements à l’hiver et au printemps 2021. Le mentorat avait, entre autres, comme objectifs de soutenir les universités dans l’application des règles de création d’autorités dans le cadre du Programme et de mettre en action les principes de collaboration et de soutien au coeur du PFAN.

D’une durée de 15 semaines, le projet a permis aux participants d’établir des notices d’autorité et de démystifier les règles du PFAN. Le mentorat, appuyé par les outils de travail développés sur le Wiki du PFAN, a donné de bonnes bases pour commencer à contribuer à Canadiana. Ce projet a été très formateur, à la fois pour les mentorés et les mentors. À la suite de ce projet pilote, le mentorat a été pérennisé et pourra être offert à tous les établissements souhaitant s’en prévaloir (PBUQ, 2022).

Malgré l’aide que le mentorat a apportée pour les catalogueurs qui ont pu s’en prévaloir, il reste que l’accompagnement et la validation continuent d’être nécessaires pour plusieurs catalogueurs afin que ceux-ci atteignent un niveau d’autonomie complet pour tous les types d’autorité.

Et maintenant !

Près de deux ans après le lancement du PFAN, le Programme est encore trop jeune pour mesurer toutes les retombées, mais on note déjà des avantages à la collaboration ; partage des ressources et de l’expertise, réduction de la charge de travail et gain de temps. En contrepartie, la collaboration entraîne certains ajustements pour les partenaires ; perte de contrôle sur les données, abandon des pratiques locales, compromis, règles plus strictes et formation plus longue. À titre d’exemple, les bibliothèques universitaires avaient pour pratique de translitérer en utilisant les tables de romanisation ALA-LC. Avec l’ouverture de Canadiana aux partenaires, les universités ont adopté la pratique de BAC d’utiliser les tables de romanisation ISO afin de maintenir la cohérence des points d’accès translitérés.

Pour Bibliothèque et Archives Canada et les partenaires universitaires, il y a eu un gain important dans les processus de catalogage du fait que tous cataloguent directement dans l’interface WMS, ce qui n’est pas le cas de BAnQ. En effet, pour BAnQ, qui travaille dans Canadiana, mais qui maintient un fichier d’autorité dans son système local, les processus pour créer ou mettre à jour les notices d’autorité se sont complexifiés. Les notices créées ou mises à jour dans Canadiana, hébergées dans WMS, doivent être versées par les catalogueurs de BAnQ quotidiennement dans leur fichier local afin de le maintenir à jour. De plus, les notices identifiées au départ comme étant non uniques au fichier de base de Canadiana car présentes dans celui de BAC, mais plus complètes ou différentes dans le fichier local de BAnQ doivent être mises à jour par le catalogueur de BAnQ dans Canadiana afin de ne pas perdre de données lors de versements éventuels de ces notices dans le fichier local. Dans une seconde étape, un processus automatisé de mises à jour quotidiennes des notices autorité dans le fichier local de BAnQ sera à développer.

Ces années ont aussi permis de consolider le Programme avec la systématisation des actions des deux comités du PFAN en un plan triennal et la formalisation des règles et principes généraux qui le régissent. Ainsi, on réaffirme, dans les principes généraux, la nature collaborative du fichier d’autorité, la neutralité des notices qu’il contient et son ouverture à tout partenaire francophone (Principes généraux, 2022). La rédaction de procédures et la traduction de la documentation, en soutien aux partenaires, se sont poursuivies et sont venues enrichir le Wiki. Par exemple, avec le travail en collaboration dans Canadiana, le Comité des normes a dû donner des consignes pour les noms géographiques (Quel est le principe qui sous-tend le choix d’établir un nom géographique, 2022) et préciser les entités géographiques devant être établies dans Canadiana et celles qui devaient l’être dans le Répertoire de vedettes-matière de l’Université Laval, vocabulaire d’indexation en français officiel de la documentation au Canada (Manuel des vedettes-matière, 2021). Des sous-groupes de travail ont également été formés pour discuter et résoudre des questions plus pointues dont un sur l’uniformisation des pratiques en musique et un autre sur la traduction du manuel de catalogage matière de la Library of Congress pour les entités ambiguës tels les édifices.

Les projets ne manquent pas et les énergies sont maintenant tournées vers l’avenir du Programme. La vision du PFAN en a toujours été une d’ouverture et de partage des données. C’est donc avec cette vision en tête que BAC a créé un nouvel élément Wikidata pour le fichier d’autorité Canadiana, ce qui permettra aux éditeurs de Wikidata de citer des informations provenant du fichier d’autorité (voir figure 5). Cela a aussi permis le jumelage de plus de 13 000 individus trouvés dans le fichier d’autorité de Canadiana à leurs entités correspondantes dans Wikidata. Le travail pour représenter plus d’auteurs francophones dans Wikidata s’intensifiera au cours des prochains mois.

Figure 5

Canadiana dans Wikidata

Canadiana dans Wikidata
Source : Wikidata. CC0 1.0

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Les données d’autorité créées dans Canadiana sont accessibles gratuitement par le biais du VIAF (BAC, s. d.). Le Programme permet donc d’exposer, de partager et d’ouvrir plus largement les données d’autorité des partenaires qui collaborent maintenant au fichier d’autorité Canadiana.

Les prochaines années du Programme francophone des autorités de noms seront donc celles de la poursuite de l’ouverture des données Canadiana, mais aussi celles de l’ouverture du PFAN à de potentiels nouveaux partenaires francophones.