Comptes rendus bibliographiques

POURTIER, Roland (2021) Congo, un fleuve à la puissance contrariée. CNRS Éditions, 300 p. (ISBN 978-2-271-12249-0)[Record]

  • Koassi D’Almeida

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  • Koassi D’Almeida
    Université Laval

Il est permis de penser que la mise en valeur de ressources naturelles disponibles sur un territoire contribuerait à l’amélioration des conditions de vie des populations qui s’y trouvent. Mais en Afrique, la réalité semble différente. Malgré les richesses naturelles du continent, les populations africaines sont les plus pauvres au monde. C’est ce paradoxe que le géographe Roland Pourtier met en évidence dans cet ouvrage consacré au grand bassin du fleuve Congo. Aussi puissant qu’il soit, le fleuve Congo n’a pas encore montré le plein potentiel qu’on espérait de lui depuis l’époque coloniale. Agréable à lire, l’ouvrage communique la passion et la grande expérience de recherche de l’auteur en Afrique, notamment en Afrique équatoriale. Les données de géographie physique, humaine et économique, les cartes, les photographies d’archives, les références à l’histoire coloniale et à la géopolitique du grand bassin du fleuve Congo contenues dans l’ouvrage sont d’une grande utilité pour les étudiants et les chercheurs. À cela s’ajoutent des notes explicatives en fin d’ouvrage et des références à des oeuvres littéraires et cinématographiques que le bassin du fleuve Congo a inspirées. Le livre est composé de six « tableaux » précédés d’un prologue et suivis d’une réflexion de l’auteur sur l’avenir du « fleuve mythique d’Afrique équatoriale » (p. 16). De mon point de vue, les trois premiers tableaux déclarent la puissance du fleuve Congo et son importance dans la colonisation de l’Afrique. D’emblée, dans le tableau I, Pourtier signale que l’intérêt pour le bassin du Congo et son potentiel en ressources naturelles ne date pas d’hier. Pour cela, il nous ramène au XVe siècle, époque des premiers contacts des Européens avec le Congo et des tentatives de son exploration. L’auteur explique également la place centrale du bassin du Congo dans les débats lors de la conférence de Berlin, du 15 novembre 1884 au 26 février 1885. Dans le tableau II, Pourtier nous offre une description détaillée de cet immense fleuve et de ses affluents. « C’est le bassin le plus vaste du continent devant celui du Nil et le second au monde, derrière celui de l’Amazone » (p. 54). Il ne s’est pas contenté de décrire le fleuve Congo et son bassin, il explique aussi ses métamorphoses, ses changements de nom, ses infrastructures portuaires et hydroélectriques, son potentiel de navigation, ainsi que les contentieux frontaliers et les défis environnementaux qu’il suscite. De son analyse de peuplement du bassin du Congo dans le tableau III, on note une diversité ethnique et culturelle, des identités linguistiques, swahili et tshiluba à l’est, et lingala, kikongo, à l’ouest, des configurations ethnolinguistiques dynamiques, ainsi que des mouvements politiques et religieux. La pirogue est l’outil indispensable de mobilité des populations riveraines du fleuve. « Sans les pirogues, le fleuve serait nu » (p. 103). Les activités économiques et le régime alimentaire des populations rurales du bassin varient, que l’on soit en forêt ou en savane. Dans cette Afrique rurale, le rapport au temps, les techniques de production et l’organisation du travail sont importants, mais ils peuvent aussi porter des obstacles culturels aux projets de transformation dans le futur. L’auteur soulève singulièrement les conditions de travail des femmes, contraintes de transporter de lourdes charges sur le dos, le « portage féminin ». Selon Pourtier, « la fin du portage féminin sera le plus important des changements socio-économiques culturels à venir dans les pays du Congo » (p. 115). L’auteur analyse également le renversement prodigieux qu’a connu le bassin du Congo au fil du temps, mentionnant surtout l’hyperfécondité et l’enjeu démographique qui en découle, la guerre et les conflits à l’est du bassin, ainsi que les …