Comptes rendus bibliographiques

FINCHER, Ruth, IVERSON, Kurt, LEITNER, Helga et PRESTON, Valérie (2019) Everyday Equalities. Making Multicultures in Settler Colonial Cities. University of Minesota Press, 264 p. (ISBN 978-2-343-18268-1)[Record]

  • Annick Germain

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  • Annick Germain
    Centre Urbanisation Culture Société, Institut national de la recherche scientifique

Ce livre très abouti est le fruit de la collaboration soutenue de quatre éminents géographes intéressés par les rencontres avec la différence dans des villes de la « superdiversité », au sein des colonies de peuplement, en l’occurrence l’Australie, les États-Unis et le Canada. Il se démarque de plusieurs façons des études habituelles sur la cohabitation des différences au quotidien. D’une part, si les rencontres sont traitées à la fois comme une ontologie (étant un moteur de la vie quotidienne dans la ville), une épistémologie et une méthodologie, le cadre normatif, lui, est logé à l’enseigne de l’égalité. En d’autres termes, être ensemble dans la différence, mais en tant qu’égaux. Les deux premiers chapitres exposent d’ailleurs clairement les composantes de la problématique et son originalité par rapport aux écrits traitant de la diversité au quotidien. Le potentiel politique des rencontres fait l’objet d’une attention particulière dans le chapitre II, car ces rencontres peuvent révéler l’émergence de relations d’égalité au quotidien pouvant s’attaquer à des formes particulières d’inégalité racialisée. D’autre part, les sphères de la vie quotidienne examinées par les chercheurs, accompagnés de leurs étudiants et de leurs collègues, vont au-delà des espaces publics généralement étudiés dans la littérature. Les auteurs en abordent quatre : construire son chez-soi (domicile), gagner sa vie (travail), se déplacer en transport public et faire partie de publics engagés. Ces sphères sont explorées chacune dans une ville différente et appuyées sur une douzaine de courtes études de cas. À Melbourne (chapitre III), par exemple, on observe les rencontres accompagnant l’établissement de nouveaux immigrants en banlieue, les évitements entre locataires et propriétaires dans une opération de mixité sociale, l’isolement des étudiants internationaux dans leur immeuble. Notons que ces étudiants se rencontrent dans les espaces de restauration des centres commerciaux et finissent par convaincre la Ville de la nécessité de veiller à l’inclusion d’espaces de rencontre dans leurs immeubles. Dans le chapitre sur Toronto, l’accent est mis sur un segment particulier du marché du travail, celui qui est peu qualifié et réservé aux femmes. L’organisation du travail minimise les occasions de rencontre et les employées sont isolées, comme c’est le cas des caissières dans les épiceries italiennes. Mais parfois, les employées parviennent à se rencontrer au-delà de leurs différences, qu’il s’agisse des Caribéennes qui font le ménage des chambres dans les grands hôtels et se retrouvent dans une chorale grâce aux syndicats, ou d’employées domestiques qui se mobilisent lors de manifestations publiques et surmontent ainsi leur isolement. Le chapitre V nous emmène à Sydney dans les transports en commun, où les manifestations du racisme sont fréquentes. Ici encore, les situations d’inégalité sont combattues, que ce soit en favorisant l’accessibilité des services aux demandeurs d’asile ou en organisant dans les bus des campagnes antiracistes, auxquelles participent même les passagers en lançant des discussions sur leurs cellulaires. Enfin, dans le chapitre VI portant sur l’engagement public, on revient notamment sur un défilé réputé qui a réuni, à Los Angeles, des travailleurs immigrants s’apprêtant à traverser les États en bus, une équipée qui a favorisé les rencontres et renforcé la mobilisation. Ces cas abordent un large éventail de rencontres, planifiées ou non, individuelles ou collectives, avec ou sans intermédiaires, etc. Atteindre l’égalité est un travail ardu qui mobilise les affects, se construit dans le temps, suppose des infrastructures pour soutenir les pratiques et passe souvent par l’engagement politique. En conclusion, les auteurs énoncent d’ailleurs six principes pour guider les actions en faveur de l’égalité dans les rencontres avec la diversité dans la vie quotidienne. Au total, cet ouvrage fera référence : il est bien structuré, mu par un propos engagé et …