Chronique bibliographique

Guillaume Tusseau, Droit comparé et théorie générale du droit. Notes sur quelques allers-retours aporétiques, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, 104 p., ISBN : 978-2-7637-5541-0.[Record]

  • Christophe Otero

…more information

  • Christophe Otero
    Université de Rouen

Finir comme on a commencé. Dans une épanadiplose narrative, Guillaume Tusseau évoque et convoque ce qu’il estime, à juste titre, être « deux parents pauvres du système universitaire français » (p. 66 ; voir aussi p. 3) : le droit comparé et la théorie générale du droit. Parents pauvres presque stériles, rien de l’étude de ces deux domaines ne pourrait aboutir à quelque chose de signifiant et de fécond. Loin d’en prendre acte, dans la mesure où, parmi ses nombreuses passions figurent ces deux matières que l’on retrouve tant dans ses écrits que dans ses enseignements, il entend investir ces « deux grandes nébuleuses qui […] se rejoignent par endroits » (p. 4). Rendre compte de ces allers-retours aporétiques où la contradiction l’emporterait d’emblée sur toutes autres conclusions s’avère un plaisir – qui n’a d’égal que sa lecture – pour celui qui, pour l’avoir fréquenté comme collègue et l’estime au plus haut point pour ses qualités scientifiques et humaines, et si l’on mobilise l’espace d’un instant le langage échiquéen, peut tout simplement être considéré comme un grand maître international. Tusseau entend, comme les théories générales du droit, au sens littéral du terme, prendre les droits (comparés) au sérieux. L’objectif n’est pas sans risque car, ainsi que le retient Horatia Muir Watt, « l’admission de la fonction subversive du droit comparé fait partie des acquis de la doctrine comparative depuis l’élaboration par le grand comparatiste italien Rodolfo Sacco de sa théorie du droit comparé comme connaissance critique du droit. Pour cet auteur, “la comparaison constitue une menace pour toute la science juridique” ». Au surplus des risques sur le plan théorique, les écueils pratiques sont également présents. Ainsi, Louis-Antoine Macarel considérait que la mission des enseignants consiste à L’on pourrait croire l’étude très éloignée des préceptes de ce fondateur de l’enseignement du droit administratif en France, il n’en est rien car, comme le montre Tusseau dans ses développements et in fine, c’est bien sur ces impératifs presque catégoriques que l’on revient. Dès l’introduction se retrouve le souci sémantique, méthodologique et épistémologique de l’auteur. Dans le cadre de celle-ci, l’auteur explique ainsi la pluralité du droit comparé selon qu’est retenu son objet (la législation, les éléments déterminants ou non des systèmes juridiques, etc.), sa méthode (formaliste, fonctionnaliste, etc.) ou sa vocation et finalité (dégager des principes universels, l’unification et l’harmonisation internationale du droit). De façon identique, il met en évidence la pluralité de la théorie générale du droit derrière laquelle l’on retrouve, entre autres aspects, l’histoire de la philosophie du droit, le raisonnement juridique, l’argumentation juridique ou encore les théories des concepts juridiques, de la norme juridique ou de l’ordre juridique. D’emblée comme le droit comparé, première similitude, « [n]i l’objet, ni la méthode, ni la finalité de ces différentes orientations ne coïncident pleinement » (p. 8). Dès lors, la difficulté est forte de vouloir dans un même ouvrage traiter simultanément et conjointement deux domaines qui sont intrinsèquement eux-mêmes autant pluriels. Tusseau s’explique et se justifie pleinement de l’intérêt de cette rencontre. D’abord, il y a le fait, dans les deux facettes d’un même métier universitaire, comme enseignant de s’être consacré à la théorie du droit et au droit comparé et comme chercheur tout autant à travers une bibliographie conséquente en français, en anglais, en italien et en espagnol. Ensuite, parce que la rencontre du droit comparé et de la théorie générale du droit a sans doute plus à apprendre qu’il est possible de prime abord de le présupposer. Enfin, et surtout, car elle offre à Tusseau l’occasion d’imaginer deux mouvements, ces allers-retours, « selon que l’on conçoit le droit comparé …

Appendices